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Y a-t-il encore quelqu’un qui craint la déflation?

On a du mal à trouver quelqu’un qui prononce le fameux mot en « d » ces jours-ci. C’est qu’il y a eu un pivot à 180 degrés dans la perception des risques liés à l’inflation depuis environ un an. La reconfiguration inédite du profil de la demande agrégée a eu pour résultat des pénuries un peu partout, que ce soit dans les semi-conducteurs, le bois, l’acier, les véhicules d’occasion, les maisons unifamiliales, sans oublier… les travailleurs. Habitués à regarder vers l’avant, les marchés ont depuis un certain temps anticipé les implications inflationnistes. De nombreux indicateurs signalent que les anticipations d’inflation des consommateurs et des entreprises augmentent également, même si elles ne sont pas encore à des niveaux alarmants.

Pas étonnant donc que personne ne s’inquiète d’un scénario semblable au Japon. Pourtant, cet épisode reste pertinent, car il rappelle le danger des excès. Dans les années 1980, l’inflation était en moyenne de 2,5 % au Japon, un niveau très sain. L’environnement qui a précédé la fameuse Décennie perdue au Japon était caractérisé par des taux bas, une frénésie immobilière et une forte spéculation sur les marchés boursiers. La Banque du Japon a lancé une campagne de resserrement monétaire en 1989, qui a provoqué l’éclatement des bulles immobilières et boursières, déclenchant une récession et une longue période de déflation.

Un tel scénario pourrait-il se produire en Amérique du Nord? Les probabilités sont faibles à court terme. Cependant, à plus long terme, l’ingrédient-clé d’un tel scénario serait des politiques budgétaires trop axées vers la stimulation de la demande et pas assez orientées vers l’augmentation de l’offre. Par conséquent, une surestimation de la trajectoire de l’offre agrégée par les banques centrales impliquerait que la résurgence de l’inflation et des anticipations d’inflation s’avérerait persistante. Les hausses de prix risqueraient ainsi de s’éloigner davantage des cibles des banques centrales. Compte tenu d’une inflation plus élevée et d’une poursuite de l’exubérance sur les marchés d’actifs, les banques centrales entreprendraient une normalisation des taux, mais il y a de fortes chances qu’elles agiraient initialement avec beaucoup de prudence. Vu l’endettement élevé, une normalisation graduelle serait probablement une approche justifiable. Toutefois, dans un scénario plus pessimiste, cette prudence serait plutôt une erreur de calcul : le dosage de stimulation économique resterait trop élevé, poussant les anticipations d’inflation à des niveaux encore plus élevés, entraînant les taux d’intérêt et les coûts d’emprunts davantage en hausse. Les banques centrales seraient alors inclinées à resserrer la vis pour tenter d’endiguer toutes ces pressions, et comme cela a souvent été observé dans des cycles précédents, un point de bascule serait atteint et une récession serait provoquée. Un tel scénario serait particulièrement douloureux pour les marchés financiers, qui ont été habitués à des taux d’intérêt très bas et à une abondance de liquidités ces dernières années. Avec une dette publique et des coûts de service de la dette plus élevés, les gouvernements seraient alors hésitants, ou encore incapables d’offrir le même type de soutien aux revenus des ménages qu’ils l’ont fait pendant la pandémie. Par conséquent, le désendettement évité lors de la crise pandémique se concrétiserait de manière résolue. La politique monétaire reviendrait rapidement à une position ultra-accommodante, mais le désendettement en diminuerait l’efficacité. Compte tenu du niveau d’endettement, notamment au Canada, le cycle suivant serait assurément laborieux.

La bonne nouvelle est que ce scénario peut être évité. La clé sera de limiter la portée des déséquilibres entre l’offre et la demande et de limiter les excès sur les marchés financiers. Le meilleur moyen pour cela demeure des politiques gouvernementales axées sur le renforcement de l’offre, ce qui signifie des éléments comme la réorientation des travailleurs affectés par la pandémie vers des secteurs à haute productivité, la réduction des disparités démographiques sur le marché du travail, la stimulation de l’immigration, la création d’entreprises et les investissements des entreprises, ainsi que des investissements publics judicieux. Il est encourageant de constater que les gouvernements sont pleinement conscients de ces enjeux, et plusieurs initiatives prometteuses ont été récemment annoncées. La réussite de celles-ci permettrait non seulement d’écarter un scénario à la japonaise mais de résoudre plusieurs des déséquilibres existants.

Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège

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