Lorsque nous rédigeons une lettre financière, nous gardons en tête les trois objectifs suivants : relater les faits saillants de l’actualité boursière, économique et financière, partager notre vision des choses et vulgariser les notions relatives à l’investissement boursier. Sur ce dernier point, nous privilégions le « rasoir d’Occam », un principe de raisonnement selon lequel l’hypothèse suffisante la plus simple doit être priorisée lorsque vient le temps d’expliquer un phénomène. On résume souvent cette manière de penser par les formules « L’explication la plus simple est la bonne » ou « Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ». Cela s’avère fort utile pour déterminer, entre autres, la principale raison derrière les fluctuations boursières à un moment précis. Pour mieux saisir ce point, rien de mieux qu’un exemple historique.
Au cours de l’élection présidentielle américaine en 1992, James Carville, le conseiller politique du candidat victorieux Bill Clinton, ne cessait de rappeler à son équipe que l’unique priorité des électeurs était l’état de l’économie, d’où sa citation restée célèbre : « C’est l’économie, stupide! ». Au lieu de s’éparpiller dans toutes les directions, le parti démocrate a misé sur un message à la fois simple, mais tellement percutant.
Nous nous inspirons donc de la tactique employée par ce fin stratège qui se concentre sur l’essentiel en résumant ainsi ce qui s’est passé au cours du récent trimestre : c’est l’inflation!
Indices de référence | Rendement en $ CA |
---|---|
S&P 500 | -5,86 % |
S&P/TSX | +3,84 % |
MSCI World | -6,29 % |
MSCI EAFE | -7,01 % |
FTSE TMX Canada Universe Bond | -6,97 % |
Indices de référence | Rendement en $ US |
---|---|
Or | +5,92 % |
Pétrole | +33,33 % |
En consultant les données ci-dessus, il est facile de constater un environnement macroéconomique marqué par l’intensification des pressions inflationnistes compte tenu de la fulgurante montée du West Texas Intermediate (WTI), cours de référence du pétrole aux États-Unis, la spectaculaire baisse des cours obligataires1 (FTSE TMX Canada Universe Bond) ainsi que la surperformance du marché boursier canadien (S&P/TSX). Il est bon de rappeler que ce dernier indice de référence bénéficie davantage de la hausse des prix énergétiques et des matières premières.
Cela s’explique par le choc d’offre causé par la crise russo-ukrainienne2 combiné aux lectures d’inflation déjà élevées (Canada : +5,7 %3 et États Unis : +7,9 %4 en février), résultat de la relance économique après la vague du variant Omicron de même que des perturbations persistantes dans les chaînes d’approvisionnement. En conséquence, la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine (Fed) n’ont eu d’autre choix que de préparer la communauté financière à plusieurs hausses successives de leurs taux directeurs, l’objectif étant de réduire la flambée des prix en réduisant la demande.
Toutefois, le durcissement de ton de la Fed a occasionné de nombreuses inversions au sein de la courbe des taux d’intérêt aux États-Unis. Aux fins de rappel, la courbe est dite « inversée » lorsqu’un taux d’intérêt à court terme est supérieur au taux d’intérêt d’une durée plus longue, comme les taux d’intérêt à 2 ans et à 5 ans qui se sont cotés au-dessus du taux d’intérêt à 10 ans en mars dernier. En général, ce type de courbe est associé à une probabilité de récession plus grande.
La raison en est que la direction des taux d’intérêt à court terme est dictée par la politique monétaire, tandis que le comportement des taux d’intérêt à long terme est plutôt influencé par les attentes des participants du marché obligataire quant aux perspectives de croissance économique. Si ces derniers prévoient un essoufflement de l’activité économique, voire une récession, justement à cause d’une politique monétaire trop restrictive, ils se réfugieront alors dans des obligations ayant des échéances de longue durée, ce qui crée une pression à la baisse sur les taux d’intérêt correspondants. Sachant qu’en période d’inflation soutenue, les taux d’intérêt à court terme se maintiendront à la hausse, c’est donc à ce moment qu’une inversion de la courbe des taux d’intérêt risque de se matérialiser.
Selon ce qui précède, est-ce le temps d’ajuster le tir pour tendre vers une stratégie de portefeuille plus défensive?
Nous sommes d’avis qu’il est encore trop tôt pour envisager un tel positionnement pour les raisons suivantes :
Type de portefeuille | Rendement du portefeuille (A) | Rendement de l’indice de référence (B) | Alpha (C) = (A) – (B) |
---|---|---|---|
Croissance | +4,50 % | -1,23 % | +5,73 % |
Obligataire | -5,10 % | -6,97 % | +1,87 % |
Actions privilégiées | -3,70 % | -2,53 % | -1,17 % |
Équilibré fiscal* | +0,36 % | -2,99 % | +3,35 % |
D’un point de vue de la performance du portefeuille Équilibré fiscal, on s’en tire très bien malgré les circonstances. Tout d’abord, notre style valeur a grandement bénéficié de la hausse des taux d’intérêt tant sur le plan de la performance absolue que relative (portefeuille Croissance). En outre, à un certain moment cette année, le NASDAQ était en baisse de plus de 20 %, sans oublier le fait que les incertitudes ainsi que la volatilité provoquée par le conflit russo-ukrainien auront permis d’effectuer de nombreuses transactions à des moments opportuns. Pour plus de détails à ce sujet, nous vous invitons à consulter Le Rapporteur Avis d’exécution – Guerre en Ukraine. Comme nous l’avons mentionné précédemment, notre stratégie de portefeuille reste inchangée et nous demeurons pleinement investis.
En ce qui concerne le portefeuille Obligataire, nous avons été en mesure de limiter les dégâts grâce à la détention d’obligations ayant des échéances de courte durée, une approche logique et avantageuse dans un contexte de taux d’intérêt à la hausse. Ceci étant dit, nous avons augmenté de nouveau la durée de la portion obligataire en revenus fixes pour tenir compte du fait que l’impressionnante hausse des taux d’intérêt reflète en grande partie le resserrement hâtif des conditions monétaires. Par exemple, au début avril, la probabilité était de 80 % que la Fed hausse son taux directeur de 50 points de base (0,50 %) lors des deux prochaines annonces prévues en mai et en juin. La durée de notre portefeuille obligataire est donc passée de 4,8 ans à 6,4 ans – une donnée qui demeure plus courte que celle de l’indice de référence correspondant qui est actuellement de 8,0 ans).
Voilà! En espérant que la lecture de cette lettre financière n’a pas été trop laborieuse et que nous avons atteint nos trois objectifs tout en gardant les choses simples!
Sources :
Agence France-Presse (2022). Le taux de chômage recule encore aux États-Unis . Le Devoir, 2 avril.
Agence QMI (2022). Le taux de chômage le plus bas jamais enregistré au Québec . Le Journal de Montréal, 8 avril.
Agence QMI (2022). Augmentations des dépenses et baisse des revenus : les Canadiens ont vu leurs épargnes diminuer . Le journal de Québec, 11 mars 2022.
Chabanas, J. (2022). L’inflation grimpe à 7,9 % en février aux États-Unis. TVA Nouvelles, 10 mars.
Cox, C. (2022). Months Between Start of Recession and First 2yr/10 yr Inversion . Twitter, 30 mars 2022.
DataTrek (2022). Yield Curve Stutters, EU/US Inflation, Big Tech Earnings. DataTrek Morning Briefing, 30 mars 2022.
La Presse Canadienne (2022). L’inflation est plus forte que la Banque du Canada l’avait prévu en janvier . Le Soleil, 25 mars.
Le Hirez, C. (2021). La TD s’attend à une forte croissance en 2022. Conseiller.ca, 23 décembre.
Trading Economics (2022). United States Personal Savings Rate.
Yardeni Research (2022). YRI S&P 500 Earnings Forecast. 4 avril.
YCharts (2022). US Personal Saving Rate.
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