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La Banque du Canada est-elle vraiment plus pressée de normaliser que la Réserve fédérale?

La Banque du Canada (BdC) fera son annonce de politique monétaire mercredi prochain, après avoir attiré l’attention à l’international lors de sa réunion d’avril. Elle avait alors commencé la réduction de ses achats d’actifs et ouvert la porte à des hausses de taux initiales dès la seconde moitié de 2022. Depuis, la Banque de réserve de la Nouvelle‑Zélande lui a emboîté le pas en signalant des hausses potentielles dès la mi‑2022, tandis qu’un nombre croissant de dirigeants de la Réserve fédérale (Fed) se sont récemment dits prêts à entamer les délibérations sur la réduction des achats au cours des prochaines réunions. Cela dit, à moins d’un nouveau signal provenant de la BdC, on peut s’attendre à ce que celle-ci continue d’être perçue comme étant l’une des banques centrales les plus empressées de normaliser sa politique parmi les pays avancés. Dans l’état actuel des choses, les marchés escomptent une probabilité d’au-delà de 50 % que la BdC entame son cycle de resserrement dans environ un an. Cela nous paraît toutefois prématuré à la lumière des communications récentes, notamment celles qui portent sur la reprise du marché du travail.

L’édition de mai de l’Enquête sur la population active a fait état d’un nouveau recul de l’emploi, alors que plusieurs provinces ont resserré leurs mesures de restriction sanitaire. Les disparités demeurent importantes, l’emploi des femmes âgées de 25 à 54 ans restant encore 1,4 % sous son niveau d’avant la pandémie, alors que celui des hommes du même âge est 0,6 % au-dessus. Les restrictions sévères ont également retardé la reprise de l’emploi pour les jeunes, l’emploi chez les travailleurs âgés de 15 à 24 ans étant 11,1 % inférieur à son niveau prépandémique, ce qui se compare à un retard de seulement 0,4 % pour ceux âgés de 25 à 54 ans. Les disparités restent apparentes lorsqu’on examine l’emploi par tranche salariale : l’emploi pour les professions faisant partie du dernier quartile de distribution des salaires horaires accuse un retard de plus de 10 % par rapport à février 2020. En fait, les travailleurs dans les professions à faibles revenus ne représentent plus que 51 % de l’emploi, contre 57 % en février 2020.

Ces variables ont été mises en relief par la BdC lors de communications récentes. Dans un discours prononcé au début du mois de mai, le gouverneur Tiff Macklem a reformulé les indications prospectives de la BdC en termes de la réalisation d’une « reprise complète », qu’il a décrite comme étant des conditions saines sur le marché du travail pour les personnes les plus touchées (personnes à faible revenu, femmes, jeunes, personnes racialisées). Tiff Macklem a également réaffirmé son point de vue selon lequel il fallait examiner les indicateurs du marché du travail à un niveau plus désagrégé compte tenu des divergences causées ou exacerbées par la pandémie. Les arguments de diversité et d’inclusion offerts par la BdC ne sont donc pas radicalement différents de ce qu’on a entendu du côté de la Fed : rappelons que le nouveau cadre de politique monétaire qu’elle a adopté en août 2020 énonce que « le plein emploi constitue un objectif large et inclusif », et le président Jerome Powell a souvent fait référence au suivi d’un « large éventail d’indicateurs » pour évaluer les progrès vers cet objectif.

La perception persistante d’une BdC un peu plus empressée que la Fed provoque des effets indésirables. Le dollar canadien a atteint un sommet de six ans contre le billet vert cette semaine, et bien que la divergence des anticipations concernant l’horizon de relèvement des taux pour chaque banque centrale ne constitue qu’un facteur, cela n’aide certainement pas. Les marchés semblent prévoir un début de resserrement plus hâtif au Canada en partie en raison du fait que la BdC a amorcé la réduction de son programme d’assouplissement quantitatif bien avant la Fed. Nous sommes en désaccord avec ce point de vue, étant donné la similitude des signaux de fonction de réaction envoyés par les deux banques centrales et le fait que la décision de réduire aussi rapidement l’assouplissement quantitatif au Canada avait des fondements liés au fonctionnement des marchés. La forte empreinte de la BdC sur le marché obligataire canadien avait quelque peu nui à ce fonctionnement en 2020, un enjeu qui est beaucoup moins problématique sur le marché des titres du Trésor américain étant donné sa taille.

Au bout du compte, nous ne pensons pas que la décision plus précoce de la BdC au sujet des achats d’actifs devrait être considérée comme le signe d’une fonction de réaction différente de celle de la Fed en ce qui a trait aux taux d’intérêt. L’une des façons dont la BdC pourrait être encline à mieux faire comprendre ce point (et peut-être aider à freiner les ardeurs du huard) serait notamment de souligner que ses indications prospectives signalent que la seconde moitié de 2022 constitue l’horizon le plus court en vue d’une première hausse, et non pas une garantie que celle-ci se produira à ce moment-là. Le discours du sous‑gouverneur Timothy Lane le 10 juin sera une bonne occasion pour la BdC de mettre certaines choses au clair.

Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège

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