La fin du carry trade et de nouvelles craintes de récession créent une onde de choc sur les marchés mondiaux
Les marchés boursiers mondiaux ont fortement chuté le vendredi 2 août dernier à la suite de la publication de données décevantes sur l’emploi aux États-Unis. Le mouvement s’est poursuivi le lundi 5 août. La chute des marchés s’est accompagnée d’une forte diminution des taux obligataires américains et mondiaux ainsi que d’une importante révision des anticipations de baisses de taux directeurs. Ce mouvement a créé une onde de choc sur les marchés japonais, déjà fortement pénalisés par l’importante appréciation du yen.
L’indice japonais Nikkei 225 a ainsi perdu près de 12,5 % lundi le 5 août avant de rebondir de plus de 10,0 % le lendemain. La baisse cumulative pour l’indice américain S&P 500 s’approchait de 9,0 %, tandis que le NASDAQ reculait de 22 % au plus fort de la tempête. La volatilité calculée par l’indice VIX a bondi lundi, atteignant brièvement son plus haut niveau depuis la crise du début de la pandémie. Au moment d’écrire ces lignes, les indices boursiers américains étaient en voie de reprendre la majeure partie des pertes affichées.
Un fait important à remarquer est l’absence anormale de volatilité sur les marchés financiers depuis le début de l’année 2024. En date du 30 juin, l’indice S&P 500 n’avait pas reculé de 2 % ou plus depuis plus de 350 jours, soit l’accalmie la plus longue depuis février 2018. La question qui tue : avons-nous assisté à une correction normale de marché, ou est-ce le début de problèmes fondamentaux plus importants?
Si les marchés étaient calmes en cette première moitié de 2024, c’est surtout parce que les investisseurs n’en avaient que pour l’inflation, les dépenses de consommation et l’emploi, dont tous les chiffres corroboraient la stratégie de la Fed en annonçant un atterrissage en douceur exceptionnellement rare. On s’attendait à ce que l’inflation revienne à la normale pendant que l’économie poursuivait sa croissance.
Il est aussi important de noter que les longues périodes de calme relatif sur les marchés se terminent souvent par un retour à la réalité observable dans l’indice de volatilité des marchés boursiers (VIX), l’indice de volatilité des marchés obligataires (MOVE) et l’indice de volatilité des marchés de devises (CVIX). Les moments de paix sur les marchés financiers ne durent pas éternellement. S’il faut rester à l’affût de ces mouvements normaux sans paniquer, il est aussi important de respecter notre processus d’investissement, de maintenir la diversification des portefeuilles et de s’adapter à l’environnement qui nous entoure.
Les récents mouvements des marchés paraissent en partie liés à un retour en force des craintes d’une récession aux États-Unis qui pourrait engendrer d’importantes conséquences sur l’économie mondiale. Alors que les taux américains diminuaient et que le yen poursuivait sa progression, les flux de capitaux découlant d’un désinvestissement de la stratégie d’opération spéculative sur écart de rendement (carry trade), qui vise à emprunter à des taux bas au Japon afin d’investir dans d’autres instruments financiers pour obtenir des rendements plus élevés dans d’autres devises, ont fait bondir la volatilité. Selon la banque JPMorgan, le dénouement du carry trade est maintenant terminé à environ 75 %, c’est-à-dire que la majorité des transactions spéculatives ont été retirées.
Les prix de plusieurs matières premières ont aussi chuté en parallèle avec les indices boursiers au début du mois d’août, tout comme la valeur de la plupart des cryptomonnaies. Le prix du baril de pétrole WTI (West Texas Intermediate) a en outre perdu plus de 5,0 $ US depuis le mois de juillet.
Le taux de chômage américain publié le vendredi 2 août a augmenté à 4,3 %, dépassant le niveau indiqué par la proverbiale « règle de Sahm » (graphique 1). Cette règle, attribuable à l’économiste américaine Claudia Sahm, indique que lorsque la moyenne du taux de chômage des 3 derniers mois est au moins 0,5 % plus élevée que son creux des 12 derniers mois, les probabilités d’une récession aux États-Unis sont très élevées.
Il faut cependant rappeler qu’un indicateur basé sur des observations historiques tel que la règle de Sahm comporte des limites importantes. Dans une entrevue récente, Claudia Sahm elle-même est intervenue afin de rappeler que sa règle pourrait très bien ne pas être applicable dans le contexte actuel. Bien que le signal soit préoccupant, les économistes de Desjardins ne croient pas qu’il marque le début d’une récession aux États-Unis.
Après que la Réserve fédérale (Fed) eut maintenu son taux directeur inchangé à sa dernière rencontre du 31 juillet, les investisseurs semblent craindre que la politique monétaire américaine soit maintenant beaucoup trop restrictive pour faire face aux conditions économiques actuelles. Certains observateurs ont même incité la Fed à procéder à une baisse d’urgence avant la prochaine rencontre prévue en septembre, ou encore à commencer le cycle de baisse avec un ajustement du taux des fonds fédéraux d’au moins 50 points de base.
Alors que depuis plusieurs mois les baisses des taux sur les obligations gouvernementales s’accompagnaient d’une réaction positive des marchés, cette relation s’est entièrement renversée au cours des derniers jours. Les investisseurs semblent maintenant anticiper que des taux d’intérêt beaucoup plus faibles pourraient ne pas être suffisants pour éviter des difficultés économiques.
L’évolution des données économiques et la réaction des marchés compliqueront grandement la tâche des banques centrales. Les élections américaines risquent également d’être une source de volatilité supplémentaire pour les marchés, tout comme pourrait l’être la détérioration de la situation au Moyen-Orient. Les forts niveaux de valorisation des compagnies américaines placent l’indice S&P 500 particulièrement à risque dans ce contexte, et une correction semble probable si les données économiques continuent de décevoir (graphique 2).
Les tensions financières et l’aversion pour le risque peuvent décupler l’effet restrictif de la politique. C’est pourquoi les banquiers centraux devront prendre acte des mouvements récents des marchés et être prêts à réagir fortement au besoin, une tâche difficile dans un contexte où l’inflation demeure un risque à surveiller. Les mouvements récents ont certainement éliminé tous les doutes restants sur la première baisse de 25 points de base du taux directeur de la Fed en septembre.
Malgré les récentes turbulences, le scénario de base des économistes de Desjardins stipule encore que l’économie américaine devrait pouvoir éviter une récession. Il faudra attendre plus de clarté pour savoir si un ajustement plus important sera requis.
Toutefois, même si nous pensons que la période de volatilité risque de durer un certain temps, nous ne croyons pas que des jours sombres sont à nos portes.
En effet, les marchés financiers présentent toujours de nombreux aspects positifs :
L’IMPORTANCE D’UNE STRATÉGIE À LONG TERME : L'histoire nous rappelle une fois de plus que malgré les fluctuations de marché, il est important de prendre du recul et que, pour les investisseurs à long terme, il est généralement préférable de conserver ses placements plutôt que d’abandonner. L'environnement financier est toujours parsemé d’embûches et le pragmatisme et la rationalité sont essentiels. On ne doit pas céder à l’inquiétude ou pire, à la panique. L'essentiel est de croire en son allocation stratégique d'actifs, à laquelle nous avons consacré beaucoup de réflexion et d'efforts. Il faut s’en tenir à son profil de risque et à son plan d'action.
Répartition tactique des portefeuilles en gestion discrétionnaires gérés par l’équipe Moreau Bergeron Paré
À l’heure actuelle, nos placements sont neutres sur le plan des liquidités, des titres à revenu fixe, des actions et des placements non traditionnels. Une pondération neutre est prudente. Nous prônions la prudence le mois dernier et c’est toujours le cas aujourd’hui. La position tactique actuelle de nos portefeuilles se situe tout près des cibles de répartition (entre les revenus fixes et les actions) qui sont établies dans notre politique de placement.
SURVOL DES TRANSACTIONS EFFECTUÉES AU COURS DU MOIS D’AVRIL
Au cours du dernier mois, nous n’avons effectué aucune transaction.
Sources : Desjardins, Études économiques, Valeurs mobilières Desjardins, BCA Research, MRB Research, Placements TD
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