Le Rapporteur — Premier trimestre de 2019

Allons à l’essentiel

Commençons ce bulletin par une question : D’après vous, entre 1972 et 2002, laquelle des actions du S&P 500, le principal indice de référence américain, a généré le meilleur rendement 1  ?

De manière générale, on pense à des entreprises comme Johnson & Johnson, IBM ou Intel. Or, la palme revient plutôt à Southwest Airlines, une compagnie aérienne.

Il va sans dire que ce résultat est surprenant. En effet, il est bien connu que la rentabilité financière est généralement un défi de taille pour les transporteurs aériens. Que ce soit en raison d’un niveau d’endettement élevé, d’une inefficience opérationnelle, de périodes de ralentissement économique ou d’une concurrence accrue, plusieurs organisations de renom ont disparu, comme Pan American Airways, Swissair et Trans World Airlines (TWA). Plus près de nous, Air Canada a été placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies à deux reprises dans les années 20002 .

Mais alors, qu’est-ce qui explique le succès de Southwest Airlines?

En adoptant diverses stratégies, comme un nombre de destinations très limité, l’absence de repas servis à bord, l’achat de billets en ligne depuis 1995 et un service à la clientèle hors pair, la direction a misé sur l’essentiel. En limitant ses coûts d’exploitation et en maximisant l’expérience client, cette compagnie a su se démarquer et se tailler une solide réputation dans les milieux financiers.

Il est donc intéressant de suivre le modèle de Southwest Airlines, dans un monde où la prise de décision est devenue plus complexe. En effet, nous avons aujourd’hui accès à des sources d’information riches, variées, volumineuses et non traditionnelles accessibles en temps réel. Par exemple, chaque minute, on dénombre 347 000 publications sur Twitter et 300 heures de téléchargement sur YouTube. Par ailleurs, chaque jour, quelque 4 000 rapports de recherche sont publiés par des firmes de courtage3 , sans oublier les quelque 54 000 données économiques que fait paraître le Bureau of Economic Analysis (BEA) aux États-Unis !

Sachant qu’il est irréaliste de traiter toutes les données disponibles, Jeff Bezos, fondateur et président-directeur général d’Amazon, propose la règle des 70 % 4 pour simplifier la prise de décision. Tout d’abord, il nous invite à cibler et à classer par priorité les principaux éléments d’information à prendre en considération. Ensuite, nous devons sélectionner et additionner les plus importants facteurs et lorsque nous aurons obtenu au moins 70 % de l’information nécessaire pour prendre une décision éclairée, nous arrêtons le processus.

En ce qui nous concerne, nous sommes d’avis que l’inversion de la courbe des taux d’intérêt aux États-Unis et l’évaluation boursière du S&P 500 répondent à ces conditions pour guider notre gestion de portefeuille.

Faits saillants du premier trimestre

Dans notre Avis d’exécution du premier trimestre de 2019, nous avons souligné l’impressionnant rebond des cours boursiers au cours des deux premiers mois de l’année. L’une des raisons évoquées était la publication de données économiques encourageantes. Par contre, en mars, en l’espace de quelques jours, le vent a tourné. Voici un aperçu de ce qui s’est produit :

  • En février, les exportations chinoises ont chuté de plus de 20 % sur une base annualisée 5;
  • Au Canada, la croissance du PIB pour le quatrième trimestre de 2018 a été de 0,4 %, sa plus faible progression trimestrielle en 30 mois 6;
  • En Allemagne, le taux d’intérêt de 10 ans est passé sous le seuil de 0 %. En plus de l’incertitude persistante concernant les négociations du Brexit, la première estimation de l’indice manufacturier allemand pour le mois de mars a signalé une contraction de l’activité économique 7;
  • La Banque centrale européenne (BCE) a revu à la baisse sa prévision de croissance du PIB pour 2019, la faisant passer de 1,7 à 1,1 % 8;
  • Le gouvernement américain a publié ses données en matière de création d’emplois pour le mois de février. Selon le consensus établi par les économistes, on s’attendait à 180 000 emplois. Or, le chiffre officiel a été de 20 000, soit nettement en deçà des attentes9.

En réaction à ces données économiques décevantes, les banques centrales américaine, canadienne et européenne prônent maintenant le statu quo en ce qui a trait à leur politique monétaire. À titre d’exemple, Mario Draghi, président de la BCE, a indiqué que le taux directeur demeurera inchangé au moins jusqu’en 2020 et la Réserve fédérale américaine ne prévoit aucune hausse de taux d’intérêt en 2019.

Sans le moindre doute, ce changement de ton a contribué à la première inversion de la courbe des taux d’intérêt aux États-Unis depuis 2006. En effet, le 22 mars dernier, le taux d’intérêt à long terme (2,42 %) était inférieur au taux d’intérêt à court terme (2,50 %). Par le passé, un tel scénario a été précurseur de récession aux États-Unis. Malgré cela, au premier trimestre, les principales places boursières ont clôturé fortement à la hausse.

Comment peut-on justifier une telle performance?

  • Les participants de marché anticipent une résolution prochaine du conflit sino-américain ;
  • Le 31 décembre dernier, le S&P 500 s’échangeait à un ratio cours/bénéfice très attrayant de 14,4 fois le bénéfice attendu pour 2019 ;
  • Selon Bianco Research, depuis 1969, le délai moyen entre une inversion de la courbe des taux d’intérêt et le début d’une récession a été de 311 jours 10;
  • Lors des cinq dernières inversions de la courbe des taux d’intérêt, le rendement moyen du S&P 500 avant le déclenchement d’une récession a été de 12,7 % 11;
  • L’inversion de la courbe des taux d’intérêt a déclenché un faux signal à trois reprises, c’est-à-dire que la courbe s’est inversée sans qu’une récession soit confirmée dans les mois qui ont suivi 12;
  • Au cours des trois derniers mois de 2018, le S&P 500 a enregistré sa pire performance trimestrielle depuis la Grande Dépression. La probabilité d’un rebond des cours boursiers était alors très élevée  13;
  • En examinant le comportement du marché obligataire, on constate qu’il y a plus de 50 % de chances que la Réserve fédérale américaine réduise le taux directeur d’ici la fin de l’année pour favoriser la prise de risques sur le marché des actions.

Aujourd’hui, conformément aux signes indiquant un ralentissement économique global, la prévision du bénéfice annuel du S&P 500 a été revue à la baisse (de 174 à 167 $). Par contre, à la fin du premier trimestre, le ratio cours/bénéfice était à près de 17 fois (2834/167), soit supérieur au multiple moyen des 25 dernières années (16). Étant donné le signal d’alerte d’une récession potentielle émis par notre modèle prévisionnel et l’évaluation boursière du S&P 500, nous jugeons que le S&P 500 est à risque d’une contraction tant sur le plan du multiple que de la croissance de son bénéfice.

Sommaire des rendements – Premier trimestre

Indices de référence Rendement
(converti en $ CA)
S&P 500 11,50 %
S&P/TSX 13,27 %
MSCI World 10,53 %
MSCI EAFE 8,07 %
FTSE TMX Canada Universe Bond 4,03 %

 

Indices de référence Rendement
(calculé en $ US)
Or 0,77 %
Pétrole 32,44 %

Revue de performance – Premier trimestre

  Rendement
Obligataire 1,03 %
Actions privilégiées – 0,82 %
Croissance 5,5 %
Équilibré fiscal* 2,88 %

*Le rendement est calculé à partir d’un compte client et ne tient pas compte des frais de gestion. Le rendement réel peut varier en fonction du moment de l’investissement. La répartition de l’indice de référence est la suivante : 25 % S&P/TSX, 25 % MSCI World, 25 % Indice d’actions privilégiées S&P/TSX et 25 % Indice obligataire FTSE TMX Canada Universe Bond pour le portefeuille équilibré fiscal. L’indice de référence du portefeuille Croissance est 50 % S&P/TSX et 50 % MSCI World, celui du portefeuille obligataire est 100 % FTSE TMX Canada Universe Bond, et celui du portefeuille d’actions privilégiées est 100 % Indice d’actions privilégiées S&P/TSX.

 

Notre gestion

Aux fins de rappel, voici un résumé de notre philosophie d’investissement :

Au moment d’investir, nous priorisons la sécurité de votre capital. Le risque que vous courez, c’est de perdre de l’argent, et non de vous faire battre par un indice, surtout à court terme14 .

Dans cette optique, nous avons récemment effectué une série de transactions pour amener notre répartition d’actifs vers un positionnement plus défensif. Comme le marché boursier baisse en moyenne sept fois plus vite qu’il ne monte, il est toujours préférable d’effectuer ce type de transactions quand l’optimisme règne. Bien sûr, il est probable que les marchés financiers continuent sur leur lancée et créent ainsi un écart de performance entre nos portefeuilles et les indices de référence correspondants.

Notre objectif est donc de faire abstraction des fluctuations boursières et de nous concentrer plutôt sur des facteurs d’analyse clés comme l’inversion de la courbe des taux d’intérêt aux États-Unis et l’évaluation boursière du S&P 500, qui dénotent un rendement/risque moins favorable. À l’image de Southwest Airlines, nous souhaitons créer de la valeur ajoutée en protégeant votre capital, car, pour nous, c’est essentiel !

Sources :

AFP (2019). Chine : les exportations s’effondrent de 21 % en février, regain d’inquiétude sur l’économie, Libération. https://www.liberation.fr/depeches/2019/03/08/chine-les-exportations-s-effondrent-de-21-en-fevrier-regain-d-inquietude-sur-l-economie_1713822 - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Consulté en avril 2019.

BlackRock (2015). The Evolution of Active Investing Finding Big Alpha in Big Data.

Côté, R. (2009). Air Canada : le spectre de la faillite, L’actualité. https://lactualite.com/lactualite-affaires/2009/04/20/air-canada-le-spectre-de-la-faillite/ - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Consulté en avril 2019.

Couet, I. (2019). Le taux d’emprunt de l’Allemagne chute sous 0 %, Les Échos. https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/le-taux-demprunt-de-lallemagne-tombe-a-0-1002840 - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Consulté en avril 2019.

Cox, J. (2019). Job creation grinds to a near-halt in February; wages still on the rise, CNBC. https://www.cnbc.com/2019/03/08/nonfarm-payrolls-february-2019.html - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Consulté en avril 2019.

Groupe Ouellet Bolduc (2018). Le Rapporteur – Notre modèle pour prévoir la prochaine récession. https://microsites.vmdconseil.ca/groupe-ouellet-bolduc/infos-pratiques/rapporteur/le-rapporteur-notre-modele-pour-prevoir-la-prochaine-recession/. Consulté en avril 2019

Groupe Ouellet Bolduc (2019). Ce qui nous distingue. https://microsites.vmdconseil.ca/groupe-ouellet-bolduc/equipe/distinction. Consulté en avril 2019.

Light, L. (2018). An Inverted Yield Curve Portends a Recession, But Guess What? Stock keeps climbing, Forbes. https://www.forbes.com/sites/lawrencelight/2018/07/11/an-inverted-yield-curve-portends-a-recession-but-guess-what-stocks-keep-climbing/#437044236bb7 - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Consulté en avril 2019.

McKeown, G. (2014). Essentialism: The Disciplined Pursuit of Less, Currency.

Richter (2019). Compilation sur les prévisions des banques – mars 2019. https://www.richter.ca/fr/compilation-sur-les-previsions-des-banques-mars-2019/ - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Consulté en avril 2019.

Rzepczynski, M. (2019). The Bezos ‘’70 percent rule’’ for decision-making. Disciplined Systematic Global Macro Views. http://mrzepczynski.blogspot.com/2019/03/the-bezos-70-percent-rule-for-decision.html - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Consulté en avril 2019.

Scaggs, A. (2019). The Yield Curve Just Inverted. That’s Not as Scary as You Think, Barron’s. https://www.barrons.com/articles/the-yield-curve-just-inverted-that-doesnt-mean-sell-stocks-51553267161 - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Consulté en avril 2019.

Sheetz, M. (2018). The stock market’s epic fourth-quarter reversal is one of the history books, CNBC. https://www.cnbc.com/2018/12/31/the-sp-500-will-make-history-when-it-ends-the-year-with-a-loss.html - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.. Consulté en avril 2019.

  1. McKewon (2014)Return to footnote 1 referrer
  2. Côté (2009)Return to footnote 3 referrer
  3. BlackRock (2015)Return to footnote 5 referrer
  4. Rzepczynski (2019)Return to footnote 7 referrer
  5. AFP (2019)Return to footnote 9 referrer
  6. Richter (2019)Return to footnote 11 referrer
  7. Couet (2019)Return to footnote 13 referrer
  8. Richter (2019)Return to footnote 15 referrer
  9. Cox (2019)Return to footnote 17 referrer
  10. Scaggs (2019)Return to footnote 19 referrer
  11. Light (2018)Return to footnote 21 referrer
  12. Groupe Ouellet Bolduc (2018)Return to footnote 23 referrer
  13. Sheetz (2018)Return to footnote 25 referrer
  14. Groupe Ouellet Bolduc (2019)Return to footnote 27 referrer

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