Le Rapporteur — Troisième trimestre de 2022

Être à la fois optimiste et réaliste

Dans son livre De la performance à l’excellence, le consultant en organisation Jim Collins raconte un entretien qu’il a eu avec James Stockdale, un haut gradé de l’armée américaine qui a été fait prisonnier durant la guerre du Vietnam. Pendant huit ans, il a vécu l’enfer : il a été torturé à maintes reprises, enchainé en confinement solitaire et n’avait aucune idée s’il allait revoir sa famille un jour.

Curieux, Jim Collins lui a demandé comment il avait réussi à tenir le coup. James Stockdale a répondu qu’il n’avait jamais perdu confiance dans l’issue de l’histoire ni douté qu’il s’en sortirait, étant convaincu qu’il finirait par l’emporter et que cette expérience deviendrait l’évènement marquant de sa vie.

En résumé, pour survivre dans ce type de situation, il faut avoir la certitude qu’on va s’en sortir tout en s’armant de patience. C’est ce que l’on appelle le Paradoxe de Stockdale. On le définit comme le besoin de conserver une foi inébranlable en sa capacité de réussir, et, en même temps, d’avoir la lucidité d’affronter les faits les plus durs, quels qu’ils soientnote de bas de page 1. Sur ce dernier point, James Stockdale a relaté que les prisonniers qui ont péri étaient ceux qui affichaient justement un optimisme naïf dépourvu de la dose de réalisme requise pour faire face à une telle adversité.

Sommaire des rendements - janvier à septembre

Indices de référence Rendement en $ CA
S&P 500 -17,05 %
S&P/TSX -11,07 %
MSCI World -18,40 %
MSCI EAFE -20,13 %
FTSE TMX Canada Universe Bond -11,78 %
Indices de référence Rendement en $ US
Or -9,22 %
Pétrole 5,69 %

En examinant les tableaux ci-dessus, il est facile de constater que la quasi-majorité des classes d’actifs a été prise en otage par un environnement macroéconomique inattendu marqué par un conflit russo-ukrainien qui perdure, une inflation persistante ainsi qu’un resserrement soutenu et musclé de la politique monétaire. Alors que l’état des marchés n’est en aucun cas une situation de vie ou de mort, nous nous permettons tout de même d’examiner notre stratégie de portefeuille à travers le prisme du Paradoxe de Stockdale, c’est-à-dire un optimisme réaliste.

« Le pessimiste se plaint du vent. L’optimiste espère que le vent change. Le réaliste ajuste ses voiles. »

— Citation de l’écrivain américain William Arthur Ward

Depuis la crise financière de 2008, l’investisseur a été habitué à ce que les marchés boursiers regagnent rapidement le terrain perdu lors d’épisodes de correction boursière. Par exemple, la baisse de 20 % enregistrée par le S&P 500 lors du dernier trimestre de 2018 a été récupérée en l’espace de quatre mois. Et que dire de la spectaculaire chute des cours boursiers qui s’est produite au printemps 2020? Eh bien, en août de la même année, le S&P 500 réalisait un nouveau sommet historique.

C’est pourquoi, jusqu’à tout récemment, de nombreux investisseurs avaient adopté un optimisme naïf. Que ce soit la réduction des taux directeurs, l’achat d’obligations, l’envoi de chèques aux particuliers ou l’octroi de prêts accordés aux industries en difficulté financière, l’investisseur pouvait s’attendre à ce que les gouvernements et les banques centrales viennent à la rescousse des marchés financiers lors des périodes troubles. Le contexte actuel ne nous permet pas d’utiliser les mêmes stratégies. En fait, nous subissons les effets secondaires des politiques extrêmes qui ont fini par allumer la flamme inflationniste de laquelle nous cherchons à sortir.

À lui seul, l’optimisme n’est plus suffisant. Il doit être accompagné de l’acceptation sans réserve de la conjoncture économique qui prévaut. Sans être inquiets outre mesure, nous devons aborder le contexte actuel avec réalisme. C’est le principal message qui a été véhiculé par notre gestionnaire de portefeuille Daniel Ouellet dans le cadre de la récente capsule vidéo intitulée Naviguer à contre-courant.

La Réserve fédérale américaine (Fed) déterminée à ramener l’inflation vers son objectif de 2 %

Pour y arriver, elle projette de hausser le taux directeur d’un autre 1,50 % d’ici février prochain pour le porter à l’intérieur de la fourchette de 4,50 %–4,75 %note de bas de page 2. Les taux d’intérêt américains 10 ans se sont emballés, atteignant temporairement 4 % (une première fois depuis octobre 2008), augmentant du coup l’anxiété des investisseurs boursiers. En réaction, le S&P 500 est demeuré sous pression, terminant le dernier trimestre à son plus bas niveau de l’année.

La lutte contre l’inflation est clairement la priorité numéro un, et ce, au risque d’induire une récession chez nos voisins du Sud. Afin de s’assurer de ne pas revivre la « grande inflation » des années 1970 ainsi que d’assurer sa crédibilité, la Fed a la ferme intention de mettre l’inflation K.-O. (knock-out). Lors de son discours livré à Jackson Holenote de bas de page 3, Jerome Powell, président de la Fed, a insisté sur le fait que la politique monétaire très restrictive causera inévitablement un ralentissement de la croissance économique aux dépens des entreprises et des ménages. C’est en quelque sorte le prix à payer pour combattre l’inflation. Cela étant dit, le but est un « atterrissage en douceur », c’est-à-dire de parvenir à ralentir suffisamment la croissance économique pour maitriser l’inflation, sans nécessairement déclencher de récession. Un objectif difficile de l’aveu même de la Fed, et selon nous peu probable, considérant le déclenchement de notre modèle interne d’anticipation de récession.

Le marché de l’emploi toujours très tendu complique le travail de la Fed

La croissance élevée des salaires rend la tâche plus ardue pour la Fed de réduire les pressions inflationnistes. Cela s’explique par un contexte de pénurie de main-d’œuvre où l’employé peut exiger une rémunération plus généreuse.

Idéalement, le taux de chômage américain devra s’établir entre 5 % et 7 % pour diminuer la pression à la hausse sur les salaires. Ce principe s’appelle le ratio du sacrifice. Il s’agit d’abord de constater une diminution du nombre de postes vacants par rapport au nombre de personnes à la recherche d’un emploinote de bas de page 4. En mars dernier, ce ratio était de 1,99. En théorie, cela veut dire que chaque personne à la recherche d’un travail avait le choix entre deux emplois! Bien que l’objectif ultime soit d’obtenir un ratio avoisinant 1note de bas de page 5, la bonne nouvelle est que ce ratio a été de 1,67 en août.

Nous anticipons une pause dans les hausses de taux au début de 2023, mais nous ne pensons pas que la Fed prendra la direction inverse à court terme. Considérant le contexte de la main-d’œuvre, nous sommes d’avis que de ramener l’inflation à la cible sera un long chemin, d’où l’importance d’être réaliste et de gérer ses attentes.

Stratégie de gestion

Cela est toujours de mise, mais face à un ralentissement causé par des hausses de taux d’intérêt, il est plus que jamais primordial de privilégier des actions d’entreprises de premier plan ayant entre autres un bilan solide, une importante flexibilité financière, un positionnement concurrentiel avantageux, sans oublier une évaluation boursière attrayante. C’est d’ailleurs dans ce sens que nous avons instauré de nouvelles positions dans Alphabet (anciennement Google) et Unilever plus tôt cette année.

En second lieu, considérant des taux d’intérêt qui demeurent élevés et des bénéfices mis au défi par le ralentissement économique, nous ne voyons pas de retour rapide des marchés à leur sommet de janvier 2022 (4 800 pour le S&P 500). Il faudra faire preuve de patience avant de voir la reprise d’une tendance haussière soutenue des cours boursiers. Nous sommes plutôt d’avis que les marchés boursiers évolueront de côté à l’intérieur d’un large couloir transactionnel entre 3 600 et 4 300 points pour le S&P 500. Dans un tel contexte boursier, nous visons à adopter une gestion plus tactique au cours des prochains trimestres.

D’ailleurs, à la fin septembre, lorsque le S&P 500 s’est négocié brièvement sous la barre des 3 600 points, nous avons déployé les liquidités du portefeuille Croissance (environ 4 %) pour acheter le iShares NASDAQ 100 Index ETF (CAD-Hedged) à un prix de 86,10 $. Ce fonds négocié en bourse américain réplique la performance des 100 plus grandes entreprises non financières cotées au NASDAQ, tout en éliminant l’impact de la variation du dollar américain sur le rendement. Sur ce dernier point, il est à noter que le billet vert s’est apprécié considérablement par rapport au dollar canadien, passant de 1,30 à 1,38 au cours des deux dernières semaines du plus récent trimestre, rendant ainsi sa valeur plus vulnérable à court terme.

C’est donc avec beaucoup de confiance que nous entamons la dernière ligne droite de 2022 en nous concentrant sur les éléments sur lesquels nous avons une certaine emprise. Plutôt que de nous croiser les doigts en espérant le retour d’un contexte financier, économique et boursier plus traditionnel, nous avons opté pour une approche comparable à celle de James Stockdale, soit d’être à la fois optimistes et réalistes!

Revue de performance – troisième trimestre de 2022

Type de portefeuille GOB indice de référence Valeur ajoutée
Croissance -3,9 % -0,4 % -3,5 %
Obligataire +0,7 % +0,5 % +0,2 %
Actions privilégiées -5,9 % -6,1 % +0,2 %
Équilibré fiscal -3,4% -1,5 % -1,9 %

Revue de performance – de janvier à septembre

Type de portefeuille GOB indice de référence Valeur ajoutée
Croissance -8,5 % -14,8 % +6,3 %
Obligataire -8,9 % -11,8 % +2,9 %
Actions privilégiées - 17,2 % -15,3 % -1,9 %
Équilibré fiscal -10,2 % -14,0 % +3,8 %

Sources :

CME Group (2022). CME FedWatch Tool. https://www.cmegroup.com/trading/interest-rates/countdown-to-fomc.html - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre., consulté en octobre.

Collins, J. (2013). De la performance à l’excellence. Pearson.

DataTrek Morning Briefing (2022). Expected future inflation as measured by Treasury Inflation Protected Securities (TIPS) prices.

  1. J. Collins (2013)Return to footnote 1 referrer
  2. Décision rendue le 21 septembre 2022.Return to footnote 3 referrer
  3. Rendez-vous annuel des banquiers centraux qui a eu lieu en août dernier.Return to footnote 5 referrer
  4. L’ensemble des gens âgés de 15 à 64 ans qui sont en mesure de travailler.Return to footnote 7 referrer
  5. Il était de 1,2 avant le début de la pandémie de la COVID-19.Return to footnote 9 referrer

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