Commentaire financier – Mai 2022

L'inflation, les hausses de taux et les marchés

L'inflation n'a pas vraiment retenu l'attention au cours des 30 dernières années. On a surtout entendu parler de la stagflation redoutée des années 1970 et des taux d'intérêt de 20 %, mais la plupart des gens n'ont jamais connu de période d'inflation prolongée. Récemment, le prix des aliments a augmenté de près de 10 % et celui de l'essence d'environ 50 %, et le coût des prêts hypothécaires est passé de 3 à 5 %.

Confrontés à l'inconnu, de nombreux investisseurs se laissent envahir par la peur. Ainsi, depuis le début de l'année 2022, les actions et les obligations ont subi des pertes simultanément pour la première fois en 35 ans. Mais avant d'agir sur le coup de l'impulsion, il est important de mettre les choses en perspective. Dans cet aperçu sur l'inflation, nous tenterons de répondre aux principales préoccupations de nombreux investisseurs peu familiers avec cette notion. Nous espérons que cet aperçu vous permettra de mieux comprendre la conjoncture particulière dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

Pourquoi les prix augmentent-ils?

Comme c'est souvent le cas, la hausse des prix n'est pas attribuable à un seul phénomène; plusieurs facteurs y contribuent. En gros, les prix augmentent quand la demande (ou la demande future perçue) dépasse l'offre, c'est-à-dire quand la demande s'accroît beaucoup plus rapidement que l'offre ou inversement, quand l'offre diminue beaucoup plus rapidement que la demande.

Il est parfois très simple d'établir un lien entre les événements mondiaux et la hausse des prix. La pandémie a entraîné la fermeture de nombreuses entreprises et la perturbation des chaînes d'approvisionnement, interrompant ainsi la production et le transport de nombreux biens. Mais en raison des généreuses mesures de soutien gouvernemental et de la faiblesse des taux d'intérêt (mesures de relance budgétaire et monétaire), la demande pour les biens a en fait augmenté. Il était donc naturel que les prix grimpent, car la demande augmentait et l'offre diminuait. La hausse notoire des prix dans les secteurs de l'automobile et du bois d'œuvre en est un bon exemple. Plus récemment, l'invasion de l'Ukraine par la Russie a fait grimper le prix du pétrole, étant donné que la Russie est l'un des plus importants producteurs de cette ressource au monde et que les consommateurs craignaient une rupture de l'approvisionnement, ce qui s'est produit en partie.

On peut aussi aborder la question sous l'angle de la politique monétaire. Quand l'offre pour une devise donnée augmente, sa valeur diminue par rapport à celle d'autres devises. C'est pourquoi, lorsque l'économie a stagné au début de la pandémie, les banques centrales ont fortement augmenté la masse monétaire en achetant des obligations d'État. Grâce à l'argent ainsi « créé », les gouvernements ont mis en œuvre des mesures de relance. L'objectif était de stimuler une économie affaiblie en permettant aux gens de surmonter la perte de leur revenu et en les encourageant à dépenser.

Maintenant que l'inflation atteint des sommets inégalés en 40 ans, la situation évolue en sens inverse. Les banques centrales se sont engagées à relever leur taux directeur et à vendre les obligations qu'elles détiennent, annulant ainsi l'argent créé et réduisant par le fait même la masse monétaire. Plus important encore, la hausse des taux d'intérêt augmente le coût des emprunts et réduit la capacité des consommateurs à dépenser; c'est donc une mesure qui vise à freiner l'ensemble de la demande et à la ramener à un niveau plus proche de l'offre.

Combien de temps la situation va-t-elle durer?

Nul ne le sait avec certitude, mais l'inflation a tendance à se comporter un peu comme un pendule, allant trop loin dans un sens, puis trop loin dans l'autre, pour enfin trouver un juste milieu. Il ne faut pas oublier que l'inflation est extrêmement faible depuis longtemps, tant pour des raisons naturelles (mondialisation, technologie) que pour des raisons orchestrées par les banques centrales, dont le mandat est de la maintenir autour de 2 % pour la stabilité des prix. Depuis des décennies, la Réserve fédérale américaine tente de stimuler l'inflation en réduisant les taux. Cependant, maintenir un équilibre adéquat de l'inflation est plus compliqué en pratique qu'en théorie. Maintenant, en mettant fin aux programmes d'achats d'obligations (une pratique appelée « assouplissement quantitatif ») et en commençant à vendre ces obligations (« resserrement quantitatif »), les banques centrales tentent de ramener l'inflation à sa cible. Depuis le début des années 1980, les taux d'intérêt sont passés d'environ 20 % à un taux effectif de zéro, et aujourd'hui ils rebondissent.

Sommes-nous sur le point de connaître un effondrement des marchés ou une récession?

Pas nécessairement! La hausse des taux est davantage associée à une économie forte qu'à une économie fragile, et le marché du travail est extrêmement vigoureux à l'heure actuelle, avec un chômage proche des plus bas niveaux historiques. Le véritable risque est de voir les banques centrales relever les taux trop rapidement. Une telle éventualité pourrait réduire la demande plus rapidement que nécessaire et entraîner une récession. À l'heure actuelle, le marché boursier avec une correction de -23 % a déjà anticipé un ralentissement économique ou une faible récession suite aux récentes hausses de taux. Le marché ne croit pas à une importante récession. La Fed tente d'effectuer ce qu'on appelle un « atterrissage en douceur », c'est-à-dire de retirer ses mesures de relance sans entraîner l'économie dans une récession majeure. Elle y est déjà parvenue dans le passé. La hausse des taux entraînera une diminution des emprunts et des achats; reste à voir si les banques centrales iront trop loin.

Il faut trouver un équilibre entre l'urgence (pour la Fed) de rattraper l'inflation et la tolérance de l'économie. Une erreur au début de ce cycle, soit une attente trop longue avant d'agir, peut rapidement se transformer en une deuxième erreur, soit une correction excessive qui mine la confiance. Une récession de nature cyclique est envisageable. Toutefois, les prévisionnistes font pencher la balance du côté d'un atterrissage en douceur ou d'une récession avec peu de mordant. Avec le marché du travail en déséquilibre, vous connaissez beaucoup d'entreprises qui vont risquer de mettre des travailleurs à pied si l'économie ralentissait. Aux États-Unis, les entreprises cherchent désespérément 6 millions de nouveaux travailleurs pour pourvoir les postes annoncés. Ce qui ne veut pas dire que la hausse des taux d'intérêt et des prix à la consommation ne prendra pas une bouchée des excès d'épargne accumulés depuis le début de la pandémie et ne calmera pas les ardeurs des consommateurs. La même réflexion pourrait également s'appliquer au Canada!

La peur est l'ennemi, pas l'inflation

La volatilité induite par l'inflation peut entraîner des fluctuations à court terme sur le marché, ce qui peut être difficile à accepter. S'il peut être tentant de se retirer des marchés boursiers dans le but d'éviter les périodes de baisse, les investisseurs qui adoptent une telle approche risquent de passer à côté d'un rebond potentiel du marché et d'une occasion de gains s'ils restent sur la touche. L'histoire a démontré que plus vous demeurez sur le marché, plus vous avez de chances d'obtenir un résultat positif. Par exemple, le S&P 500 a subi plusieurs baisses de marché (de plus de 20 % du pic au creux) avant de connaître des rebonds encore plus forts par la suite. Les investisseurs canadiens ont également bénéficié de belles reprises après des périodes de repli des marchés.

Si le repli de plus de 23 % du S&P 500 n'a rien de rassurant, un tel recul n'est pourtant pas hors du commun. En effet, depuis 1980, le recul moyen en cours d'année du S&P 500 atteint presque 15 %! Il ne s'agit là que d'une moyenne, la moitié des replis en cours d'année s'établissent donc à plus de 15 %! Ainsi, un tel recul n'a donc rien d'anormal et fait partie du lot de fluctuations auxquelles un investisseur est confronté. Tant qu'une récession est évitée, ces périodes de recul constituent généralement des moments propices pour investir!

Prenons l'exemple suivant, où un choc est défini par une variation du prix de plus de 25 % (à la hausse ou à la baisse). Selon BCA Research, la distribution statistique des chocs sur une période de dix ans a été hautement prévisible au cours des 50 dernières années. Ainsi, la probabilité qu'un nouvel investisseur subisse un choc sur une période de dix ans s'élève à 96 %, soit une quasi-certitude! Même sur cinq ans, cette probabilité atteint 81 %! Il est évidemment souhaitable que tout aille pour le mieux en investissement… Cependant, investir comporte son lot d'impondérables et de variations. Il ne suffit pas d'avoir de bonnes connaissances en placement pour être un bon investisseur, il faut aussi avoir les reins assez solides pour tolérer les périodes plus mouvementées. Investir à long terme implique d'avoir à faire face à des marchés davantage baissiers. Pour obtenir du succès à long terme, il est crucial d'être en mesure de surmonter les périodes plus houleuses. Les marchés baissiers sont inévitables et font partie d'un cycle complet. À moins de vivre dans une tour de verre, il est certain que nous connaîtrons des périodes de marchés baissiers. Il ne faudrait pas s'en étonner.

A posteriori, il semblera que les marchés baissiers auront été prévisibles. Qui plus est, l'horizon d'investissement se contractera. Les marchés baissiers entraînent de la panique et de l'incertitude. L'investisseur cesse alors de se soucier de la valeur de son patrimoine dans 20 ans et se soucie davantage de sa valeur dans la prochaine heure. Être un investisseur à long terme devient tout particulièrement difficile dans une telle conjoncture. Pour les investisseurs bien diversifiés, les pertes subies dans un marché baissier devraient s'avérer temporaires.

Les marchés baissiers mettent à rude épreuve la tolérance au risque des investisseurs. Les conséquences des marchés baissiers dépendent plus du comportement des investisseurs que des marchés eux-mêmes. La clef provient des décisions que les investisseurs prendront.

Malgré les nombreuses sources d'inquiétudes au cours de la période, on s'attend à ce que le rendement des actions surpasse celui des obligations au cours des six à douze prochains mois. Nous favorisons les marchés développés plutôt que les marchés émergents. Les récentes fluctuations viennent rétablir des attentes vers des niveaux un peu plus élevés. Les hausses de taux d'intérêt font en sorte que les versements d'intérêt reçus ainsi que les montants remboursés à l'échéance peuvent enfin être réinvestis à des taux bien supérieurs à ceux qui étaient offerts au cours des trois dernières années. Et du côté des actions, un multiple d'évaluation normalisé maintenant à 16 fois (C/B de 16 actuellement par rapport à 22 en début d'année) et des bénéfices toujours en croissance viennent fixer un certain plancher sous toute baisse supplémentaire.

Sources : Investissement TD, BCA Research, Études économiques Desjardins, Valeurs Mobilières Desjardins

Survol des transactions effectuées au cours des dernières semaines

Vos gestionnaires ont récemment utilisé une partie de l'encaisse afin de faire l'acquisition d'une obligation dont le terme est de 5 ans, assortie d'un coupon d'intérêt de 5,69 % pour un rendement à l'échéance de 6,72 %. L'obligation en question est une obligation de l'entreprise canadienne de services publics Enbridge inc. Les gestionnaires prévoient faire l'acquisition d'autres obligations à rendement favorable au cours des prochaines semaines.

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