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La transition climatique aidera-t-elle à redynamiser l’investissement au Canada?

Malgré toutes les bonnes volontés issues de la COP26 cette semaine, le Canada a énormément de pain sur la planche. Le gouvernement fédéral estimait le volume d’émissions à 730 millions de tonnes de CO2 en 2019. L’objectif intérimaire du Canada est l’atteinte d’ici 2030 d’une réduction de 40 % à 45 % du niveau d’émissions par rapport à leur niveau de 2005. Selon les travaux de l’Institute for Sustainable Finance (ISF) de l’Université Queens, environ 25 % de l’effort de réduction devra provenir du secteur de l’extraction pétrolière et gazière, tandis qu’un autre 25 % visera le secteur du transport.

Il y a plusieurs trajectoires possibles pour en arriver à ces objectifs, mais trois grands incontournables ressortent de différentes simulations qui ont été effectuées pour identifier des sentiers possibles pour l’atteinte de la carboneutralité. D’abord, il faudra une augmentation de la consommation d’énergie propre (hydroélectricité, éolien, solaire), mais aussi d’électricité provenant d’autres sources moins communes à l’heure actuelle, comme les centrales nucléaires à petite échelle, les marémotrices, de même que de l’énergie provenant des carburants propres (hydrogène, biocarburants). Ensuite, il faudra une réduction de l’utilisation d’énergies fossiles, ce que permettra, notamment, le développement et l’utilisation des carburants propres à grande échelle. Un troisième incontournable est l’efficacité énergétique. Bien que ce facteur soulève moins l’excitation que les voitures électriques ou les aéronefs propulsés à l’hydrogène, les bâtiments constituent la troisième source d’émissions de CO2 au Canada.

Les chercheurs de l’ISF ont calculé des investissements de 201 G$ pour le restant de la décennie, si on veut espérer atteindre nos cibles de 2030. Cela peut sembler beaucoup, mais il ne s’agit pas d’un montant insurmontable. C’est encore moins que ce qu’on aura dépensé pour la pandémie (290 G$ selon les dernières estimations du gouvernement fédéral). De plus, contrairement à la pandémie, l’effort ne viendra pas majoritairement du secteur public. Le mouvement d’investissement ESG (environnement, société et gouvernance) a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années, et il risque de s’accélérer. La firme Bloomberg estimait plus tôt cette année qu’on pourrait atteindre 53 000 G$ US d’actifs mondiaux sous gestion dans les fonds ESG dès 2025. Il y a donc un fort volume de capital qui cherchera des opportunités d’investir dans des entreprises qui ont des modèles d’affaires durables, qui sont résilientes face à la transition ou qui sont même positionnées pour en bénéficier.

L’annonce de la mise sur pied de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) durant la COP26 constitue une nouvelle très encourageante parce que si l’engouement pour l’ESG ne se dément pas, les préoccupations quant au greenwashing se sont accumulées. Le terme greenwashing fait référence à la promotion que pouvaient faire certaines entreprises ou fonds d’investissement quant à leurs engagements climatiques, sans avoir à dévoiler des preuves de manière rigoureuse, complète et cohérente. Plusieurs normes de divulgation ont vu le jour au fil des années, mais le résultat a été l’équivalent d’une soupe d’alphabet de standards dans différentes régions du monde, ce qui rendait difficile la comparabilité. L’ISSB unira sous un même chapiteau plusieurs de ces standards et unifiera leurs principes. En prime pour le Canada et le Québec, un des bureaux de l’ISSB sera implanté à Montréal.

Il faudra véritablement espérer que ces nouvelles pourront insuffler un élan aux investissements en transition climatique au Canada, pour ne pas dire aux investissements tout court. Car force est de constater qu’on ne pourra pas vraiment compter sur le secteur énergétique : malgré la remontée des prix de l’énergie, les entreprises du secteur pétrolier et gazier anticipaient des dépenses en capital de seulement 22 G$ en 2021, soit 71 % de moins que le sommet de 2014. Le secteur, qui comptait pour près du tiers des dépenses canadiennes privées en capital en 2014, n’en représente même plus 10 % en 2021. Force est aussi de constater que malgré l’urgence climatique, l’investissement pour l’atteinte des cibles n’est pas venu combler le vide d’investissement du secteur énergétique. Au deuxième trimestre, l’investissement non résidentiel privé canadien était toujours en recul de 10 % par rapport à son niveau prépandémique. L’investissement des entreprises américaines a au contraire complètement récupéré. Si les développements survenus lors de la COP26 permettent d’insuffler un nouvel élan en la matière au Canada, cela constituera une nouvelle extrêmement encourageante. Il en va de l’atteinte des cibles, mais aussi de la capacité de l’économie canadienne à pouvoir enfin générer de la croissance ailleurs que dans le secteur résidentiel ou celui de l’extraction d’énergies fossiles.

Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège

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