Le Rapporteur – Quatrième trimestre de 2021 et perspectives 2022

L’année 2022 sous le signe de la continuité

Connaissez-vous le terme « ultracrépidarianisme1 » ?

D’après Stéphane Laporte, chroniqueur au journal La Presse, il s’agit de l’art de donner son avis sur des sujets que l’on ne connait pas. Aujourd’hui, grâce aux technologies de l’information et de la communication, n’importe qui peut émettre une opinion sur une question d’actualité, et il devient donc plus difficile de discerner le vrai du faux. Bien sûr, tout le monde a droit à son avis, mais en l’absence d’une ligne de pensée appropriée, on peut facilement s’y perdre.

C’est manifestement le même défi auquel fait face l’investisseur qui, en plus du contexte boursier incertain, doit aussi composer avec un barrage constant de points de vue provenant de sources d’information variées (p. ex. : médias financiers, réseaux sociaux, les prétendus experts financiers). Cela a particulièrement été le cas en 2021, qui a eu son lot de débats fortement polarisés, dont les suivants :

  • L’enjeu du plafond de la dette américaine
  • Le risque d’inflation
  • Les agissements de la Réserve fédérale américaine (Fed)
  • L’éventuel effet de contagion lié à la débâcle du géant immobilier chinois Evergrande
  • L’engouement pour les cryptomonnaies
  • La spéculation entourant les titres en vogue
  • L’impact des différents variants de la COVID-19 sur les marchés boursiers

Selon ce qui précède, nous n’avions d’autre choix que de demeurer le plus rationnel possible en respectant les principes reconnus de gestion de portefeuille ainsi que nos règles de gestion, sans quoi il nous aurait été impossible de profiter pleinement d’une année de rendements exceptionnels. Sur ce point, dans la prochaine section, nous vous présenterons trois concepts qui nous ont grandement servi au cours du 4e trimestre de 2021. Comme le rappelle si bien Winston Churchill, « vous n’atteindrez jamais votre destination si vous vous arrêtez pour jeter des pierres à chaque chien qui aboie » .

Sommaire des rendements - année 2021

Indices de référence Rendement en $ CA
S&P 500 27,48 %
S&P/TSX 25,15 %
MSCI World 21,24 %
MSCI EAFE 10,82 %
FTSE TMX Canada Universe Bond -2,54 %
Indices de référence Rendement en $ US
Or -3,64 %
Pétrole 55,01 %

Sommaire des rendements - 4e trimestre 2021

Indices de référence Rendement en $ CA
S&P 500 10,68 %
S&P/TSX 6,50 %
MSCI World 7,54 %
MSCI EAFE 2,43 %
FTSE TMX Canada Universe Bond 1,47 %
Indices de référence Rendement en $ US
Or 4,11 %
Pétrole 0,24 %

Revue de la performance – 4e trimestre de 2021

Type de portefeuille Rendement du portefeuille (A) Rendement de l’indice de référence (B) Alpha (C) = (A) — (B)
Croissance 7,21 % 7,03 % +0,18 %
Obligataire 0,83 % 1,48 % -0,65 %
Actions privilégiées 2,21 % 1,62 % +0,59 %
Équilibré fiscal* 5,08 % 4,28 % +0,80 %

Revue de la performance au 31 décembre 2021

Type de portefeuille Rendement du portefeuille (A) Rendement de l’indice de référence (B) Alpha (C) = (A) — (B)
Croissance 27,56 % 23,22 % +4,34 %
Obligataire 5,07 % -2,53 % +7,60 %
Actions privilégiées 24,00 % 19,35 % +4,65 %
Équilibré fiscal* 21,69 % 15,43 % +6,26 %

*Le rendement est calculé à partir d’un compte client et ne tient pas compte des frais de gestion. Le rendement réel peut varier en fonction du moment de l’investissement. La répartition de l’indice de référence est la suivante : 25 % S&P/TSX, 25 % MSCI World, 25 % Indice d’actions privilégiées S&P/TSX et 25 % Indice obligataire FTSE TMX Canada Universe Bond pour le portefeuille équilibré fiscal. L’indice de référence du portefeuille Croissance est 50 % S&P/TSX et 50 % MSCI World, celui du portefeuille obligataire est 100 % FTSE TMX Canada Universe Bond et celui du portefeuille d’actions privilégiées est 100 % Indice d’actions privilégiées S&P/TSX.

Retour sur le 4e trimestre de 2021

No 1 — L’évolution du taux d’intérêt à 10 ans américain

À la fin du récent trimestre, le variant Omicron s’est répandu comme une trainée de poudre, ce qui a fait augmenter considérablement le degré de nervosité dans la communauté financière. Face à un contexte aussi incertain, il était capital d’examiner le comportement de certains indicateurs pouvant nous donner une appréciation plus objective de la gravité de la situation. L’un d’entre eux est le taux d’intérêt à 10 ans américain.

De manière générale, lorsque les participants de marché sont anxieux quant à un potentiel ralentissement économique, ils ont tendance à se réfugier davantage dans le marché obligataire, ce qui crée une pression baissière sur les taux d’intérêt à long terme2, un indicateur très sensible aux changements d’humeur des investisseurs. Ce principe sous-tend que le niveau du taux d’intérêt à 10 ans américain devrait dégringoler en réaction à cette nouvelle vague de COVID-19.

À la surprise de plusieurs, son rajustement à la baisse n’a pas été dramatique. En effet, lors de l’émergence du variant Delta, le taux d’intérêt à 10 ans américain avait chuté à un cours de 1,12 %, alors que pour le variant Omicron, le plus bas niveau réalisé a été de 1,34 %. De plus, il a terminé l’année à 1,51 %, un résultat fort encourageant en dépit de la flambée des contaminations.

En bref, l’évolution du taux d’intérêt à 10 ans américain laisse présager que l’économie ne sera pas trop affectée et, au final, les perspectives de rendement demeurent positives. Par exemple, le S&P 500 a enregistré son 70e sommet historique de l’année le 30 décembre dernier et, en plus, les stratèges de Wall Street anticipent en moyenne un rendement de +5 % pour 20223.

No 2 — Mesures de la Fed pour contrer l’inflation galopante

Aux États-Unis, le processus de normalisation de la politique monétaire se fera en deux étapes. La première consiste à mettre fin au programme d’assouplissement quantitatif4 (tapering), une tactique visant à soutenir un environnement de taux d’intérêt bas, tandis que la deuxième consiste à relever graduellement le taux directeur.

Le 15 décembre dernier, pour contrer une menace d’inflation plus forte et persistante que prévu[1], la Fed a signalé son intention d’accélérer la réduction de ses achats mensuels d’obligations gouvernementales et de titres hypothécaires, ce qui a ouvert la porte à la première hausse du taux directeur en mars. Avec ce resserrement plus hâtif de la politique monétaire, le niveau d’inflation pourrait diminuer l’an prochain par rapport à son niveau actuel de 5,3 %[2]. Même si certains facteurs inflationnistes nous semblent temporaires, tels que le prix du pétrole ou les problèmes de chaînes d’approvisionnement, nous ne croyons pas qu’ils puissent s’effacer complètement en 2022. De plus, les pressions sur les salaires devraient perdurer bien au-delà de 2022.

En tenant compte d’une inflation moindre, mais quand même plus élevée que la cible, des hausses des taux d’intérêt anticipées ainsi que du niveau d’évaluation des titres technologiques, nous croyons que l’indice Nasdaq pourrait reculer en 2022. Le S&P500, qui demeure fortement représenté par ces mêmes titres pourrait également connaitre une année décevante. Mais dans ce contexte, nous entrevoyons une excellente année pour les titres plus conservateurs qui composent notre portefeuille et nous prévoyons une excellente année au niveau relatif.

No 3 – L’évaluation boursière d’une action — « Le prix est ce que vous payez, la valeur est ce que vous obtenez  » — Citation de Warren Buffet

Le ratio cours/ventes est un outil de valorisation qui montre combien les investisseurs sont prêts à payer par dollar de vente pour une action. Il s’avère utile pour évaluer une organisation qui affiche une forte croissance de ses ventes, sans toutefois produire de bénéfices, comme les sociétés technologiques.

Cette donnée est obtenue en divisant la capitalisation boursière de l’entreprise par ses revenus d’exploitation sur une période de 12 mois, ou en divisant le cours de l’action par les ventes générées par action. Plus la lecture est élevée, plus l’action est vulnérable à un rajustement à la baisse de son cours pour la simple et bonne raison qu’elle est surévaluée. Tout comme un ratio cours/bénéfice élevé, cela se produit généralement dans un contexte de taux d’intérêt à la hausse, ce qui est présentement le cas.

Prenons l’exemple de l’action de Shopify (SHOP-TO, une plateforme de commerce qui permet de créer votre propre boutique en ligne) qui, jusqu’à tout récemment, était la plus grande capitalisation boursière au Canada. Eh bien, entre la mi-novembre et la fin décembre, son ratio cours/ventes est passé de 51 à 41 à la suite d’un recul de 20 % de son cours boursier. Cette tendance baissière s’est poursuivie en début d’année et à la mi-janvier, l’action de Shopify avait un ratio cours/ventes de 33, la conséquence directe d’une autre baisse de 20 %.

Grâce à notre philosophie d’investissement plus prudente, non seulement nous avons évité ce type de correction, mais nous avons également profité d’une rotation de style qui favorise notre positionnement de portefeuille axé davantage sur les secteurs plus sensibles aux cycles économiques et traditionnellement classés sous le style valeur.

Perspectives 2022

Jusqu’à présent, nous pouvons dresser les constats suivants :

  • Le variant Omicron ne semble pas inquiétant d’un point de vue économique et boursier
  • L’environnement macroéconomique demeure favorable 
  • Une décélération de l’inflation est attendue 
  • Un contexte de taux d’intérêt à la hausse est le scénario à privilégier pour la gestion des revenus fixes 
  • Notre style de gestion devrait bien performer tant sur les plans du rendement absolu que relatif

En plus des points mentionnés ci-dessus, voici deux faits à considérer :

No 1 — La courbe des taux d’intérêt est abrupte

Malgré le fait que les participants de marché s’attendent à un éventuel resserrement de la politique monétaire américaine 5, il existe un écart considérable entre les taux d’intérêt à 10 ans américain (taux d’intérêt à long terme) et le taux directeur établi par la Fed (taux d’intérêt à court terme). En général, ce type de situation est associé à un risque de récession plus faible. À cet égard, d’après un modèle de la Réserve fédérale de New York, la probabilité d’une récession américaine au cours des 12 prochains mois est de 7 %, une lecture en deçà de sa moyenne historique de 14 %6.

No 2 — Le ratio rendement/risque du portefeuille Croissance est très attrayant

En se fiant à son prix de clôture au 31 décembre (4766), le S&P 500 s’échangeait à un ratio cours/bénéfice7 de 21x, un niveau supérieur au multiple moyen enregistré au cours des 25 dernières années de 17x8. Sachant que les taux d’intérêt demeurent relativement bas sur une base absolue, ce niveau est acceptable. Il est à noter que le FATMAN (un acronyme qui signifie Facebook, Apple, Tesla, Microsoft, Amazon et Netflix) avait un multiple de 52 fois le bénéfice attendu en 2022 ! Concernant notre portefeuille Croissance, pour la même période, on parle d’un ratio cours/bénéfice fort convenable de 12, ce qui est de bon augure pour 2022 étant donné le rendement/risque très attrayant.

Conclusion

Comme vous pouvez le constater à la lecture de ce Rapporteur et des dernières publications, notre stratégie de portefeuille demeure sensée. Pour le volet des revenus fixes, notre biais favorable à la détention d’actions privilégiées est justifié et la durée du portefeuille obligataire est plus courte que celle de l’indice de référence correspondant, ce qui est conforme à une conjoncture économique positive. En ce qui concerne le portefeuille Croissance, une série de transactions ont été effectuées afin d’appliquer nos règles de gestion et de tirer profit d’occasions d’investissement, et ce, tout en respectant notre ligne directrice teintée d’optimisme.

C’est donc sous le signe de la continuité que se place 2022 quant à notre vision des choses et à notre désir de recourir à un processus rigoureux de recherche et de sélection d’information, le parfait antidote à l’« ultracrépidarianisme » !

Sources :

CNBC (2021). Wall Street’s 2022 Outlook. https://www.cnbc.com/market-strategist-survey-cnbc/ - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.

Desrosiers, E. (2022). La FED presse le pas face à la menace de l’inflation. Le Devoir. https://www.ledevoir.com/economie/654852/inflation-la-fed-presse-le-pas-face-a-la-menace-de-l-inflation - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.

Federal Open Market Committee (FOMC) (2021). Summary of Economic Projections. https://www.federalreserve.gov/monetarypolicy/files/fomcprojtabl20211215.pdf - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.

Federal Reserve Bank of New York (2022). US Recession probabilities—Estrella and Mishkin. YCharts. https://ycharts.com/indicators/us_recession_probability - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.

J.P. Morgan Asset Management. Guide to the Markets. https://am.jpmorgan.com/us/en/asset-management/adv/insights/market-insights/guide-to-the-markets/ - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.

Laporte, S. (2022). L’épidémie d’ultracrépidarianisme. La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2022-01-08/l-epidemie-d-ultracrepidarianisme.php - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.

Yardeni Research (2022). YRI S&P 500 Earnings forecast. https://www.yardeni.com/pub/yriearningsforecast.pdf - Lien externe au site. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.

  1. Stéphane Laporte (2022)Return to footnote 1 referrer
  2. Il y a une relation inverse entre le taux d’intérêt et le prix d’un titre à revenu fixeReturn to footnote 3 referrer
  3. CNBC (2021)Return to footnote 5 referrer
  4. Achats mensuels de quelque 120 milliards de dollars américains d’obligations gouvernementales et de titresReturn to footnote 7 referrer
  5. Desrosiers (2022)Return to footnote 9 referrer
  6. L’indice PCE (Personal Consumption Expenditures)Return to footnote 11 referrer
  7. Anticipation de quatres hausses du taux directeur en 2022Return to footnote 13 referrer
  8. Federal Reserve Bank of New York (2022)Return to footnote 15 referrer
  9. Yardeni Research (2022)Return to footnote 17 referrer
  10. J.P Morgan Asset Management (2022)Return to footnote 19 referrer

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