Un marché boursier trop optimiste?
Les marchés boursiers ont été inquiétés au début mars par la crise de confiance du secteur des banques régionales américaines. Les implosions de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank, suivies du mariage forcé de UBS et de Credit Suisse, ont éveillé des souvenirs de 2008. Or, l’économie mondiale n’est probablement pas au bord d’une nouvelle grande crise financière.
Non seulement les banques américaines (et canadiennes) sont-elles nettement mieux capitalisées qu’en 2008, mais la qualité des prêts est également supérieure et les autorités monétaires possèdent davantage d’outils pour intervenir. N’oublions pas que le système bancaire américain est différent du nôtre. Au cours des 100 dernières années, les États-Unis sont passés de 30 000 banques à 4 200 actuellement, et il reste à notre avis place à beaucoup de consolidation dans ce marché très fragmenté.
Actions
Les principaux marchés boursiers ont conclu le mois de mars en hausse. Le S&P 500 a gagné 3,67 %, portant sa performance du premier trimestre à 7,48 %. La situation s’est avérée plus difficile pour le TSX canadien, qui a cédé 0,21 % en mars et n’a progressé que de 4,56 % en 2023.
Obligations
La recrudescence des inquiétudes a eu des effets positifs sur le marché obligataire. Après avoir vu les taux osciller à des niveaux très bas au cours des dernières années, plusieurs investisseurs remettaient en doute la capacité de protection de ce marché, particulièrement après une année 2022 plutôt difficile. Toutefois, la remontée des taux observée depuis douze mois nous laissait croire que le potentiel de protection des obligations avait été au moins en partie restauré. Le mois de mars en aura été un bel exemple. L’indice obligataire canadien affiche un gain de 2,16 % alors que le segment court terme (1,22 %) a été devancé par le moyen (3,16 %) et le long terme (2,61 %). Depuis le début de l’année, le marché obligataire canadien est en hausse de 3,22 %.
Canada
L’inflation a perdu de l’altitude en mars (+4,3 %) par rapport à février (+5,2 %) et janvier (+5,9 %). Excluant les composantes volatiles (énergie et aliments), la croissance de l’inflation est passée de 4,8 % en février à 4,4 % en mars. Ces résultats donnent raison à la Banque du Canada d’avoir laissé son taux directeur inchangé à 4,50 % lors de sa dernière rencontre du mois d’avril. Toutefois, le Conseil de direction de la Banque demeure plus intransigeant dans le communiqué de presse, déclarant qu’il reste prêt à relever encore le taux directeur si nécessaire pour ramener l’inflation à la cible de 2 %. Le communiqué précise aussi que les données récentes renforcent la confiance du Conseil dans la poursuite du recul de l’inflation au cours des prochains mois. Toutefois, les anticipations inflationnistes élevées, la forte croissance des salaires et l’inflation provenant des services ainsi que les comportements inhabituels des entreprises en matière de tarification pourraient retarder le ralentissement de l’inflation.
États-Unis
Excluant les aliments et l’énergie, l’IPC de base a progressé de 0,4 % en mars après une augmentation de 0,5 % en février. La variation annuelle de l’IPC total poursuit son repli et passe de 6,0 % à 5,0 %. L’inflation de base a cependant augmenté de 5,5 % à 5,6 %. L’inflation totale continue de ralentir et la comparaison avec l’an dernier devrait permettre de nouvelles baisses de la variation annuelle de l’IPC au cours des prochains mois. L’inflation de base se montre encore une fois plus résiliente alors que l’économie progresse encore bien et que le marché du travail reste vigoureux. Dans ces circonstances et tout en étant consciente des conditions financières et de la santé du secteur bancaire, la Réserve fédérale devrait opter pour une autre hausse de taux directeurs au début du mois de mai.
Bien que nous prenions avec plaisir toutes les hausses de rendement qu’ils nous offrent, les marchés boursiers sont-ils en train de se déconnecter de la réalité économique?
Nous sommes d’avis qu’il existe encore en ce moment une grande dose d’incertitude entourant les perspectives économiques, les bénéfices des entreprises et la politique monétaire restrictive.
La récente crise du secteur des banques régionales semble maintenant chose du passé, mais il faut garder à l’esprit que la réparation des bilans et une pression réglementaire accrue sur les banques régionales conduiront probablement à des normes de prêts plus strictes et une pression à la baisse sur la croissance économique. Alors que les petites banques ne représentent qu’environ 1 % de la capitalisation boursière américaine, elles jouent néanmoins collectivement un rôle important dans l’économie du pays. Selon un récent rapport de Goldman Sachs, les banques ayant moins de 250 milliards de dollars d’actifs représentent environ 40 % des actifs commerciaux et industriels américains, 60 % des prêts immobiliers résidentiels, 80 % des prêts immobiliers commerciaux et 45 % des prêts à la consommation. De nouvelles restrictions sur ce secteur ralentiront encore plus l’accès au crédit pour les entreprises et les consommateurs américains.
Dans leurs évaluations optimistes de ce début d’année, les marchés boursiers et obligataires semblent penser que la Réserve fédérale sera forcée de baisser les taux d’intérêt au second semestre de cette année. Cette attente ne correspond pas au message le plus récent du président Powell, qui déclare que des augmentations pourraient être nécessaires en raison d’un marché du travail tendu et d’une inflation qui reste beaucoup trop élevée. Si les baisses de taux attendus par les marchés ne surviennent pas au deuxième semestre, les évaluations boursières risquent d’être corrigées à la baisse.
Les marges de profits des entreprises sont sous pression à cause de la masse salariale et des coûts fixes plus élevés et d’une possible diminution des ventes. Face à ces difficultés, on pourrait s’attendre à voir la profitabilité des entreprises diminuer d’environ 10 %, alors que les analystes prévoient actuellement une hausse des profits de 4 %.
Les perspectives de rentabilité des entreprises sont assombries par l’orientation de l’économie et de la politique monétaire. À travers les époques, une contraction de l’économie a mené à une contraction des bénéfices des entreprises. Or, un nouveau cycle d’investissement débute après que l’économie a basculé en récession, et non pas avant.
Les données économiques récentes nous amènent à repousser dans le temps notre scénario de ralentissement économique, mais pas à l’annuler. Plus ces données demeureront résilientes, plus les taux d’intérêt devront rester élevés longtemps et finiront tôt ou tard par avoir plus de mordant. Pour poursuivre sur leur lancée, les actions auraient besoin que non seulement la croissance économique continue de surprendre, mais aussi que l’inflation diminue rapidement et sans aide, et ce, même si le marché du travail reste fort. Ça fait beaucoup d’astres à aligner…
Un ralentissement économique, voire un passage en récession, demeure notre scénario le plus probable. Ainsi, il est difficile d’envisager comment les bénéfices pourraient progresser. S’ils ne devaient que baisser d’une dizaine de pour cent, le BPA du S&P 500 descendrait à près de 200 $, laissant l’indice phare américain à un multiple de plus de 20 fois… loin d’un scénario d’aubaine. Même sans déclin, le S&P 500 s’échange actuellement à plus de 18 fois les bénéfices anticipés, ce qui est dans le haut de sa fourchette et loin d’un scénario de ralentissement économique.
Nous maintenons notre appel à la prudence et notre sous-pondération marginale des actions à la faveur d’une surpondération de l’encaisse. Notre niveau d’investissement en obligations se rapproche de nos cibles et nous continuons d’augmenter cette catégorie d’actif lorsque les prix nous en donnent l’occasion.
Répartition tactique des portefeuilles en gestion discrétionnaire sous la responsabilité de l’Équipe Moreau Bergeron Paré
Nous tenons à vous préciser que la position tactique actuelle se situe aux limites minimales de détention en actions permises par notre politique de placement. En d’autres termes, nous avons adopté une position défensive et attendons patiemment l’arrivée d’un ralentissement économique. Nous avons les liquidités suffisantes qui nous permettront de revenir avec un pourcentage plus élevé en actions au moment voulu.
Sources : Desjardins, Études économiques, Valeurs mobilières Desjardins, recherche macroéconomique, Fonds Dynamique.
Transactions récentes
L’équipe de gestionnaires a effectué un rééquilibrage général des portefeuilles à la fin mars.
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