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Quand les marchés mettent la Banque du Canada au défi

Les marchés exagèrent de plus en plus le sentier de politique monétaire escompté de la Banque du Canada (BdC). En conséquence, les obligations canadiennes de court terme ont été mises à mal depuis le début du mois. Le taux de l’obligation de deux ans a bondi de 11 points de base jeudi dernier, avec un changement dans l’obligation de référence ce jour-là, et aussi en réaction aux propos légèrement hawkish du gouverneur de la BdC. Cette hausse a été suivie d’un bond de cinq points de base le 7 octobre, avec le rapport de création d’emplois qui a largement dépassé les attentes, et au moment d’écrire ces lignes, vendredi matin, le taux de deux ans avait encore augmenté de sept points de base sur la semaine, pour atteindre 0,76 %. Il s’agit donc d’une hausse de 25 points de base depuis le 1er octobre, et l’écart entre les taux canadiens et américains de 2 ans s’est élargi de 15 points de base au cours de cette période. Les contrats à terme sur les acceptations bancaires ont également été nettement dépréciées, un mouvement qui a commencé il y a environ un mois. Le contrat de mars 2022 a bondi de 16 points de base depuis le 8 septembre et les marchés escomptent ainsi une probabilité élevée qu’une première hausse des taux directeurs soit décrétée d’ici mars prochain. En fait, sur les marchés des swaps indexés à un jour (OIS), une hausse d’ici la réunion d’avril 2022 est escomptée presque en entièreté, et le marché s’attend même à ce que la Banque relève les taux à au moins deux reprises l’année prochaine.

Il reste que le marché s’est un peu emballé, à notre avis. La BdC a clairement indiqué qu’elle lierait le relèvement des taux à la fermeture de l’écart de production. Il faudrait donc que la croissance dépasse ses attentes (ce qui n’a pas été le cas au deuxième trimestre), ou encore que la BdC réduise ses estimations de la croissance potentielle (évaluée à 1,5 % pour 2021 et à 1,3 % pour 2022). La croissance potentielle ayant été en moyenne de 1,8 % de 2020 à 2018, ces estimations étaient déjà assez prudentes. Pendant ce temps, la mesure de l’inflation de référence qui est liée à l’écart de production n’affichait que 1,8 % en août, renforçant probablement la conviction de la Banque quant au fait que l’économie dispose pour l’instant de ressources excédentaires, et que les pressions inflationnistes sont en bonne partie de nature temporaire.

Il est toutefois vrai que le gouverneur Macklem a reconnu l’existence d’une plus grande incertitude quant au dosage d’influences temporaires et persistantes affectant l’inflation. Le 6 octobre, M. Macklem a reconnu que la marge d’erreur de la Banque en matière d’inflation avait diminué, l’inflation ayant dépassé ses prévisions pendant la majeure partie de l’année. Mais il y a encore des raisons de penser que la Banque ne cédera pas aux appels à une approche plus agressive. Les aides fédérales de pandémie commenceront probablement à être abaissées progressivement au cours des prochains trimestres et une réaction décalée des taux d’insolvabilité demeure un risque important à surveiller. Pendant ce temps, la Réserve fédérale (Fed) sera elle-même en pleine réduction progressive de ses achats d’obligations au printemps prochain et il y a toujours le risque d’un nouveau taper tantrum durant ce processus, ce qui resserrerait les conditions financières au Canada également. N’oublions pas que les taux réels mondiaux ont encore un long chemin à parcourir à partir des niveaux anormalement bas qu’ils ont maintenus pendant la majeure partie de l’année. Puis il y a le cas du logement, de loin le segment de l’économie le plus sensible aux taux, et dans lequel une modération a déjà débuté depuis le printemps dernier. Des taux hypothécaires plus élevés constitueront un autre vent contraire pour l’immobilier. 

Cela dit, avec le manque de clarté sur de nombreux éléments critiques (ex. : la pandémie, la durée du choc d’approvisionnement mondial, les pressions sur les prix de l’énergie, le décaissement d’épargne, les salaires, etc.), il est loin d’être inconcevable que la BdC finisse par agir un peu plus tôt durant le second semestre de 2022. Mais à ce stade, il serait probablement question d’une réunion ou deux par rapport à notre dernière prévision qui tablait sur un début de resserrement en octobre 2022. Un devancement de deux trimestres semble exagéré. Ce que les investisseurs devraient probablement aussi se demander ces jours-ci, c’est si le découplage des banques centrales nord-américaines qui est actuellement escompté est sensé. Les marchés entrevoient environ 50 points de base de resserrement supplémentaire au Canada par rapport aux États‑Unis sur l’horizon allant à septembre 2023. Avec une sensibilité aux taux plus élevée au Canada qu’aux États-Unis, ce scénario nous apparaît discutable.

Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège

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