Le Rapporteur – Premier semestre 2022

Premier semestre 2022 difficile, mais pas de récession en vue pour 2022

En 1975, après avoir complété le tournage du film Les Dents de la mer, le réalisateur Steven Spielberg avait des réserves quant à l’authenticité de son requin mécanique et craignait ainsi de devenir la risée d’Hollywood. Il a donc décidé de limiter la présence du redoutable prédateur au grand écran et de miser plutôt sur l’anticipation de ce qui pourrait arriver grâce à une trame sonore très efficace1.

Eh bien, au cours du récent trimestre, nous avons vécu sensiblement la même chose avec l’économie et les perspectives boursières. La crainte d’une récession a un peu été comme le requin mécanique de Spielberg, en ce sens que la menace imminente de sa survenance a causé beaucoup de stress et d’anxiété à l’investisseur.

Cela s’explique principalement par l’intensification des pressions inflationnistes liées notamment à la crise russo-ukrainienne, aux perturbations persistantes dans les chaînes d’approvisionnement ainsi qu’à la relance économique soutenue de l’après-COVID-19. En effet, face à une inflation plus élevée qu’anticipée, les banques centrales n’ont eu d’autre choix que de resserrer décisivement leur politique monétaire afin de ralentir la demande. Par exemple, après avoir monté le taux directeur de 75 points de base (0,75 %) en juin dernier, la Réserve fédérale américaine (Fed) devrait poursuivre sa lancée avec des hausses supplémentaires de son taux directeur.

Selon les participants du marché obligataire, le taux directeur américain pourrait s’établir entre 3,25 % et 3,75 % en fin d’année2. Le cas échéant, le taux cible des fonds fédéraux serait alors deux fois plus élevé que son niveau actuel (1,75 %), rendant inévitable la récession aux yeux de plusieurs. Il serait alors question d’un atterrissage brutal de l’économie (hard landing). Cela voudrait dire que la Fed n’aurait pas été en mesure de contrer le risque d’inflation sans faire dérailler la croissance économique. Bien entendu, les marchés financiers ont déjà reflété en grande partie cette éventualité dans leur décevante performance enregistrée lors de la première moitié de l’année, autant du côté obligataire3 en raison de la hausse des taux d’intérêt que du côté des marchés boursiers avec le retour en force de l’inflation et les craintes de récession.

Sommaire des rendements des principaux marchés financiers - premier semestre 2022

Indices de référence Rendement en $ CA
S&P 500 -18,56 %
S&P/TSX -9,85 %
MSCI World -18,87 %
MSCI EAFE -17,80 %
FTSE TMX Canada Universe Bond -12,23 %
Indices de référence Rendement en $ US
Or -1,20  %
Pétrole +40,62 %

Notre gestion

Revue de performance – premier semestre 2022

Type de portefeuille Rendement du portefeuille (A) Rendement de l’indice de référence (B) Alpha (C) = (A) – (B)
Croissance -4,83 % -14,44 % +9,61 %
Obligataire -9,58 % -12,23 % +2,65 %
Actions privilégiées -12,03 % -9,87 % -2,16 %
Équilibré fiscal* -7,06 % -2,99 % +5,62 %

Comme vous l’avez sûrement remarqué, les principales classes d’actifs ont baissé à l’unisson au cours du premier semestre. Heureusement, sur une base relative, nous avons réussi à tirer notre épingle du jeu. D’abord, pour le portefeuille Croissance, la valeur ajoutée provient du fait que notre style de gestion valorise la préservation du capital, ce qui nous a permis d’éviter les nombreux pièges de l’investissement. De plus, certaines actions détenues en portefeuille (Nutrien, Suncor) ont profité pleinement du choc d’offre causé par la crise russo-ukrainienne. D’ailleurs, nous avons réduit notre pondération dans Suncor et Nutrien à trois et à deux reprises respectivement depuis mars dernier alors que le prix du pétrole et des commodités agricoles étaient à des sommets pour matérialiser des profits. Stratégiquement, nous disposons maintenant de 4 % du portefeuille Croissance sous forme de liquidités, ce qui nous permettra de déployer celle-ci au fur et à mesure des opportunités rencontrées au cours des prochains mois.

Ensuite, pour le portefeuille Obligataire, nous avons augmenté sa durée pour la porter à 7,8 ans, une donnée légèrement supérieure à celle de l’indice de référence correspondant (7,4 ans). Nous croyons que le risque d’inflation élevé à long terme est nettement amoindri par le changement d’alignement important des banques centrales au cours des derniers mois. Ce constat a été confirmé par un important renversement à la baisse des taux d’intérêt. Par exemple, le taux d’intérêt à 10 ans américain oscille présentement autour de 3 %4 après s’être coté à près de 3,50 % en juin dernier. Sans surprise, nous avons observé une baisse comparable pour le taux d’intérêt à 10 ans canadien. Advenant que la Fed et la Banque du Canada parviennent à amener le taux d’inflation dans une zone plus raisonnable au cours des prochains mois et prennent une pause de hausses de taux d’intérêt, le volet revenus fixes pourrait offrir une meilleure performance en deuxième moitié d’année.

Nos perspectives - deuxième semestre 2022

Malgré un premier semestre 2022 fort difficile sur les marchés, nous entrevoyons un certain nombre de bonnes nouvelles qui pourraient permettre une embellie des marchés au deuxième semestre de 2022, notamment la récente baisse du prix des commodités, un marché de l’emploi qui demeure fort des deux côtés de la frontière et des banques centrales qui sont déterminées à contrôler l’inflation tout en visant, dans la mesure du possible, un atterrissage en douceur. Ainsi, nous sommes d’avis que les perspectives de rendement sont attrayantes pour nos principaux modèles de gestion, en raison de notre positionnement et considérant la probabilité relativement élevée de développement plus positif sur le plan économique. Voici les trois raisons principales qui nous poussent à croire cela.

  1. La récession n’est pas imminente pour 2022

    Aux États-Unis, c’est le comité de datation des cycles économiques du National Bureau of Economic Research (NBER) qui est responsable d’annoncer officiellement le début d’une récession. Alors que la définition traditionnelle d’une récession est la croissance négative du PIB sur deux trimestres consécutifs, le NBER définit une récession comme étant un recul significatif de l’activité économique qui affecte l’ensemble de l’économie sur une longue période. Pour rendre sa décision, le NBER tient compte de variables comme la production industrielle, le commerce au détail et l’emploi.

    Même si le PIB américain a affiché un premier trimestre faiblement négatif, en raison de facteurs techniques et de données à l’exportation et que le deuxième trimestre risque fort d’être négatif également, la bonne nouvelle est que deux indicateurs économiques d’importance pour le NBER ne laissent aucunement présager une récession à très court terme. D’une part, cette année, l’économie américaine a généré près de trois millions d’emplois ainsi qu’une croissance de la masse salariale et le taux de chômage est à un faible taux de 3,6 %. D’autre part, le consommateur américain est en excellente posture financière. À ce propos, d’après le Bureau of Economic Analysis (BEA), le revenu disponible excluant les transferts gouvernementaux a atteint un nouveau record en mai dernier5!

  2. Le pic de l’inflation est peut-être derrière nous

    Aux États-Unis, après un répit de courte durée en avril, l’inflation est repartie à la hausse avec une croissance annualisée de +8,6 % en mai, un nouveau record des 40 dernières années. Cependant, des signes encourageants pointent à l’horizon. En voici quelques-uns :

    • En l’espace de quelques semaines, le prix à la pompe a reculé de 36 cents (de 5,02 $ à 4,66 $)6 chez nos voisins du Sud;
    • En dépit de la guerre en Ukraine qui perdure, le prix de certaines matières premières est en baisse d’au moins 20 % (p. ex. : blé, bois d’œuvre, cuivre, maïs et soja);
    • Quelques entreprises de renom comme Walmart, Target et Nike ont mentionné qu’elles disposaient d’un inventaire plus que suffisant pour satisfaire à la demande, ce qui signifie qu’elles liquideront ces biens à plus faible prix;
    • En regard de son sommet enregistré à la fin janvier, le Mainheim Used Vehicle Index, un indice de prix pour les voitures usagées aux États-Unis, accuse un recul de 7 %7 . Il est bon de rappeler que cette catégorie de biens a été l’une des principales responsables de la hausse de l’inflation en 2021; et
    • Le 1er juin, le gouvernement chinois a levé les plus importantes restrictions anti-COVID imposées depuis deux mois aux quelque 25 millions d’habitants de Shanghai, un baume pour la gestion des chaînes d’approvisionnement.
  3. La croissance des bénéfices semble toujours au rendez-vous

    En se fiant à son cours de clôture au 30 juin (3 785), le S&P 500 s’échangeait à des ratios cours/bénéfice fort convenables de respectivement 16,5 X et 15 X les bénéfices attendus en 2022 (229 $) et en 2023 (251 $)8. Sachant que les analystes financiers prévoient toujours une croissance des bénéfices de l’ordre de 10 % pour cette année et l’an prochain , l’actuel repli des cours boursiers s’explique par la contraction des multiples d’évaluation, une conséquence directe de la forte poussée des taux d’intérêt. Comme nous ne prévoyons pas de récession imminente au pays de l’Oncle Sam, le marché des actions a le potentiel de surprendre positivement advenant des résultats financiers au deuxième trimestre conformes ou supérieurs aux attentes établies par les analystes financiers.

Conclusion

Comme vous pouvez le constater à la lecture de ce Rapporteur, tous les ingrédients sont réunis pour connaître une deuxième moitié d’année plus intéressante du point de vue du rendement. Que ce soit la résilience économique, la possible diminution de l’inflation ou la capacité des entreprises à générer des profits, nous ne sommes pas en pénurie de catalyseurs potentiels qui peuvent être porteurs en cette dernière moitié d’année 2022, ce qui nous permet de garder le cap en demeurant investi !

Sources :

AAA Gas Prices (2022).https://gasprices.aaa.com , consulté le 12 juillet.

Colas, N. et Rabe, J. (2022). DataTrek Morning Briefing, 10 juillet.

Lee, T. (2022). Incoming data shows many drivers of inflation not that ‘’sticky“ = Fed might have work less than consensus expects . FS Insight, 11 juillet.

Roe, S. (2022). You call this a recession, TKer, 10 juillet.

The Daily Coach (2022). How Steven Spielberg Got Creative With ‘’Jaws“, 4 juillet.

Yardeni Research (2022). YRI S&P 500 Earnings Forecast, 11 juillet.

  1. The Daily Coach (2022)Return to footnote 1 referrer
  2. Colas & Rabe (2022)Return to footnote 3 referrer
  3. Il existe une relation inverse entre le taux d’intérêt et le prix d’un titre à revenu fixe.Return to footnote 5 referrer
  4. En date du 12 juillet.Return to footnote 7 referrer
  5. Roe (2022)Return to footnote 9 referrer
  6. AAA Gas Prices (2022)Return to footnote 11 referrer
  7. Lee (2022)Return to footnote 13 referrer
  8. Yardeni ResearchReturn to footnote 15 referrer
  9. Le bénéfice par action du S&P 500 a été de 209 $ en 2021.Return to footnote 17 referrer

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