Le Rapporteur — Perspectives 2021

L’année 2021 pourrait bien passer à l’histoire

Il y a des dates qu’un investisseur n’oubliera jamais. On n’a qu’à penser au 19 octobre 1987 (le fameux krach boursier, aussi appelé « lundi noir »), aux attaques du 11 septembre 2001 ou au 15 septembre 2008, le jour de la faillite de la société d’investissement Lehman Brothers qui a marqué le début de la crise financière. De notre côté, le 9 novembre 2020 restera à jamais gravé dans nos mémoires.

Lors de cette journée, les sociétés Pfizer et BioNTech ont annoncé que leur projet de vaccin contre la COVID-19 serait efficace à plus de 90 % et qu’elles prévoyaient fournir respectivement jusqu’à 50 millions et 1,3 milliard de doses du vaccin en 2020 et 2021note de bas de page 1. En réaction à cette nouvelle, le taux d’intérêt à 10 ans américain est passé de 0,82 % à 0,96 % et le style valeur (IVE – iShares S&P 500 Value ETF) a obtenu un rendement supérieur au style croissance (IVW- iShares S&P 500 Growth ETF) de près de 5 %! Comme vous l’aurez deviné, le portefeuille Croissance a réagi très favorablement.

Le 22 octobre 1926, alors qu’il se reposait dans sa loge, l’illusionniste a reçu la visite d’un certain Jocelyn Gordon Whitehead. Curieux, ce dernier lui a posé cette question : « Est-ce vrai qu’un coup de poing dans l’estomac ne vous fera pas réagir? ». Sans avertissement préalable, le visiteur lui a alors asséné de nombreux coups de poing au ventre. Quelques heures plus tard, le prestidigitateur s’est plaint de douleurs abdominales et, malheureusement, est décédé des suites d’une rupture de l’appendice le jour de l’Halloween.

À cet égard, l’été dernier, dans le Rapporteur — Deuxième trimestre de 2020, nous avions mentionné que l’arrivée d’un vaccin était proche et qu’un tel dénouement serait avantageux pour notre positionnement de portefeuille, qui table sur une reprise graduelle des taux d’intérêt et un retour à la moyenne favorisant le style valeur. En voici deux extraits:

« Tant que nous n’aurons pas trouvé de vaccin pour éradiquer la COVID-19, la prudence sera de mise et, par ricochet, l’appétit des investisseurs pour le marché obligataire demeurera élevé – rappelons qu’il y a une relation inverse entre le taux d’intérêt et le prix d’un titre à revenu fixe. »

« Or, nous sommes d’avis qu’un retournement de situation est imminent. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 21 vaccins sont actuellement testés sur les humainsnote de bas de page 3, ce qui est de bon augure pour un environnement de taux d’intérêt plus élevé dans un avenir rapproché. Bien sûr, en ce qui concerne le portefeuille Croissance, notre philosophie de gestion axée sur le style valeur en bénéficierait grandement tant sur le plan de la performance absolue que relative. »

Cela s’explique par l’anticipation d’une croissance économique plus vigoureuse cette année, ce qui crée une pression haussière sur les taux d’intérêt à long terme. Par exemple, selon l’équipe d’économistes de Wells Fargo, pour les États-Unis, on s’attend à une progression de 4 % du produit intérieur brut (PIB) comparativement à une contraction de -5,1 % l’année dernière. C’est donc sans surprise que ce groupe d’experts prévoit aussi un taux cible de 1,55 % pour le taux d’intérêt à 10 ans américain en fin d’année, un niveau bien au-delà de celui affiché au 31 décembre 2020 (0,92 %)note de bas de page 4.

Sachant que nous détenons des obligations dont les échéances sont de très courte durée, que nous avons un biais favorable pour la détention d’actions privilégiées et que nous avons un penchant dans le style valeur pour le segment des actions ordinaires, un environnement de taux d’intérêt à long terme plus élevé serait alors des plus bénéfiques pour le rendement de nos modèles de gestion. Sur ce point, nous avons eu un avant-goût de cette possibilité avec des rendements fort intéressants enregistrés au cours du dernier trimestre tant sur le plan du rendement absolu que relatif, surtout pour le portefeuille Croissance. En effet, la fameuse rotation de style tant attendue semble être enclenchée une bonne fois pour toutes.

Bien que les principales places boursières aient entamé une nouvelle tendance haussière au printemps dernier, la reprise des cours boursiers n’a pas été uniforme pour l’ensemble des titres. Jusqu’au 9 novembre 2020, il y a eu un écart de performance notable entre les actions des secteurs les plus touchés par la crise de la COVID-19 (ex. : l’hôtellerie, les services financiers, l’énergie, le tourisme, la restauration et le commerce au détail) et celles des secteurs favorisés par la période de confinement et, tout particulièrement, les titres d’entreprises technologiques qui profitent de thématiques telles que la vidéoconférence, le commerce électronique, les réseaux sociaux et les téléphones intelligents. Aussi étrange que cela puisse paraître, une pondération accrue dans le secteur technologique était une façon d’obtenir une gestion de portefeuille plus défensive.

Dans un environnement économique normalisé grâce à des campagnes de vaccination massive contre le coronavirus, les secteurs plus sensibles aux cycles économiques et traditionnellement classés sous le style valeur seraient donc en mesure de récupérer davantage les gains perdus, et même d’obtenir un rendement supérieur aux actions prisées en situation de pandémie. C’est ce qui s’est produit en fin d’année. Par exemple, entre le 9 novembre et le 31 décembre 2020, le secteur financier américain a gagné près de 20 % tandis que le NASDAQ a généré un rendement d’environ 8 %.

Sommaire des rendements boursiers - 2020

Indices de référence Rendement CAD
S&P 500 16,47 %
S&P/TSX 5,60 %
MSCI World 9,42 %
MSCI EAFE 6,63 %
FTSE TMX Canada Universe Bond 8,68 %
Indices de référence Rendement USD
Or +25,12 %
Pétrole -20,54 %

Sommaire des rendements – 4e trimestre 2020

Indices de référence Rendement CAD
S&P 500 7,57 %
S&P/TSX 8,97 %
MSCI World 9,42 %
MSCI EAFE 11,35 %
FTSE TMX Canada Universe Bond 0,63 %
Indices de référence Rendement USD
Or 0,67 %
Pétrole 20,64 %

Revue du rendement au quatrième trimestre de 2020

Type de portefeuille Rendement du portefeuille (A) Rendement de l’indice de référence (B) Alpha (C) = (A) - (B)
Croissance 16,48 % 9,20 % +7,28 %
Obligataire 4,66  % 0,63 % +4,03 %
Actions privilégiées 12,97 % 7,32 % +5,66 %
Équilibré fiscal* 11,78 % 6,61 % +5,17 %

Revue du rendement au 31 décembre 2020

Type de portefeuille Rendement du portefeuille (A) Rendement de l’indice de référence (B) Alpha (C) = (A) - (B)
Croissance 7,42 % 10,19 % -2,77 %
Obligataire 8,39 % 8,69 % -0,31 %
Actions privilégiées 11,93 % 6,14 % +5,79 %
Équilibré fiscal* 8,38 % 9,35 % -0,97 %

* Le rendement est calculé à partir d’un compte client et ne tient pas compte des frais de gestion. Le rendement réel peut varier en fonction du moment de l’investissement. La répartition de l’indice de référence est la suivante : 25 % S&P/TSX, 25 % MSCI World, 25 % Indice d’actions privilégiées S&P/TSX et 25 % Indice obligataire FTSE TMX Canada Universe Bond pour le portefeuille équilibré fiscal. L’indice de référence du portefeuille Croissance est constitué à 50 % du S&P/TSX et à 50 % du MSCI World, celui du portefeuille obligataire est constitué à 100 % du FTSE TMX Canada Universe Bond et celui du portefeuille d’actions privilégiées, à 100 % de l’Indice d’actions privilégiées S&P/TSX.

Perspectives 2021

Commençons par l’histoire du bambou chinois, une analogie très imagée pour illustrer l’importance de garder le cap en se fiant à un processus décisionnel de qualiténote de bas de page 5.

Le Dendrocalamus sinicus est une variété de bambou présente en Chine, qui peut atteindre 30 mètres de haut en l’espace de cinq ans. Piqué par la curiosité, vous décidez alors de planter des graines et de les arroser régulièrement, excité à l’idée de voir le résultat final.

Quelques semaines plus tard, aucune pousse n’est sortie de la terre.

Malgré tout, vous continuez à entretenir les semences, puisque vous faites confiance au processus.

Après une année, une deuxième, une troisième, une quatrième, toujours rien ne sort de la terre.

Encore une fois, vous persévérez dans vos efforts et un mois avant la fin de la cinquième année, une pousse se pointe finalement le nez hors de la terre!

Ce qui se passe par la suite est plutôt spectaculaire.

Le bambou se met à pousser à une vitesse de 1 mètre par jour pour atteindre 30 mètres en 1 mois!

La morale de cette histoire est qu’en gestion de portefeuille, il faut résister à la tentation de dévier de son plan d’action pour la simple raison que l’on n’obtient pas le résultat escompté à court terme. Grâce à un processus décisionnel éprouvé, tôt ou tard, notre patience sera récompensée.

Depuis quelque temps, nous comptons sur un retour en force du style valeur, un scénario qui tardait à se matérialiser. Toutefois, nous sommes d’avis que la belle tenue de notre portefeuille Croissance au récent trimestre est comparable au moment où le bambou chinois entame sa sortie de terre. Voilà pourquoi notre thématique pour 2021 est Le moment de vérité, puisque les trois facteurs suivants peuvent contribuer à réduire de manière spectaculaire l’écart de rendement qui prévaut entre les styles valeur et croissance.

No 1 : Le retour à la normalité de la courbe des taux d’intérêt aux États-Unis

Le 16 décembre dernier, étant donné l’incertitude liée à la gestion de la crise sanitaire et à l’impact réel de la pandémie sur l’économie à moyen terme, la Réserve fédérale américaine a réitéré son intention de conserver le taux directeur près de zéro jusqu’en 2023. Quelques mois plus tôt, elle avait aussi indiqué que son niveau cible de 2 % pour le taux d’inflation avait été rajusté à la hausse. Autrement dit, même si le coût de la vie augmentait considérablement en réponse à un déséquilibre entre l’offre et la demande pour certains produits et services lors de la reprise complète de l’économie, elle maintiendra le taux directeur à un bas niveau pour les années à venir.

Dans un contexte où la reprise économique a été amorcée et où un autre plan de relance économique ambitieux est sur le point d’être approuvé chez nos voisins du Sud, la récente avancée du taux d’intérêt à 10 ans américain a de fortes chances de se poursuivre, accentuant du coup la pente de la courbe des taux d’intérêt.

Aux fins de rappel, lorsque la courbe est dite « inversée », le taux directeur établi par la Réserve fédérale américaine (taux d’intérêt à court terme) est supérieur au taux d’intérêt à dix ans (taux d’intérêt à long terme). En général, ce type de courbe est associé à un risque de récession plus élevé. Comme vous l’avez sûrement constaté, la courbe des taux d’intérêt est revenue à la « normale », c’est-à-dire que le taux d’intérêt à 10 ans s’échange au-dessus du taux directeur, réduisant ainsi la probabilité d’une autre récession américaine au cours des 12 prochains mois.

No 2 : Un retour sur terre des cours boursiers est imminent pour le secteur technologique américain

Pour une deuxième année consécutive, aux États-Unis, le secteur de la technologie a généré un rendement supérieur à 40 %. Depuis 1928, lorsqu’un secteur d’activité obtient ce type de séquence, la probabilité qu’il produise un rendement positif au cours de la troisième année n’a été que de 9 % et le rendement médian enregistré a été de -21 %note de bas de page 6!

No 3 : Évaluations boursières élevées, sauf pour le portefeuille Croissance

Étant donné qu’un retour vers une vie plus normale est anticipé pour l’an prochain, pour fins d’évaluation boursière, notre point de départ est le bénéfice par action du S&P 500 attendu en 2022. Selon la firme de recherche Yardeni, il est prévu à 195 $, soit une croissance des bénéfices de 43 % à partir du niveau réalisé pour 2020 (136 $)note de bas de page 7. En se fiant à son prix de clôture en fin d’année (3756), le S&P 500 s’échangeait donc à un ratio cours/bénéfice (19) supérieur au multiple moyen enregistré au cours des 25 dernières années (16). Sans contredit, ce ratio cours/bénéfice plus élevé était justifié en partie par le FATNAM (un acronyme qui signifie Facebook, Apple, Tesla, Netflix, Amazon et Microsoft). Ce dernier représentait 20 % de la capitalisation boursière du S&P 500 et son multiple était de 54. La bonne nouvelle est que le ratio cours/bénéfice du portefeuille Croissance n’était que de 12, une évaluation nettement plus abordable faisant miroiter des perspectives de rendement fort prometteuses grâce à une expansion plus que probable du multiple, et ce, même si l’indice de référence américain affichait un rendement décevant.

Conclusion

L’année dernière à pareille date, pour le portefeuille Croissance, notre gestion de portefeuille était prudente (un niveau de liquidités à 23 %). Nous étions donc prêts à profiter d’éventuelles occasions d’investissement advenant un recul prononcé des cours boursiers, ce que nous avons fait. Étant donné que les périodes de crise marquent souvent le début d’un nouveau cycle économique, nous avons modifié la composition du portefeuille en conséquence (l’ajout de titres cycliques comme Suncor, FedEx et Magna). Aujourd’hui, nous sommes pleinement investis et aux premières loges pour profiter de ce « moment de vérité » favorisant le style valeur. Si le 9 novembre 2020 a été une date marquante pour notre équipe, et bien l’année 2021 pourrait bien passer à l’histoire!

Sources :

  1. Agence France-Presse (2020)Return to footnote 1 referrer
  2. Groupe Ouellet Bolduc (2020)Return to footnote 3 referrer
  3. Sagonowsky (2020)Return to footnote 5 referrer
  4. Wells Fargo Economics (2021)Return to footnote 7 referrer
  5. Lamothe (2020)Return to footnote 9 referrer
  6. SentimenTrader (2020)Return to footnote 11 referrer
  7. Yardeni (2021)Return to footnote 13 referrer

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