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L’exode vers la banlieue ne se transformera pas en exode vers les États-Unis

Cette semaine, nous avons publié un Point de vue économique traitant de la surchauffe immobilière canadienne vécue en pandémie et exposant nos anticipations pour la suite des choses. La surchauffe immobilière fait évidemment le bonheur de ceux qui sont propriétaires depuis un certain temps, mais cela vient au détriment de l’accès à la propriété, comme le démontre l’Indice d’abordabilité Desjardins. Pas étonnant que la possibilité d’effectuer du télétravail à temps plein durant la pandémie ait occasionné une ruée vers des marchés de l’habitation plus abordables. Or, la montée vertigineuse des prix dans certains marchés a rapidement érodé l’avantage d’abordabilité. Les taux hypothécaires qui continueront de monter tranquillement vont également constituer un frein. Beaucoup de premiers acheteurs potentiels deviendront alors à court d’options, et certains sont allés jusqu’à évoquer l’idée que le Canada était à risque d’un exode de population vers les États‑Unis. Après tout, une maison typique à Raleigh, en Caroline du Nord, coûte à peine 333 000 $ US selon le site Zillow.com, alors que le prix moyen d’une propriété dépasse 1 M$ CAN du côté de Vancouver ou de Toronto.

L’exode vers la banlieue se transformera-t-il en exode vers les États‑Unis? C’est là qu’il faut éviter de glisser dans l’exagération. D’abord, pour une famille de Toronto ou Vancouver cherchant à accéder au marché immobilier résidentiel, nul besoin de se sauver en Caroline du Nord. Pourquoi pas Halifax, où le prix moyen d’une propriété avoisine un peu plus de 450 000 $, ou encore Moncton, une véritable aubaine à 261 000 $? Les travailleurs de Toronto ou de Vancouver ayant la capacité d’effectuer leur travail à distance de façon permanente (qui plus est, aux salaires de ces villes) n’ont pas besoin de s’exiler du pays pour trouver des propriétés plus abordables à acheter. Mais plus fondamentalement, il faut se demander : si l’accessibilité au logement était un déterminant si important dans les flux migratoires, n’aurait-on pas vu un important exode en 2016 et en 2017, lorsque la variation annuelle des prix des maisons dépassait les 30 % dans les marchés de Vancouver et de Toronto? Selon cette même logique, New York, San Francisco, Londres et Paris seraient des villes désertes à l’heure actuelle. Nul besoin de dire que le problème de cherté aurait été vite réglé!

Il faut donc éviter de confondre les causalités : les villes dispendieuses le sont parce que beaucoup de gens veulent y habiter. Ce ne sont pas les coûts de propriété qui dictent en premier lieu là où la population veut s’installer. Une étude de Statistique Canada auprès des chômeurs faisait comme constat que les deux tiers d’entre eux refuseraient de déménager s’ils recevaient une offre d’emploi dans une autre province, évoquant en grande majorité des motifs familiaux ou sociaux. C’est donc dire que même pour un groupe dans le besoin (chômeurs), ces attaches sont assez fortes pour que la majorité ne soit pas intéressée à déménager dans une autre province. Il y a fort à parier qu’il en va de même pour les personnes vivant dans les marchés où le coût de la vie est élevé. Des enfants à l’école, des proches sur lesquels il faut veiller, un réseau social et familial bien établi, autant de facteurs qui ont une incidence sur la mobilité géographique et dont on fait abstraction lorsqu’on considère uniquement des paramètres financiers (ex. : prix des maisons, revenus, impôts, etc.).

Il reste tout de même, dans l’état actuel des choses, que les jeunes acheteurs pourraient devoir accepter d’attendre plus longtemps avant de devenir propriétaires. Et lorsqu’ils auront finalement la chance d’accéder à la propriété, ils devront y accorder une part sensiblement plus importante de leur budget. Dans certaines villes, comme Toronto, de plus en plus de ménages devront vraisemblablement à jamais faire une croix sur la détention d’une propriété. Dans certains pays, comme l’Allemagne ou la Suisse, être locataire constitue une norme tout à fait acceptable, mais la culture nord‑américaine promeut généralement l’inverse. L’augmentation de l’endettement des ménages canadiens démontre d’ailleurs à quel point ceux-ci sont prêts à sacrifier d’autres dépenses pour être propriétaires. La détérioration de l’abordabilité pourrait néanmoins forcer un changement dans les mentalités.

Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège

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