Le Rapporteur — Premier trimestre de 2020

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Sommaire des rendements du 31 décembre 2019 au 31 mars 2020

Indices de référence Rendement (converti en $ CA)
S&P 500  -12,12 %
S&P/TSX  -20,90 %
MSCI World  -13,59 %
MSCI EAEO  -15,57 %
FTSE TMX Canada Universe Bond 1,56 %
Indices de référence Rendement (calculé en $ US)
Or 3,95 %
Pétrole  -66,46 %

À première vue, en consultant les données ci-dessus, il est normal d’être inquiet. Outre le marché obligataire et l’or qui ont servi de valeurs refuges, les marchés boursiers et les cours pétroliers se sont effondrés en raison de la COVID-19. Pour vous donner une idée, le Dow Jones Industrial Average a perdu plus de 30 % en l’espace de seulement 22 jours, un record de rapidité pour une baisse d’une telle importance. Mais saviez-vous que les indices de référence ont fortement rebondi à la fin du trimestre? Par exemple, le S&P 500 a grimpé de 18 % entre son creux enregistré le 23 mars et le 31 mars!

Comment peut-on expliquer un tel rebond des cours boursiers? Pour y répondre, rien ne vaut une anecdote.

Le 28 janvier 1986, la navette spatiale Challenger explose en plein ciel peu après son décollage. Lors de la conférence de presse qui suit, Jesse W. Moore, un membre influent de la NASA, refuse de spéculer sur les causes de la tragédie, mentionnant qu’une enquête approfondie aura lieu. En juin de la même année, la Commission Rogers conclut qu’en raison du froid, la défectuosité de certains joints de la navette a provoqué un incendie qui a causé l’irréparable et dont la société Morton Thiokol, fournisseur de ce type de pièces, doit être tenue responsablenote de bas de page 1.

Selon l’hypothèse de l’efficience du marché, les marchés boursiers reflètent rapidement toute nouvelle information. Conformément à ce principe, on s’attendait à ce que l’action de Morton Thiokol s’effondre lors de la publication du rapport d’enquête. Or, étrangement, la spirale baissière avait commencé immédiatement après l’accident : à peine 13 minutes plus tard, son cours boursier chutaitnote de bas de page 2. Devant le volume trop élevé de commandes, la Bourse de New York avait alors suspendu brièvement la négociation sur les titres de cette société. À la fin de la journée, l’action clôturait en baisse de près de 12 %!

Naturellement, certains diront que de nombreuses personnes avaient accès à une information privilégiée et non connue du public (par exemple, un employé de Morton Thiokol ou de la NASA), mais on n’a trouvé aucune preuve pour appuyer cette thèse. C’est pour cette raison que l’on considère la Bourse comme un mécanisme d’anticipation. D’un point de vue théorique, la somme des connaissances, de l’expérience, du jugement et de l’intuition des milliers de participants de marché influerait sur le cours d’une action, car ces derniers tiennent compte à tout moment de toute l’information disponiblenote de bas de page 3.

Selon ce qui précède, devant la COVID-19, les participants de marché ont commencé à anticiper des jours meilleurs pour la santé des populations touchées, l’économie et les marchés financiers. La résilience des marchés boursiers face au barrage constant de données préoccupantes est tout de même impressionnante.

Voici un aperçu des dernières nouvelles économiques :

  • En mars, quelque 10 millions d’Américains, soit l’équivalent de 6 % de la population active (l’ensemble des gens âgés de 15 à 64 ans qui sont en mesure de travailler), ont fait une demande d’assurance-emploinote de bas de page 4;
  • Selon les économistes des six grandes banques canadiennes, on s’attend à une contraction de 5 % et de 24 % respectivement du produit intérieur brut (PIB) canadien pour les deux premiers trimestres de l’année, ce qui correspondrait à la définition de ce qu’est une récession : période durant laquelle le PIB se replie pendant au moins deux trimestres consécutifs. Pour l’économie américaine, les prévisions sont sensiblement les mêmes. À noter que pour la lecture du PIB du deuxième trimestre, certaines firmes d’investissement sont très pessimistes (Goldman Sachs :  –34 % et Capital Economics :  –40 %)note de bas de page 5;
  • En ce qui concerne la croissance des bénéfices aux États-Unis, la firme de recherche Yardeni prévoit une décélération annualisée de 3,3 % en 2020. Bien entendu, cette estimation pourrait être revue à la baisse si la crise sanitaire perdurenote de bas de page 6;
  • Partout dans le monde, en mars seulement, quelque 576 entreprises ont suspendu la distribution de leur dividendenote de bas de page 7;
  • Près de 50 entreprises américaines ont mis sur « Pause » leur programme de rachat d’actions, afin de préserver leur niveau de liquidité. Comparativement à l’année dernière (760 milliards de dollars), il s’agit d’une réduction de 25 % du montant total déboursé pour racheter des actions en circulation (190 milliards de dollars)note de bas de page 8.

Sommaire des rendements – 31 décembre 2019 au 31 mars 2020

Type de portefeuille Rendement du portefeuille (A) Rendement de l’indice de référence (B) Alpha (C) = (A)  -(B)
Croissance  -11,42 %  -17,20 % 5,78 %
Obligataire  -3,65 % 1,57 %  -5,22 %
Actions privilégiées  -23,01 %  -22,80 %  -0,21 %
Équilibré fiscal *  -12,27 %  -14,10 % 1,83 %

* Le rendement est calculé à partir d’un compte client et ne tient pas compte des frais de gestion. Le rendement réel peut varier en fonction du moment de l’investissement. La répartition de l’indice de référence est la suivante : 25 % S&P/TSX, 25 % MSCI World, 25 % Indice d’actions privilégiées S&P/TSX et 25 % Indice obligataire FTSE TMX Canada Universe Bond pour le portefeuille équilibré fiscal. L’indice de référence du portefeuille Croissance est 50 % S&P/TSX et 50 % MSCI World, celui du portefeuille obligataire est 100 % FTSE TMX Canada Universe Bond, et celui du portefeuille d’actions privilégiées est 100 % Indice d’actions privilégiées S&P/TSX.

Notre gestion

Dans un marché baissier, on dit souvent que la seule chose qui monte, c’est la corrélation. Cette dernière est une mesure statistique qui calcule le rapport de dépendance entre deux variables. Si le coefficient de corrélation entre deux instruments financiers tend vers 1, cela indique une relation étroite (ils se comportent de la même manière), tandis qu’un coefficient de corrélation de zéro signale plutôt une absence d’interdépendance.

De manière générale, lors d’épisodes de krach boursier, le niveau de corrélation entre les actions se rapproche de 1, car les investisseurs sont en mode de liquidation forcée. Pris de panique, ils réduisent rapidement et de façon indiscriminée leur exposition aux actions afin d’augmenter leur niveau de liquidité, déclenchant ainsi une spirale négative des prix. En effet, presque tous les titres baissent alors à l’unisson, ce qui complique la tâche du portefeuilliste qui souhaite créer de la valeur ajoutée sur une base relative (alpha : l’écart de rendement entre le portefeuille et l’indice de référence correspondant). Le seul moyen d’y parvenir est donc d’avoir déjà un niveau de liquidité disponible en portefeuille, ce que nous avions heureusement atteint dans les semaines précédant la crise de la COVID-19.

La performance relative a été au rendez-vous pour le portefeuille Croissance (5,78 %) et celle du portefeuille Équilibré fiscal est positive, bien qu’un peu décevante (1,83 %). C’est le segment des actions privilégiées qui, à l’image des actions ordinaires, a lourdement chuté. Cela s’explique entre autres par les baisses du taux directeur de la Banque du Canada, la chute des cours pétroliers et l’incertitude liée aux conséquences économiques de la COVID-19. Pour ces raisons, les participants de marché se sont rués sur le marché obligataire, ce qui a créé une pression à la baisse sur les taux d’intérêt, nuisant par ricochet au rendement des actions privilégiées. Comme nous l’avons mentionné dans Le Rapporteur  –Avis d’exécution du premier trimestre, nous croyons que la situation actuelle est temporaire et que, tôt ou tard, nous assisterons à un retour à la normale. Un tel scénario créerait probablement un environnement de taux d’intérêt plus élevés, ce qui est une bonne nouvelle pour les détenteurs d’actions privilégiées. Pour plus de détails sur le fonctionnement de cette catégorie d’actifs, nous vous invitons à consulter Le Rapporteur Express  –Une occasion privilégiée, publié en juin dernier.

Conclusion

Au moment d’écrire ces lignes, les principaux indices de référence se négocient à un niveau plus élevé que leur récent creux, ce qui est de bon augure. Que ce soit l’aplatissement de la courbe de la pandémie en certains points, la panoplie de mesures annoncées pour soutenir l’économie ou le regain d’optimisme quant à une reprise imminente de l’activité économique, les investisseurs se projettent déjà en 2021 et se positionnent en conséquence. Au lieu de vous préoccuper de la conjoncture des dernières semaines, nous vous invitons plutôt à vous comporter comme le marché boursier et à regarder droit devant!

Sources

Berkowitz, B. (2020). S&P 500 Companies Have Reduced Share Buybacks 25% From Last Year. The Motley Fool, 3 avril 2020.

D’Souza, D. (2020). Dividends Slashed As Companies Conserve Cash. Investopedia, 2 avril 2-2-.

Gignac, C. et D’Agnillo, G. (2020). Coronavirus et marchés financiers : déjà la lumière au bout du tunnel? IA Groupe Financier, 6 avril 2020.

Lo, A. (2017). Adaptive Markets: Financial Evolution at the Speed of Thought. Princeton University Press.

Maloney, M. et Mulherin, H. (2003). The complexity of price discovery in an efficient market: the stock market reaction to the Challenger crash. Journal of Corporate Finance, 9, 453-479.

Villa, M. (2019). Pile et face : combiner raison et émotion pour réussir en Bourse. Septembre Éditeur.

Yardeni Research (2020). Performance Derby: MSCI Regions/Countries Earnings & Revenues Growth 2021E/2020E/2019A, 8 avril 2020.

  1. Lo (2017)Return to footnote 1 referrer
  2. Maloney et Mulherin (2003)Return to footnote 3 referrer
  3. Villa (2019)Return to footnote 5 referrer
  4. Gignac et d’Agnillo (2020)Return to footnote 7 referrer
  5. Gignac et d’Agnillio (2020)Return to footnote 9 referrer
  6. Yardeni Research (2020)Return to footnote 11 referrer
  7. D’Souza (2020)Return to footnote 13 referrer
  8. Berkowitz (2020)Return to footnote 15 referrer

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