Une pause est de mise

Les rebonds boursiers des six derniers mois sont fort rassurants. Plusieurs indicateurs ont dissipé les craintes de fin du monde ou de dépression. La diminution de cette peur excessive peut suffire à expliquer une partie des rebonds observés. Les investisseurs assistent maintenant à une reprise économique qui résulte de la sortie de récession annoncée dans plusieurs pays. Cette anticipation collective des investisseurs est vue comme un signe précurseur. Toutefois, il est arrivé à plusieurs reprises dans l’histoire que ces « rallyes boursiers » n’aient pas été annonciateurs d’une reprise économique. Par le passé, les économistes ont parfois confondu reprise économique et stabilisation de la phase de contraction. L’histoire nous enseigne également que les récessions causées par la faiblesse des bilans sont longues et pénibles. Et les reprises modestes.

L’optimisme actuel crée certains obstacles à une reprise. La remontée des marchés a engendré certains phénomènes négatifs, comme la hausse des prix du pétrole et des taux d’intérêt (taux hypothécaires). Les taux d’intérêt à long terme ont augmenté d’environ 1 % depuis la mi-mars, limitant l’impact de la politique monétaire. Le prix du pétrole est passé de 40 à 70 dollars. Or, chaque hausse d’un dollar par gallon réduit le pouvoir d’achat annuel des consommateurs américains de 140 milliards de dollars. Il n’est donc pas difficile de comprendre le frein énorme que représente l’augmentation du prix de l’énergie qui vient contrecarrer la politique budgétaire.

Désormais, toute la question est de savoir, quelle forme prendra la reprise. Les économistes se demandent si elle sera en V, en U, en W ou en L. L’économiste Nouriel Roubini, qui fut l’un des rares spécialistes à prévoir l’ampleur des récents problèmes financiers mondiaux, estime que nous courons un « gros risque » d’assister à une récession à double creux. D’après nous, les scénarios qui mettent de l’avant un double creux (W), une période de stabilisation (L) ou une reprise plus faible que la normale auront à court terme, soit une période de six à 12 mois, des répercussions similaires sur les marchés boursiers.

Après leur solide remontée, les marchés devront consolider leurs gains, et les signes de reprise économique devront se manifester de façon durable. Nous estimons que les marchés se trouvent actuellement à un grand carrefour. Divers scénarios de reprise qui se sont produits par le passé nous laissent entrevoir un potentiel de gains supplémentaires peu élevé au cours des six prochains mois et un risque de correction. La prudence est de mise à court terme, malgré le potentiel de rendement élevé sur le long terme, principalement sur les titres américains de grande valeur.

Optimisme à long terme : le Dow Jones à 18 000 points d’ici sept à huit ans

Le rendement des marchés boursiers – principalement celui de la Bourse américaine – sur un horizon de cinq à dix ans nous inspire confiance, mais pour bien saisir les raisons de cet optimisme, il est important de bien comprendre la mauvaise performance de la dernière décennie.

La première décennie des années 2000 aura été désastreuse pour les marchés boursiers en général. Le S&P 500 connaît l’une des pires décennies de son histoire, avec un rendement négatif sur dix ans négatif d’environ 30 %, passant de 1 500 points à 1 000 aujourd’hui. À notre avis, les évènements auxquels on attribue cette mauvaise période sont valables, mais ne suffisent pas à tout expliquer. L’effondrement de la bulle technologique, le 11 septembre, les fraudes financières ainsi que les crises financière et immobilière camouflent la vraie raison de cette piètre performance, qui est en fait due à la surévaluation du marché à la fin des années 1990. Les dernières années de la décennie précédente avaient produit des rendements tout simplement extraordinaires, soit cinq années consécutives de rendements de plus de 20 %. La décennie 1990 a permis à l’investisseur qui a profité du rendement du S&P 500 de multiplier son investissement par cinq. Ainsi, un montant de 100 000 dollars investi le 1er janvier 1990 valait plus de 500 000 dollars le 31 décembre 1999. Cette performance s’explique par la croissance des bénéfices, mais surtout par une expansion dangereuse des multiples : en 1999, le ratio cours/bénéfice du S&P 500 atteignait pour la première fois le multiple de 35, soit un niveau supérieur à celui de 1929; le bénéfice de l’indice s’élevait à 42 $ dollars et l’indice s’établissait à 1 464 points le 31 décembre 1999.

Aujourd’hui, c’est-à-dire dix ans plus tard, la grande majorité des entreprises américaines dont les actions sont de premier ordre (« blues chips ») et qui composent les indices de référence affichent un bilan extrêmement solide, et leurs titres se négocient à des multiples conformes à la moyenne historique. À l’heure actuelle, le ratio cours/bénéfice moyen des entreprises du S&P 500 est d’environ 15, par rapport à une moyenne historique de 15,6 (de 1920 à 2009). Rappelons que les bénéfices de 2009 se sont réalisés en période de récession, et que la croissance des bénéfices à la sortie d’une récession est normalement plus rapide que la croissance moyenne à long terme. Actuellement, aux alentours de 1 000 points, le bénéfice du S&P 500 est d’environ 66 dollars. Nous constatons donc que malgré tous les événements politiques, juridiques, économiques et financiers qui se sont produits, les sociétés du S&P 500 ont amélioré leur rentabilité de 55 % en 10 ans, alors que le marché reculait d’environ 30 % et finissait par ramener les ratios à un niveau historique.

À l’issue de la récession actuelle et compte tenu de la baisse des coûts et des gains de productivité, nous pourrions assister à une croissance importante des bénéfices des sociétés.

Aujourd’hui, c’est-à-dire dix ans plus tard, la grande majorité des entreprises américaines dont les actions sont de premier ordre (« blues chips ») et qui composent les indices de référence affichent un bilan extrêmement solide, et leurs titres se négocient à des multiples conformes à la moyenne historique. À l’heure actuelle, le ratio cours/bénéfice moyen des entreprises du S&P 500 est d’environ 15, par rapport à une moyenne historique de 15,6 (de 1920 à 2009). Rappelons que les bénéfices de 2009 se sont réalisés en période de récession, et que la croissance des bénéfices à la sortie d’une récession est normalement plus rapide que la croissance moyenne à long terme. Actuellement, aux alentours de 1 000 points, le bénéfice du S&P 500 est d’environ 66 dollars. Nous constatons donc que malgré tous les événements politiques, juridiques, économiques et financiers qui se sont produits, les sociétés du S&P 500 ont amélioré leur rentabilité de 55 % en 10 ans, alors que le marché reculait d’environ 30 % et finissait par ramener les ratios à un niveau historique.

À l’issue de la récession actuelle et compte tenu de la baisse des coûts et des gains de productivité, nous pourrions assister à une croissance importante des bénéfices des sociétés américaines. Sans envisager une augmentation des multiples au-delà de la moyenne historique, le rendement de la Bourse américaine devrait au moins suivre la croissance de la rentabilité. Selon des prévisions réalistes, le rendement annuel du S&P 500 et du Dow Jones pourrait atteindre 8,5 % par an et près de 12 % si l’on tient compte des dividendes.

L’essentiel de notre message, c’est que, sur une période de dix ans, nous avons toutes les raisons de nous attendre à un bon rendement des actions, principalement celles des grandes multinationales américaines.

Malgré le risque qu’une correction se produise au cours des prochains mois, voici les raisons pour lesquelles nous estimons que son ampleur sera limitée

  1. Le désendettement des ménages sera l’une des principales conséquences de la crise du crédit. Perçu négativement à court terme dans le cadre d’une reprise économique, le taux d’épargne qui est passé de zéro à près de 6 %, nous rassure. À la fin mai 2009, les ménages américains avaient épargné 768,8 milliards de dollars. À ce rythme, leur bilan pourrait revenir à des niveaux historiques en quelques années.
  2. Le système financier se stabilise. Une reprise en bonne et due forme n’aura lieu que si le système financier est solide. Aux États-unis, les banques ont pu puiser dans les marchés des capitaux et se recapitaliser facilement à hauteur de 100 milliards de dollars. Ces capitaux supplémentaires leur ont permis de renforcer leur bilan de manière à réussir les tests de résistance imposés par le gouvernement américain.
  3. À l’origine de la crise de 2008, l’immobilier résidentiel a atteint un niveau plancher et constitue encore et toujours le principal actif de la plupart des ménages. Au cours des derniers mois, les volumes des ventes ont augmenté et le nombre de maisons sur le marché a diminué, atteignant un délai de vente moyen de 9,4 mois. On assiste à une réduction progressive des stocks depuis le sommet de 4,6 millions de maisons à vendre atteint en 2007 et le délai de vente qui s’établissait en moyenne à 11,2 mois il y a un an.
  4. La rentabilité des entreprises résiste mieux que prévu à la récession. Les multiples sont de retour à des niveaux historiques.
  5. Les écarts de crédit dans les marchés obligataires ont eux aussi commencé à diminuer favorisant le financement.

 

À court terme, prudence

De nombreuses raisons nous portent à croire que le rebond boursier des derniers mois est terminé. Même si nous demeurons extrêmement optimistes face aux gains à réaliser à long terme, principalement grâce aux « blues chips » américains, les marchés boursiers ont rebondi rapidement par rapport aux données fondamentales à court terme.

Tous les indicateurs (et le bon sens) pointent vers une reprise modeste de l’économie mondiale qui se produirait au cours des prochaines années. Le marché de l’habitation aux États-Unis commence tout juste à se stabiliser, les consommateurs sont moroses et le désendettement est roi. La tendance sera à l’épargne, et non à la consommation. Ajoutez à cela l’augmentation des prix de l’énergie et des coûts d’emprunt, sans parler de l’éventuel durcissement de la politique budgétaire, et vous avez là tous les ingrédients nécessaires pour une reprise plus faible que la normale. Le niveau d’optimisme, assorti d’un retour de l’appétit pour le risque, le secteur automobile et la croissance du crédit en Chine nous invitent à la prudence.

L’optimisme : à son niveau le plus haut depuis décembre 2007

L’indicateur qui illustre le sentiment des investisseurs a atteint récemment les mêmes niveaux élevés qu’à la fin 2007, au début du dernier marché baissier. C’est là un signe potentiel du fait que le rebond des six derniers mois tire à sa fin et que les risques de correction augmentent.

Sortie de récession grâce au secteur de l’automobile

La fin inattendue de la récession dans certains pays, tels la France et l’Allemagne s’explique principalement par la consommation des ménages, soutenue par des mesures comme les primes à la casse. Une mesure temporaire qui gonfle les chiffres à court terme, au détriment de ceux qui restent venir.

La Chine affiche une croissance de moins bonne qualité

En Chine, la croissance économique a repris au deuxième trimestre. Après un ralentissement de 6,1 % au premier trimestre, le deuxième trimestre confirme les prévisions de reprise en V avec une croissance de 7,9 %. On s’attend maintenant à une croissance de 8,1 % pour 2009 et de 9,5 % pour 2010.

 

Alors que la croissance économique accélère, la qualité de cette croissance, elle, se détériore. En fait, les exportations de la Chine dégringolent, mais ce pays surfe sur son marché intérieur. Le problème, c’est que les banques chinoises ont accordé pour environ 7 000 milliards de yuans (1 300 milliards CAN) de prêts au cours du premier semestre de 2009. C’est environ trois fois la somme du crédit consenti pendant toute l’année 2008 et près de deux fois le budget du plan de relance annoncé par Pékin en novembre (700 milliards CAN), l’un des plus ambitieux de la planète. Résultat : depuis le début de l’année, les ventes d’automobiles sont en hausse de 47 %, les ventes de maisons ont atteint des niveaux records et les ventes au détail ont bondi de 15 % en pleine crise économique planétaire.

Les risques de formation de bulles dans les actifs sont de plus en plus élevés, car le crédit est facile et les occasions dans le secteur des investissements à taux fixe sont inexistantes. Une telle combinaison encourage les achats d’actions, de biens immobiliers et de commodités. On estime que jusqu’à 50 % de l’augmentation du crédit a servi à financer ce type d’achats. Certains analystes prédisent que la bulle de l’immobilier à Pékin est sur le point d’éclater, et des économistes craignent une surproduction industrielle.

Stratégie tactique pour protéger votre portefeuille

  1. Répartir son actif conformément à son profil d’investisseur, avec une pondération plus élevée pour l’encaisse (de 5 % à 10 %).
  2. Favoriser des secteurs défensifs et les titres de grande valeur.
  3. Utiliser le dollar américain comme monnaie « contrecyclique ».

    Abordons tout d’abord le sujet préoccupant qu’est l’explosion de la dette américaine. En pourcentage du PIB, le niveau d’endettement du gouvernement des États-Unis a augmenté à 56 % en 2007, après avoir atteint son plus bas niveau en dix ans, soit 48 %, en 2001. Les prévisions pour 2009 estiment qu’il se situera entre 60 et 80 %. Toutefois, l’endettement gouvernemental augmente dans tous les pays, à mesure que ceux-ci tentent de stimuler leur économie. Le ratio d’endettement américain est encore bas par rapport à de nombreux pays, même selon les prévisions pour 2009. Le marché semble extrapoler les déficits et les emprunts des États-Unis dans un avenir lointain. Les craintes d’une baisse supplémentaire du dollar américain nous semblent exagérées.

    Ces dernières années, le dollar reprend de la vigueur lorsque l’économie bat de l’aile et perd de la valeur lorsque la croissance économique accélère; c’est pour cette raison que la société de recherche Bank Credit Analyst décrit le billet vert comme une monnaie « contrecyclique ». Pour l’instant, les taux de croissance du PIB, les déficits commerciaux et les écarts entre les taux d’intérêt ne sont plus les paramètres qui déterminent le mouvement des devises à l’échelle mondiale; ils ont été remplacés par les perspectives générales concernant la croissance économique mondiale.

    Les monnaies axées sur les marchandises se négocient actuellement comme s’il ne faisait aucun doute qu’une reprise en V se produira. Il faut toutefois faire preuve de prudence, car quelques grains de sable dans l’engrenage pourraient faire en sorte que le « V » se transforme en « W ». Lorsque les perspectives de croissance ont commencé à s’améliorer, que les prix des marchandises ont atteint un creux et que les indicateurs économiques ont cessé leur dégringolade, le dollar canadien a progressé à une vitesse fulgurante. Le huard s’est apprécié de 0,80 à 0,87$, soit de plus de 8 %, en un seul mois. Le dollar canadien, qui se situe actuellement à 0,92$, est aussi vulnérable que tout autre actif risqué face à un retour en force à court terme de l’aversion des investisseurs pour le risque. C’est ce qui explique que le dollar américain joue un rôle défensif dans un portefeuille de placement canadien à court terme.

  4. Pour les titres à revenu fixe, diminuer la pondération en titres de sociétés et favoriser les obligations gouvernementales de longue durée, car les risques d’inflation à court terme sont faibles.

    Les courbes de taux se sont accentuées depuis la mi-mars. Les craintes d’une inflation et les signes de reprise économique ont poussé les taux à long terme à la hausse. Nous n’avons aucune idée du niveau qu’aura atteint l’inflation dans trois ans. Il faut toujours rester vigilant face à ce phénomène économique qui peut refaire surface dans l’avenir. Toutefois, à court terme, les craintes d’une spirale inflationniste aux États-Unis nous semblent exagérées.

    L’histoire montre clairement le lien étroit qui existe entre le taux de chômage et l’inflation. Pour que l’inflation en arrive à dominer une économie aussi productive que celle des États-Unis, on doit assister à une hausse importante des salaires. Or, la croissance des salaires se situe actuellement dans un creux par rapport aux 50 dernières années. Un taux de chômage avoisinant les 10% fait en sorte qu’il n’y a aucune pression pour augmenter les salaires, et il est peu probable que des demandes en ce sens reprennent dans un avenir rapproché.

    La partie longue de la courbe offre une protection en cas de baisse des marchés boursiers.

 

Conclusion

Nous croyons que la reprise de l’économie mondiale repose inévitablement entre les mains du consommateur américain. À eux seuls, les Américains consomment davantage que le Japon, l’Allemagne et la Chine réunis, les trois économies les plus puissantes au monde après nos voisins du Sud. Pour les États-Unis et pour l’Europe, le pire scénario serait que les prix des matières premières soient déterminés par les pays émergents. Il serait très dommageable pour les Américains et les Européens qu’une croissance ultrarapide et autocentrée en Asie vienne à hausser les prix des ressources. Si cela se produisait, une pareille situation ne pourrait durer bien longtemps.

Pour le reste de 2009, nous recommandons d’adopter une stratégie d’investissement prudente visant à préserver les rendements réalisés depuis le début de l’année.

Sources :

Groupe conseil en portefeuilles, Valeurs mobilières Desjardins, Bull or Bear? (Bloomberg, Crédit Suisse et VMD)

Groupe conseil en portefeuilles, Valeurs mobilières Desjardins, Stratégique Tactique, août 2009

RBC Gestions d’actifs, Regard sur les placements mondiaux, été 2009

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