Le Rapporteur — Premier trimestre de 2024

En 2009, en pleine crise financière, une personne a lancé la phrase suivante à Warren Buffett1 :

« L’économie est dans un tel état que je ne vois pas comment nous allons pouvoir nous en sortir. »

Le célèbre investisseur lui a répondu ceci : « Saviez-vous qu’en 1962, la friandise la plus vendue dans le monde était la barre Snickers ? Eh bien, sachez qu’elle est toujours la friandise préférée à l’échelle mondiale ! »

Cette anecdote révèle une leçon essentielle de Warren Buffett : il est préférable de se concentrer sur les aspects stables et durables plutôt que de s’aventurer dans les spéculations, une recommandation tout à fait adéquate dans le monde de l’investissement boursier.

Dans un paysage économique où l’incertitude semble être la seule constante, la tentation de vouloir prédire l’avenir s’avère frustrante et inutile. Nous sommes quotidiennement confrontés à des questions sans réponses définitives : sommes-nous à l’aube d’une récession économique ? Qui sera le prochain président des États-Unis ? Quel sera l’impact de l’intelligence artificielle sur le marché du travail ? Combien de fois les banques centrales prévoient-elles réduire les taux directeurs cette année ? Ces interrogations, et bien d’autres encore, alimentent les débats et façonnent les opinions, sans toutefois nous apporter de certitudes.

C’est pour cela que notre stratégie d’investissement repose sur des principes établis au fil du temps et en totale harmonie avec notre philosophie. Jason Zweig, commentateur financier, reflète parfaitement notre approche en disant : « Les investisseurs sont constamment à la recherche de nouveautés, alors qu’en vérité, ce dont ils ont vraiment besoin, ce sont de solides habitudes. » Pour évaluer la performance et mettre en lumière les éléments marquants du premier trimestre, nous mettons de l’avant ces trois piliers fondamentaux qui orientent notre gestion.

  1. La règle du 80/40 : mettre les gains à profit et limiter les pertes
  2. La capacité à penser en termes de probabilité
  3. La volatilité n’est pas synonyme de risque

 

SOMMAIRE DES RENDEMENTS — PREMIER TRIMESTRE DE 2024

INDICES DE RÉFÉRENCE Rendement en $ CA
S&P 500 +13,32 %
S&P/TSX +6,62 %
MSCI Monde +11,70 %
NASDAQ Composite +12,05 %
Obligataire universel FTSE TMX Canada -1,22 %
INDICES DE RÉFÉRENCE Rendement en $ USD
Or +8,09 %
Pétrole +16,08 %

REVUE DE PERFORMANCE — PREMIER TRIMESTRE DE 2024

TYPE DE PORTEFEUILLE GOB Indice de référence Valeur ajoutée
CROISSANCE +7,62 % +9,16 % -1,54 %
OBLIGATAIRE +2,09 % -1,22 % +3,31 %
ACTIONS PRIVILÉGIÉES +13,31 % +9,62 % +3,69 %
ÉQUILIBRÉ FISCAL +6,47 % +6,64 % -0,17 %

No 1 : La règle 80/40 : mettre les gains à profit et limiter les pertes

Au moment d’investir, nous priorisons la sécurité de votre capital. Le risque que vous courez, c’est de perdre de l’argent, et non de vous faire battre par un indice, surtout à court terme.

Cette perspective vous est-elle familière ?

Elle constitue la pierre angulaire de notre philosophie d’investissement qui influence directement nos décisions. Par conséquent, vous pouvez vous attendre à constater une asymétrie dans nos performances relatives lors de périodes de recul significatif ou de forte progression des marchés boursiers, comme on l’observe au premier trimestre. Bien que notre portefeuille Croissance ait réalisé un rendement absolu très satisfaisant, il est inférieur à notre indice de référence. C’est dans cette optique que nous introduisons les concepts de capture de la hausse et de la baisse.

La capture de la hausse illustre notre capacité à tirer parti des périodes de croissance du marché en alignement avec la performance de notre indice de référence. Nous avons, au fil du temps, prouvé notre aptitude à créer de la valeur ajoutée durant les tendances haussières. Néanmoins, en raison de notre priorité accordée à la préservation du capital, nous parvenons à saisir généralement 80 % du potentiel de hausse dans les phases de forte expansion des cours boursiers. Par exemple, si notre indice de référence connaît une hausse de 20 %, notre portefeuille Croissance enregistrera de son côté une augmentation d’environ 16 %, ce qui équivaut à 80 % de la hausse constatée.

Prenant une démarche équilibrée, notre volonté à protéger votre capital nous conduit à ne subir qu’environ 40 % des reculs durant des périodes marquées de baisse du marché. De ce fait, si notre indice de référence chute de 20 %, notre portefeuille Croissance ne se contractera que d’environ 8 %. Cette efficacité dans la limitation des pertes, que nous désignons par la capture de la baisse, affirme notre engagement envers une gestion du risque méticuleuse. Cela a été particulièrement évident dans notre valeur ajoutée au sein de notre segment actions en 2022. Notre objectif est de favoriser une croissance du capital qui soit proportionnelle au risque encouru sur le long terme, ce qui est à l’origine de notre règle du 80/40.

No 2 : La capacité à penser en termes de probabilité

Dans le cadre de notre conférence virtuelle annuelle et dans le Rapporteur Perspectives intitulé 2024, l’année de vérité, nous avons exposé quatre scénarios économiques accompagnés de leurs probabilités respectives de survenue. L’un de ces scénarios, jugé à 20 % de probabilité, concerne la résilience économique. Dans ce cas, l’inflation reste maîtrisée sans pour autant se rapprocher rapidement de l’objectif de 2 %. Parallèlement, la croissance économique se poursuit, empêchant ainsi les banques centrales de réduire promptement leur taux directeur.

L’examen du Sommaire des rendements — premier trimestre de 2024 révèle clairement que les marchés financiers reflètent ce scénario : le marché des actions affiche une excellente tenue, tandis que celui des obligations fait moins bonne figure, principalement en raison de la récente hausse des taux d’intérêt. Cette dernière est une conséquence directe de l’anticipation d’un nombre réduit de baisses de taux.

Au vu de ce qui précède, devrions-nous reconsidérer notre stratégie de portefeuille, actuellement axée sur la prudence ?

En adoptant une approche qui se fonde sur l’analyse probabiliste, notre réponse demeure négative. Fin mars, le ratio cours/bénéfice du S&P 500 se situait à 21, ce qui est largement supérieur au multiple moyen de 17 rapporté au cours des 30 dernières années. Historiquement, ce ratio se situe au 97e percentile, indiquant que la valorisation de cet indice a surpassé 21 à peine 3 % du temps2. Face à des taux d’intérêt qui pourraient rester élevés plus longtemps que prévu, l’attente d’une augmentation de 11 % du bénéfice par action du S&P 500 en 2024, passant de 220 $ à 244 $, s’avère optimiste. En effet, toute déception relative à cette croissance pourrait accroître la vulnérabilité du marché des actions, raison pour laquelle nous préférons conserver une approche prudente. En corollaire, dans une telle conjoncture, le marché obligataire pourrait se montrer avantageux, se positionnant comme une valeur refuge. Nous tenons à vous rappeler que nos portefeuilles modèles sont d’ores et déjà ajustés pour faire face à cette éventualité.

No 3 : La volatilité n’est pas synonyme de risque

Au début de l’année dernière, nous avions partagé avec vous Découvrez l’investissement à privilégier en 2023, une capsule vidéo démontrant pourquoi les actions privilégiées constituaient une occasion d’investissement exceptionnelle, semblable à celles de 2016 et 2019. Pour introduire le sujet, le gestionnaire de portefeuille Daniel Ouellet a judicieusement cité Warren Buffett : « La volatilité n’est pas le risque. Le risque est la probabilité de subir une perte de capital permanente3 ». À cette période, la pression sur les actions privilégiées était telle que le ratio rendement/risque était irrésistiblement attrayant. Par exemple, selon notre « principe du 3 pour 14 », une certaine catégorie d’actions privilégiées de la Banque Royale affichait un ratio rendement/risque impressionnant de 12 !

Aujourd’hui, nous récoltons pleinement les fruits du rebond anticipé de cette catégorie d’actifs. En consacrant 15 % du portefeuille obligataire aux actions privilégiées, nous avons d’emblée réussi à créer une valeur ajoutée légèrement supérieure à 3 %. Pour le segment des actions privilégiées en particulier, nous avons également enregistré un rendement supplémentaire proche de 4 % par rapport à l’indice de référence au cours du premier trimestre. Cette performance est principalement attribuable à deux facteurs.

Le premier concerne le resserrement des écarts de crédit, phénomène qui survient lorsque l’incertitude économique s’atténue. Le second découle de notre choix stratégique d’investir dans des actions privilégiées à taux révisable, ce qui implique que le dividende versé se recalibre en fonction des taux d’intérêt en vigueur. Dans un contexte où les taux d’intérêt sont en hausse, nos actions privilégiées provenant d’institutions financières telles que la Banque TD, la Banque de Montréal et la Banque Royale ont vu leur valeur s’accroître, bénéficiant d’un ajustement positif potentiel de leur dividende en juillet, période désignée pour cette révision du taux.

NOTRE GESTION DE PORTEFEUILLE

En début d’année, nous avions envisagé qu’une récession modérée constituait le scénario économique le plus probable, avec une probabilité estimée à 55 %. Aujourd’hui, nous nous trouvons à un moment charnière, où les données économiques au sud de la frontière semblent pointer vers un autre scénario, encouragés par un regain d’optimisme dans les marchés. Or, nous maintenons que le risque de récession reste important, confirmé tant par le signal d’alerte lancé par notre modèle prévisionnel que par les répercussions potentielles des augmentations successives des taux d’intérêt sur les dépenses des consommateurs et le refinancement des entreprises5.

C’est pourquoi notre intérêt reste vif pour les obligations, qui pourraient tirer avantage d’une baisse des taux d’intérêt dans le cas d’une récession modérée6. Nous avons donc réduit la part des actions privilégiées dans notre portefeuille obligataire, passant de 15 % à 11,5 %, au profit d’un renforcement de notre positionnement en titres obligataires. Pour ce qui est du portefeuille Croissance, notre niveau de liquidité demeure stable, se situant autour de 18 %, et nous avons effectué plusieurs transactions en ligne avec une approche prudente de gestion du risque. D’ailleurs, dans la section Annexe, vous trouverez un sommaire des transactions effectuées dans ce portefeuille au cours des trois premiers mois de l’année.

Nous avons commencé par vendre notre position dans McKesson (MCK), car le ratio rendement/risque n’était plus conforme à notre « principe du 3 pour 1 ». En outre, nous avons pris des profits sur certaines actions qui ont affiché d’excellentes performances et qui sont particulièrement sensibles aux cycles économiques, y compris des titres de banques américaines et l’action de Micron (MU), qui profite largement de l’engouement pour l’intelligence artificielle. Ensuite, nous avons augmenté nos investissements dans les actions de BCE (BCE.TO) et de Telus (T.TO), dont les projections de rendement sont toujours au rendez-vous.

Enfin, nous avons intégré une nouveauté à notre portefeuille : le fonds Fidelity Valeur mondiale à positions longues/courtes. Dirigé par Daniel Dupont, un gestionnaire de portefeuille à la réputation bien établie, ce fonds commun de placement cherche à exploiter les écarts de performance entre des actions jugées surévaluées et celles offrant de meilleures perspectives de rendement/risque, tout en conservant une exposition neutre au marché. Cette stratégie s’appuie sur l’application de méthodes combinées d’achats d’actions et de ventes à découvert7. Le succès de cette démarche dépend essentiellement d’une sélection rigoureuse des titres, notamment ceux qui montrent un potentiel de baisse important, conférant ainsi un biais baissier au fonds.

Comme vous pouvez le constater, bien que nous soyons à la croisée des chemins, les raisons évoquées précédemment nous incitent à maintenir le cap d’une gestion de portefeuille prudente. Cela ne nous empêche pas pour autant de générer des rendements plus que satisfaisants !

ANNEXE

TITRE TYPE DE TRANSACTION PRIX DATE
McKesson. (MCK) Vente totale 487,46 $ 19 janvier
Pfizer. (PFE) Ajout 28,19 $ 19 janvier
Marché monétaire américain (SHV) Ajout 110,42 $ 19 janvier
J.P. Morgan Chase (JPM) Vente partielle 184,11 $ 28 février
Manuvie (MFC.TO) Vente partielle 32,24 $ 28 février
Fonds Fidelity Valeur mondiale à positions longues/courtes (FID 2149) Achat initial - 28 février
Micron (MU) Vente partielle 118,37 $ 27 mars
BCE (BCE.TO) Ajout 46,44 $ 27 mars
Telus (T.TO) Ajout 21,50 $ 27 mars

Sources :

Ben Felix (2024). Do Stocks Return 10% on Average ? YouTube, 30 mars.

Morgan Housel (2022). A Few Good Stories. Collaborative Fund. 10 novembre 2022.

Morningstar (2022). Douze leçons sur l’argent (et la vie) de Warren Buffett et Charlie Munger. Les Affaires, 9 décembre

  1. Housel (2022)Return to footnote 1 referrer
  2. Felix (2024)Return to footnote 3 referrer
  3. Morningstar (2022)Return to footnote 5 referrer
  4. Le prix cible doit offrir un potentiel de rendement au moins trois fois supérieur au prix plancher.Return to footnote 7 referrer
  5. Ce que l’on appelle le délai de transmission.Return to footnote 9 referrer
  6. Il existe une relation inverse entre le taux d’intérêt et le prix d’un titre à revenu fixe.Return to footnote 11 referrer
  7. Cela consiste à vendre une action que l’on ne possède pas dans l’espoir de l’acheter à un cours plus bas pour réaliser un profit.Return to footnote 13 referrer

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