Le Rapporteur — Deuxième trimestre de 2020

Les trois V de la reprise

Après avoir enregistré une piètre performance au premier trimestre de l’année, les indices de référence ont fortement rebondi, certains d’entre eux affichant même leur meilleur rendement trimestriel depuis plus de deux décenniesnote de bas de page 1 . D’un point de vue boursier, nous sommes donc en présence d’une reprise en V. Par contre, lorsque nous analysons de plus près la situation, nous constatons les points suivants :

  • L’impressionnant rebond des cours boursiers est attribuable à un nombre limité de titres;
  • En matière de rendement, les actions de style valeur accusent un retard considérable par rapport aux actions du style croissance;
  • Le taux d’intérêt américain de 10 ans se négocie à un niveau relativement bas, compte tenu de la réouverture de l’économie.

Dans ce Rapporteur – Deuxième trimestre, nous tenterons de faire la lumière sur ces thèmes que l’on peut résumer en trois mots commençant tous par la même lettre : valorisation, valeur et vaccin.

Valorisation

Le GAFAM, acronyme des cinq entreprises américaines les plus puissantes de l’économie numérique (Google-Alphabet, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), a une valorisation boursière égale à la somme des capitalisations boursières des 24 entreprises de renom. Cela s’explique par le fait que ces cinq géants du Web valent quelque 6 250 milliards de dollars, conséquence directe de leur excellente tenue en Bourse.

Étant donné qu’à l’intérieur du S&P 500, le poids d’un titre est établi en fonction de sa capitalisation boursière, il n’est donc pas surprenant que le GAFAM compte pour près de 23 % du principal indice de référence américain. Pour vous donner une idée, les 350 dernières entreprises en importance du S&P 500 ont une capitalisation boursière totale (5 740 milliards de dollars) et une pondération cumulée (20,8 %) inférieures à celles du GAFAM!

Il est important de rappeler que la performance des indices de référence ne représente pas nécessairement la situation économique. Dans le même ordre d’idées, selon Jack Manley, un stratège chez JP Morgan Chase, les secteurs les plus touchés par la crise de la COVID-19, comme l’hôtellerie, le tourisme, la restauration, les bars, le transport aérien, les croisières, le commerce au détail et le divertissement, emploient 20 % des salariés aux États-Unis. Toutefois, ces secteurs d’activité ne génèrent que 7 % des profits engendrés par le S&P 500, comparativement à 12,5 % pour le GAFAM. Pour terminer ce point, il convient de rappeler qu’en 2000, malgré le fait que Nokia contribuait à hauteur de 4 % au produit intérieur brut (PIB) finlandais, son action représentait 70 % de la valorisation boursière de la Bourse d’Helsinkinote de bas de page 2  !

Valeur

Comme vous vous en doutez, la suprématie du GAFAM a continué de creuser l’écart déjà important entre le style croissance et le style valeur. Face à l’incertitude qui persiste quant à une deuxième vague possible de cas de coronavirus, le style croissance sert de valeur refuge. Advenant un scénario de reconfinement social, les thématiques telles que la vidéoconférence, le commerce électronique, les réseaux sociaux et les téléphones intelligents continueront d’avoir la cote, au détriment de celles qui sont de nature plus cyclique et prônées traditionnellement par les actions de style valeur – par exemple, la demande de prêts hypothécaires, la consommation de pétrole et la location d’espace commercial. C’est donc sans surprise qu’au dernier trimestre, pour le S&P 500, le secteur de la technologie a affiché un rendement de 7,77 %, tandis que les secteurs de la finance, de l’énergie et de l’immobilier généraient un rendement respectif de 1,34 %, 0,81 % et 0,40 %. Dans un tel contexte, nombreux sont les investisseurs qui sont prêts à payer un ratio cours/bénéfice plus élevé pour ces actions phares du secteur de la technologie.

Nom des entreprises Ratio cours/bénéfice
Amazon 140,38
Microsoft 34,51
Facebook 32,63
Google – Alphabet 29,35
Apple 29,01

Source : Mukherjee et Cabacungan (2020). Capital Market Outlook. Bank of America Merrill Lynch.

Vaccin

Grâce à diverses avancées technologiques, l’équipe de recherche de Goldman Sachs a créé une échelle de 100 % -zéro étant « arrêt total » et 100 % étant « à plein régime » – pour évaluer le retour de l’économie américaine à son niveau d’avant la crise sanitaire. En date du 22 juin, elle fonctionnait à 58 % de son plein potentiel, une lecture nettement supérieure à celle enregistrée au début d’avril (36 %)note de bas de page 3 . De plus, les récentes données économiques chez nos voisins du Sud sont très encourageantes. Par exemple, pour le mois de juin, l’indice manufacturier a affiché une lecture au-dessus de 50 (une indication d’expansion de l’activité économique), une première en quatre mois. Qui plus est, les chiffres en matière de création d’emplois ont surpris à la hausse en mai et en juin, laissant présager un marché de l’emploi plus vigoureux. En dépit d’une réouverture prometteuse de l’économie, le taux d’intérêt américain de 10 ans s’échange à un niveau se situant dans le bas de la fourchette de ses cours des derniers mois.

Tant que nous n’aurons pas trouvé de vaccin pour éradiquer la COVID-19, la prudence sera de mise et, par ricochet, l’intérêt des investisseurs pour le marché obligataire demeurera élevé. Rappelons qu’il y a une relation inverse entre le taux d’intérêt et le prix d’un titre à revenu fixe.

Sommaire des rendements – premier trimestre

Indices de référence Rendement
S&P 500 -3,09 %
S&P/TSX -7,47 %
MSCI World -5,47 %
MSCI EAFE -11,03 %
FTSE TMX Canada Universe Bond 7,53 %
Taux de change US/can 4,50 %
Indices de référence Rendement
MSCI World style Valeur      -17,38 %
MSCI World style Croissance 6,64 %
Indices de référence Rendement
Or 17,38 %
Pétrole -35,69 %

Revue de performance – premier semestre

Type de portefeuille Rendement du portefeuille (A) Rendement de l’indice de référence (B) Alpha (C) = (A) - (B)
Croissance -5,68 % -4,06 % -1,62 %
Obligataire -0,10 % 7,53 % -7,63 %
Actions privilégiées -12,45 % -11,21 % -1,24 %
Équilibré fiscal * -5,82 % -2,80 % -3,02 %

* Le rendement est calculé à partir d’un compte client et ne tient pas compte des frais de gestion. Le rendement réel peut varier en fonction du moment de l’investissement. La répartition de l’indice de référence est la suivante : 25 % S&P/TSX, 25 % MSCI World, 25 % Indice d’actions privilégiées S&P/TSX et 25 % Indice obligataire FTSE TMX Canada Universe Bond pour le portefeuille équilibré fiscal. L’indice de référence du portefeuille Croissance est 50 % S&P/TSX et 50 % MSCI World, celui du portefeuille obligataire est 100 % FTSE TMX Canada Universe Bond, et celui du portefeuille d’actions privilégiées est 100 % Indice d’actions privilégiées S&P/TSX.

Notre gestion

Le 10 juin dernier, afin de stimuler et de soutenir la reprise économique, la Réserve fédérale américaine (Fed) a, d’une part, signalé son intention de conserver le taux directeur près de zéro jusqu’en 2022 et, d’autre part, annoncé qu’elle visait des achats mensuels de plus de 100 milliards de dollars d’obligations et de titres hypothécaires. D’après son président, Jerome Powell, cette stratégie semble appropriée, étant donné la gravité de la crise actuelle et le fait que la Fed prévoit un taux d’inflation en deçà de son niveau cible de 2 % pour les trois prochaines annéesnote de bas de page 4 .

Lorsqu’on ajoute à cela la vulnérabilité du processus de réouverture de l’économie en l’absence d’un vaccin, notre positionnement, qui table sur une reprise graduelle des taux d’intérêt dans les portefeuilles Obligataire et Actions privilégiées, exige de la patience. Or, nous sommes d’avis qu’un retournement de situation est imminent. En effet, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 21 vaccins sont présentement testés sur des humainsnote de bas de page 5 , ce qui est de bon augure pour un environnement de taux d’intérêt plus élevé dans un avenir rapproché. Bien sûr, en ce qui concerne le portefeuille Croissance, notre philosophie de gestion axée sur le style valeur en bénéficierait grandement, tant sur le plan de la performance absolue que relative.

Tout d’abord, nos titres qui sont plus sensibles aux cycles économiques, comme JP Morgan Chase, Nutrien, Riocan et Suncor, seraient en mesure de récupérer davantage les gains perdus depuis le début de la crise en février dernier. Ensuite, au regard du style croissance, nous pourrions assister au fameux retour à la moyenne tant attendu.

Dans un contexte de taux d’intérêt à la hausse, le style valeur a tendance à mieux performer, ce qui fait miroiter un possible rétrécissement de l’écart de rendement avec le style de gestion actuellement en vogue. Plus particulièrement, le GAFAM pourrait faire l’objet d’une rotation de style, c’est-à-dire que les investisseurs pourraient délaisser ces actions prépondérantes et performantes qui s’échangent à un ratio cours/bénéfice élevé au profit d’actions dont l’évaluation boursière est plus raisonnable.

Pour conclure, nous sommes conscients que notre scénario va à contre-courant des pensées dominantes comme la tendance baissière des taux d’intérêt et l’engouement pour les actions de style croissance. Plutôt que de changer notre fusil d’épaule, nous préférons garder le cap et miser sur notre approche qui a déjà fait ses preuves. Nous ajoutons ainsi un autre V à la reprise : celui de « Vision unique »!

Sources

Cox, J. (2020). Fed sees interest rates staying near zero through 2022, GDP bouncing to 5 % next year. CNBC. https://www.cnbc.com/2020/06/10/fed-meeting-decision-interest-rates.html. Consulté en juillet 2020.

Goldman Sachs Global Investment Research (2020). Exhibit 2. Our Composite Scale shows a reversal in trends this week after nine straight weeks of improvement.

Kelly, G. (2013). Finland and Nokia: an affair to remember. Wired. https://www.wired.co.uk/article/finland-and-nokia. Consulté en juillet 2020.

Keown, C. (2020). Here’s what history tells us happens after the S&P 500’s best quarters of all time, as strategist says it’s set to repeat. MarketWatch. https://www.marketwatch.com/story/heres-what-history-tells-us-happens-after-the-sp-500s-best-quarters-of-all-time-as-strategist-says-its-set-to-repeat-2020-07-01. Consulté en juillet 2020.

Saganowsky, E. (2020). After positive early data, Pfizer, BioNTech CEOs sound off on coronavirus vaccin timelines. FiercePharma. https://www.fiercepharma.com/pharma/after-positive-early-data-pfizer-biontech-ceos-sound-off-vaccine-timelines. Consulté en juillet 2020.

  1. Keown (2020)Return to footnote 1 referrer
  2. Kelly (2013)Return to footnote 3 referrer
  3. Goldman Sachs Global Investment Research (2020)Return to footnote 5 referrer
  4. Cox (2020)Return to footnote 7 referrer
  5. Sagonowsky (2020)Return to footnote 9 referrer

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