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La Banque du Canada va-t-elle attraper un « couteau qui tombe »?

Les banques centrales ont essuyé des critiques pour avoir adopté une approche réactive plutôt que proactive dans l’élaboration de leurs politiques. La Banque du Canada (BdC) ne fait pas exception. L’institution a, dès le départ, été à la traîne dans son adaptation aux conditions macroéconomiques changeantes. Début 2020, le Conseil de direction de la BdC a mis deux semaines de plus que ses pairs pour réagir énergiquement à la pire détérioration de l’activité économique depuis la Grande Dépression. Plus tard, même si les marchés financiers se stabilisaient et que l’économie reprenait du poil de la bête, la BdC a continué ses achats massifs d’obligations souveraines par son programme d’assouplissement quantitatif dans une tentative futile d’ajouter à la stimulation. Maintenant que l’inflation a atteint des sommets, elle resserre sa politique plus rapidement que tous ses pairs en relevant ses taux directeurs et en délestant son bilan. Le mode « rattrapage » n’a donc rien de nouveau pour la BdC. Mais être à la traîne est risqué pour les décideurs monétaires.

Les hauts fonctionnaires du 234 rue Wellington à Ottawa devraient être résolument tournés vers l’avenir lorsqu’ils prennent leurs décisions. Sur son site Web et dans ses publications, la BdC répète que les politiques monétaires prennent du temps à se faire sentir, et qu’elle doit donc se fonder « sur le taux d’inflation qu’elle juge probable à l’avenir et non sur celui qu’elle observe au moment de la prise de décision ». Personne ne lui reprochera de n’avoir pas prévu une pandémie. Mais ses réactions tardives, d’abord pour ajouter des mesures de stimulation, puis pour les doser et les lever par la suite sont plus difficiles à excuser.

Le symposium économique de Jackson Hole, qui s’est tenu la semaine dernière, a montré à quel point les décideurs du monde entier se focalisent entièrement sur la flambée actuelle de l’inflation. Pourtant, tant les analystes du secteur public que ceux du privé croient que l’inflation a atteint un pic en Amérique du Nord et que les anticipations inflationnistes commencent à s’estomper. La BdC est-elle en train d’attraper le proverbial « couteau qui tombe » en continuant de hausser agressivement ses taux d’intérêt?

Selon la théorie conventionnelle, il faut de six à huit trimestres pour voir les effets des hausses de taux se matérialiser pleinement dans l’économie. Seuls deux trimestres se sont écoulés depuis que la BdC a annoncé sa première hausse de 25 points de base, et à peine deux mois depuis qu’elle a secoué les marchés avec une hausse de 100 points de base. Même si l’élan économique n’a pas été drastiquement freiné, nous avons encore bien peu de recul pour évaluer quel impact les taux d’intérêt plus élevés ont sur l’économie.

Ainsi, s’il n’est pas impossible que le gouverneur Macklem relève le taux directeur de seulement 50 points de base, il est plus probable que la BdC annoncera une hausse de 75 points de base – ce à quoi s’attend le marché. La BdC court donc manifestement un risque ici. Cela dit, devant la persistance et l’ampleur de l’inflation, l’économie en court un elle aussi – celui de voir s’enraciner les anticipations d’inflation élevée. Résoudre un tel problème pourrait s’avérer beaucoup plus douloureux que la légère récession que nous avons envisagée. La BdC fait peutêtre preuve d’un optimisme prudent en supposant que l’inflation amorce un lent retour à la cible, mais elle ne croit probablement pas trop en cette prévision. Ainsi, si elle est sur le point d’attraper un couteau qui tombe, c’est peut-être parce qu’elle est prête à perdre quelques doigts pour sauver l’économie d’un destin encore plus cruel.

Par Royce Mendes, directeur général et chef de la stratégie macroéconomique

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