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Chômage de longue durée : le temps commence à presser

Les données de création d’emplois font l’objet d’un vif intérêt, peu importe les circonstances. Toutefois, en ce contexte de reprise postpandémique, nous portons une attention particulière à la problématique du chômage de long terme. Les statistiques portant sur le mois d’août révèlent que 394 000 personnes étaient en chômage pour une durée de six mois ou plus au Canada, ce qui représente 27 % des chômeurs. Parmi ceux-ci, presque les deux tiers étaient dans cette situation depuis plus d’un an.

Le chômage de long terme est un enjeu crucial. Il y a eu une abondance de documents de recherche démontrant un fort lien négatif entre la durée du chômage et l’employabilité. Plus les gens sont en chômage ou en inactivité pendant une longue période, plus la valeur de leur expérience d’emploi et de leurs compétences diminue aux yeux d’employeurs potentiels, et donc plus ils ont de la difficulté à réintégrer le marché du travail. Ce cercle vicieux peut être difficile à briser. Les États‑Unis en sont la preuve, alors qu’il a fallu compter dix ans après le début de la Grande Récession pour que la différence entre la mesure élargie1 et la mesure traditionnelle du chômage revienne à son niveau précédent.

Les comparaisons avec 2008‑2009 s’arrêtent toutefois là. Sur la question des emplois disponibles, c’est même le jour et la nuit. Aux États‑Unis, les dernières statistiques font état de 10 900 000 postes vacants en juillet, un record depuis le début de la série chronologique en 2001. Le taux de postes vacants atteint également un record, à 4,7 %. Au Canada, les dernières données sur les postes vacants affichent un niveau de 815 600 en date de juin, pour un taux de postes vacants encore plus élevé qu’aux États‑Unis, à 5,0 %. Le taux atteint 5,8 % au Québec et même jusqu’à 6,0 % en Colombie-Britannique.

Avec autant d’emplois disponibles et autant de chercheurs d’emplois, pourquoi les dernières statistiques de création d’emplois n’ont-elles pas eu plus de mordant? Plusieurs facteurs sont en cause. D’une part, les emplois disponibles ne sont pas tous nécessairement attrayants. Au Canada, le secteur de l’hébergement et de la restauration affiche le plus haut nombre de postes vacants, suivi de la santé et du commerce de détail. Dans bien des cas, il s’agit de postes à bas salaires, ou avec d’autres conditions qui pourraient être jugées moins attrayantes (ex. : horaires, exigences physiques, distance, etc.), particulièrement dans un contexte où les chercheurs d’emplois ont l’embarras du choix. Aux États‑Unis, par exemple, une enquête de ZipRecruiter menée au printemps dernier démontrait que 70 % des chercheurs d’emplois précédemment employés dans le secteur de l’hôtellerie et des loisirs tentaient de décrocher un poste dans un secteur d’activité différent.

Les craintes liées au contexte de pandémie constituent un autre empêchement. Certaines personnes ne sont pas à l’aise avec l’idée de retourner travailler en présentiel dans des environnements où le risque d’éclosion est plus élevé, surtout au moment où sévit le variant Delta. La COVID‑19 a aussi eu d’autres effets pervers, par exemple en perturbant les services de garde d’enfants, forçant plusieurs parents à demeurer à la maison.

Le retour aux études de certains travailleurs affectés par la pandémie est aussi un élément à considérer. Une étude de Statistique Canada faisait récemment état d’une augmentation du taux de fréquentation d’un établissement postsecondaire par les jeunes femmes durant l’année scolaire 2020‑2021. Les femmes de 17 à 24 ans ont été particulièrement touchées par les pertes d’emplois durant la pandémie, étant surreprésentées dans les secteurs comme l’hébergement et la restauration ou le commerce de détail. Avec la disponibilité de programmes d’études en virtuel lors de la dernière année scolaire, plusieurs d’entre elles semblent en avoir profité pour retourner sur les bancs d’école. Sur le plan statistique, elles sont passées de chômeuses à inactives. Toutefois, pour un employeur qui cherche à pourvoir des postes, l’effet est le même.

Enfin, il y a le cas très controversé des programmes bonifiés de soutien au revenu. Durant la semaine du 9 août, on ne comptait pas moins de 1 900 000 personnes recevant des prestations régulières d’assurance-emploi, pendant qu’un peu plus de 781 000 personnes bénéficiaient de la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE). Le 30 juillet, le gouvernement fédéral a annoncé une nouvelle prologation de ces mesures. Ces programmes permettent ainsi aux bénéficiaires de prendre davantage leur temps avant de réintégrer la population active. Ces mesures exceptionnelles arriveront néanmoins tôt ou tard à échéance, ce qui pourrait alors amener un sentiment d’urgence à décrocher un emploi pour certains chômeurs et inactifs. Même si cela peut sembler une bonne nouvelle pour la création d’emplois, encore faut-il espérer que leur employabilité n’ait pas été trop affectée.

Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège

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