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La patience a ses limites. Même pour la Réserve fédérale!

C’est un petit coup de théâtre que nous réservait la Réserve fédérale (Fed) cette semaine, d’abord avec un ajustement sensiblement plus marqué que prévu des prévisions du taux des fonds fédéraux. La médiane des projections, qui ne signalait auparavant aucun relèvement des taux avant au moins 2024, montre désormais que les dirigeants voient non pas une, mais deux hausses de taux en 2023. Même pour 2022, on sent un FOMC (Federal Open Market Committee) plus divisé : ils étaient seulement 4 participants (sur 18) à anticiper des taux plus élevés à la fin de 2022, et voilà qu’ils sont passés à 7. Il n’en faudrait donc que 2 de plus pour déloger la médiane du niveau plancher pour 2022. Comme nous prévoyons que l’économie américaines restera très vigoureuse – nous anticipons même une croissance annualisée du PIB réel de 11,4 % au deuxième trimestre de 2021 – il n’est pas insensé de penser qu’en septembre, la médiane des prévisions des dirigeants se serait ajustée vers le haut pour 2022. Cela s’arrimerait avec notre scénario qui table sur un début de hausses de taux à la fin de 2022 aux États‑Unis.

On note que le président Jerome Powell a voulu minimiser l’importance des projections de taux, en réitérant qu’il s’agissait d’opinions individuelles des 18 membres, basées sur autant de scénarios économiques. C’est une histoire qui est loin d’être nouvelle : même l’ancienne présidente Janet Yellen avait imploré en 2014 de ne pas voir en ces projections le principal outil de communication prospective de la Fed. En 2019, Jerome Powell a carrément affirmé que ces projections semaient la confusion. Qu’à cela ne tienne, à peu près aucun observateur de la Fed ne s’est réellement défait de l’habitude de scruter attentivement le dot plot tous les trois mois. La Fed pourra faire la morale comme bon lui semble, mais il reste que tant qu’elle continuera de présenter ces projections, elles seront interprétées comme le portrait le plus fidèle des intentions du comité de politique monétaire.

Par ailleurs, les dirigeants ont finalement eu une discussion sur le bien-fondé de commencer les délibérations sur la réduction éventuelle des achats quantitatifs. Il s’agit d’une inflexion non négligeable dans le discours de Jerome Powell, lui qui avait souvent répété plus tôt cette année qu’il était prématuré de même songer à discuter de réduction d’achats. À tout le moins, on peut dire que le spectre d’un épisode de taper tantrum comme en 2013 effraie moins la Fed. Jerome Powell a mentionné que la Fed s’efforcerait autant que possible d’éviter une forte réaction de marché, mais que lorsque les conditions économiques militeraient en faveur de celle-ci, la réduction des achats aurait bel et bien lieu. Cette inflexion est rassurante, dans l’optique où elle aide à situer certaines balises quant au seuil de tolérance de la Fed face aux surprises sur l’inflation. On note en particulier que Jerome Powell s’est un peu moins cantonné dans la notion de pressions inflationnistes passagères cette semaine et a concédé que l’inflation pourrait être plus élevée et persistante que prévu. Tout cela étant dit, personne ne doute que la Fed demeurera assez accommodante et voudra continuer de favoriser la reprise la plus complète possible. Jerome Powell a de nouveau martelé la nécessité d’avoir accompli des progrès substantiels et a indiqué qu’on était encore loin du but à ce chapitre. Mais à tout le moins, la Fed semble mieux apprécier le fait qu’il y a eu du progrès non négligeable, et que les perspectives demeurent très robustes.

Du côté canadien, l’inflation a retenu l’attention cette semaine, atteignant son niveau le plus élevé en une décennie en mai, à 3,6 %. Nous avons noté comment 42 % des composantes du panier affichaient une variation annuelle supérieure à 3 %, une proportion inégalée depuis mars 2010. Ce que cela signifie également, c’est que les effets de l’année de référence continuent d’amplifier les résultats d’inflation. Par exemple, l’essence affiche une variation annuelle de 43 %. Si on comparait mai 2021 à mai 2019, on constaterait une augmentation d’à peine 0,7 %. Ce genre d’effet rend la lecture des données actuelles peu fiable, mais on sait que dès le mois de juin, les influences de l’année de référence vont se résorber. Là où l’incertitude porte plus, c’est sur le moment où prendront fin les goulots d’étranglement et problèmes d’approvisionnement qui entraînent les prix de plusieurs composantes en forte hausse. L’inflation pour les biens, qui progresse actuellement à plus de 4 %, pourrait ainsi mettre plus de temps que plusieurs ne le pensaient avant de se résorber. Pendant ce temps, dans les services, l’inflation est encore peu préoccupante (1,9 %), mais là aussi, la remontée de la demande qui s’amorce avec le déconfinement tend à suggérer que les risques sont davantage orientés à la hausse. Pour plusieurs entreprises de services, l’intrant le plus en demande à l’heure actuelle s’appelle la main-d’œuvre et si la pénurie actuelle persiste ou s’exacerbe, les salaires devront s’ajuster en hausse. Tout compte fait, les banques centrales ont souvent répété que les pressions inflationnistes étaient surtout transitoires, mais le changement de ton de la Fed cette semaine révèle que leur confiance en ce scénario est peutêtre mise à l’épreuve par les tendances actuelles.

Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège

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