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Une chute du PIB qui recèle bien des développements

La vie est pleine de surprises. Les comptes économiques aussi! Ces derniers ont fait état d’une contraction inattendue du PIB réel canadien au deuxième trimestre (-1,1 % en termes annualisés, comparativement à une prévision consensuelle de 2,5 %). En temps normal, pour une donnée comme le PIB trimestriel, ce genre d’écart est hautement inhabituel vu la disponibilité de plusieurs indicateurs de haute fréquence fiables que les prévisionnistes ont sous la main pour effectuer leur estimation. Or, ces indicateurs ont visiblement manqué de précision. L’estimation préliminaire de Statistique Canada elle-même, publiée à peine un mois plus tôt, s’est avérée significativement erronée. Avant la crise, l’écart moyen entre la prévision médiane du consensus et le résultat se situait à 0,3 point de pourcentage en valeur absolue. Depuis la pandémie, cet écart moyen a bondi à 2,8 points de pourcentage. Étant donné les bouleversements qui continuent d’affecter l’économie, il faudra peut-être s’habituer à de tels écarts encore un certain temps.

On peut pointer du doigt les conséquences de la pandémie pour expliquer le revers du deuxième trimestre, mais pas nécessairement les confinements. On constate que la consommation a augmenté de 7,3 % dans les services, pourtant les plus vulnérables aux restrictions sanitaires. Malgré celles-ci, les ménages canadiens ont renoué avec les voyages, avec une solide croissance de 28,8 % des dépenses réelles dans le transport aérien. Les dépenses en services de boissons alcoolisées ont également connu une hausse marquée au printemps, de l’ordre de 22,2 %. Le parcours d’une certaine équipe de hockey et la tenue de l’euro y ont vraisemblablement contribué, de même que la baisse des cas et l’augmentation des déplacements. Dans le seul mois de juin, le secteur de l’hébergement et de la restauration a vu son PIB bondir de près de 15 %.

Ce sont plutôt les effets de la pandémie sur les secteurs producteurs de biens qu’il faut blâmer en premier lieu. Par exemple, dans la fabrication de matériel de transport, la production a chuté de près de 25 % en termes annualisés au deuxième trimestre. Plus spécifiquement dans la fabrication automobile, une contraction de 43 % du PIB a été répertoriée, qui est d’ailleurs allée de pair avec la forte baisse de près de 48 % des exportations de véhicules. À son tour, celle-ci a mené à la chute de 15 % des exportations, principal contributeur à la baisse dans les composantes du PIB.

Deuxième coupable : le marché immobilier résidentiel. La baisse du nombre de transactions au deuxième trimestre a entraîné une contraction de 54,2 % des coûts de transfert de propriété, qui a entièrement effacé les gains enregistrés dans la nouvelle construction et les rénovations pour mener l’investissement résidentiel à une chute de 12,4 %.

Il y a un dénominateur commun entre les deux plus grands éléments à la baisse dans les données du PIB : une insuffisance de l’offre. Dans la fabrication d’automobiles, il est question des pénuries de composantes, notamment les puces électroniques. Dans le marché de l’habitation, il manque carrément de propriétés à vendre, ce qui contribue à l’essoufflement des transactions.

La Banque du Canada (BdC) s’apprête à publier son prochain communiqué de presse mercredi et le gouverneur Tiff Macklem prononcera un discours jeudi. Pour une banque centrale, les implications d’un ralentissement causé par la demande et d’une faiblesse causée par l’offre sont diamétralement opposées. À ce stade-ci, il y a peu de signes qui pointent vers un ralentissement de la demande des consommateurs, c’est plutôt même le contraire. Si vous croyez que l’augmentation des dépenses en services était forte au deuxième trimestre, dites-vous que les services ont encore un manque à gagner de 13 % par rapport à leur tendance prépandémique et les consommateurs ont de nouveau augmenté leurs épargnes au deuxième trimestre. Il y a donc encore beaucoup d’essence dans le réservoir.

En ce qui concerne les freins à la production que constituent les problèmes d’approvisionnement, ils ne semblent pas près de disparaître de sitôt. Et l’issue ultime est sans équivoque : une poussée de l’inflation. Cette poussée s’observe désormais même en Europe, où elle a atteint 3,0 %, semant d’ailleurs une certaine discorde chez les dirigeants de la Banque centrale européenne cette semaine. Derrière leurs images publiques calmes et posées, on se doute que les dirigeants de la BdC ont probablement également de vigoureux débats internes, notamment devant le constat de pressions inflationnistes qui sont de plus en plus généralisées à travers le panier de consommation.

Nous ne pensons donc pas que la BdC sera ébranlée par les données de cette semaine. En réalité, la volatilité dans l’offre comme dans la demande est telle qu’on ne peut plus se rabattre sur de vieux réflexes interprétant quelconque ralentissement comme étant presque exclusivement un problème de demande. La BdC devrait voir juste mercredi, et ainsi maintenir le cap vers une stabilisation de son bilan dans les prochains mois.

Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège

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