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Malheureusement, nous devons jouer les trouble-fêtes

Cette semaine, le prix du pétrole brut WTI a brièvement chuté sous les 90 $ le baril pour la première fois depuis février. Aux États‑Unis, la baisse soutenue des prix du pétrole s’est accompagnée d’une augmentation de l’activité de raffinage, une réponse apparente à l’appel à produire davantage lancé par le président Biden en juin. Cette situation, conjuguée à une demande plus faible que prévu durant la saison estivale, a entraîné une chute impressionnante des prix de l’essence. Toujours au sud de la frontière, les prix à la pompe ont diminué pour une neuvième semaine consécutive, et selon l’AAA, ils ne sont que de 9 % supérieurs à ce qu’ils étaient avant la guerre en Ukraine.

Pour l’inflation, ce recul des prix de l’essence tombe à point. Il a été le principal moteur du ralentissement de l’inflation globale au Canada en juillet. Même si le prix de l’essence avait augmenté de 3 % par rapport à juin (plutôt que de baisser de 9,2 %), la variation annuelle aurait tout de même chuté par rapport à celle de 55 % en juin. On remarque là l’effet d’année de base que nous anticipions depuis l’an dernier, mais que les divers chocs de prix encaissés cette année ont retardé. Cet effet est non seulement désormais présent, mais il est amplifié par la baisse séquentielle des prix de l’essence, et la variation annuelle de cette composante a reculé à 35 % en juin.

Il s’agit de la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que la principale force désinflationniste du moment pourrait s’essouffler assez rapidement. Les prix du pétrole ont chuté en partie à cause des craintes d’une récession, mais peut-être surtout de la résilience de l’offre russe. Celle-ci a baissé cette année, mais moins que prévu, la Russie ayant réussi à atténuer l’impact des sanctions occidentales grâce à ses exportations vers l’Inde et la Chine. Ces deux pays reçoivent plus de 40 % des exportations de pétrole russe, soit près du double d’il y a un an. Toutefois, les dernières données suggèrent que leur appétit pour le pétrole russe pourrait faiblir.

Il y a aussi l’embargo de l’Union européenne (UE) sur les importations de produits pétroliers bruts et raffinés russes. Il entrera en vigueur en décembre prochain et il exercera une pression sur la demande auprès des autres fournisseurs.

La situation risque de se corser à l’automne, d’autant plus que la ruée vers le gaz naturel en Europe, dans un contexte de pénurie, pourrait pousser les fournisseurs d’électricité à se tourner de nouveau vers le pétrole. Pour tenter d’empêcher une nouvelle flambée des prix, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a mis de l’avant l’idée de plafonner les prix pour permettre au pétrole russe de continuer à être exporté. Mais une telle mesure serait politiquement périlleuse et difficile à appliquer.

Ailleurs du côté de l’offre, l’OPEP+ continue à n’augmenter que modestement ses objectifs de production – objectifs que de nombreux pays producteurs avec une faible capacité de réserve ont, de toute façon, déjà du mal à atteindre (graphique). Quant à eux, les producteurs nord-américains continuent de s’appliquer à générer des dividendes plutôt qu’à augmenter une capacité de production que la transition énergétique finira par rendre caduque.

Les espoirs d’un nouvel accord nucléaire entre l’Iran et les pays occidentaux ont également contribué à la récente accalmie du côté des prix du pétrole. Si un tel accord devait être signé, l’expérience après la conclusion de l’accord initial de 2015 sous l’ex‑président Obama, laisse croire que l’Iran pourrait augmenter sa production de pétrole assez rapidement.

Mais on parle ici d’un pays qui a enrichi 18 fois plus d’uranium que la quantité autorisée dans le cadre de cet accord depuis que l’ex‑président Trump s’est retiré. Téhéran cherche à protéger ces avancées et à obtenir des garanties que l’allégement des sanctions résistera aux changements de présidence aux États‑Unis. Même si l’UE a qualifié les discussions de constructives cette semaine, le Congrès américain devrait approuver un éventuel accord, ce qui s’annonce difficile compte tenu des demandes de l’Iran. Et même si on y parvenait, il faudrait probablement des mois avant de voir l’offre supplémentaire se matérialiser sur le marché.

Une dernière remarque sur le raffinage et son rôle dans la baisse des prix de l’essence. L’accroissement de la production a fait passer l’utilisation de la capacité de raffinage au-delà des 90 %. Dans ces circonstances, un nouvel élargissement des marges de raffinage n’est pas difficile à imaginer. Tout compte fait, cela signifie que les risques de nouvelles pressions à la hausse sur les prix de l’essence demeurent réels, d’autant plus que les consommateurs continuent de voyager et de dépenser.

Ainsi, même si nous n’aimons pas jouer les trouble-fêtes, nous sommes d’avis que cet inconfort ressenti lors du paiement à la pompe n’est pas près de disparaître. On peut toujours se consoler en songeant à d’autres trouble-fêtes qui, plus tôt cette année, soutenaient que le baril de pétrole allait atteindre les 200 $. Ça, nous ne le prévoyons pas. Conduisez prudemment!

Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège

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