Hier, nous avons publié notre Prévisions économiques et financières, intitulée « Les banques centrales partent à l’assaut de l’inflation élevée ». Nous avons effectué d’importantes révisions à nos perspectives d’inflation et de croissance pour le Canada à la hausse pour 2022, mais à la baisse pour 2023.
Avec nos prévisions d’inflation rehaussées, et avec le rattrapage que les banques centrales ont à effectuer, nous avons ajusté perspectives pour les taux, sur deux aspects. Premièrement, nous estimons que nous sommes actuellement dans une phase de traitement de choc, qui mettra en scène le début du resserrement quantitatif, ainsi que des augmentations musclées des taux pour se rapprocher du point de neutralité. Actuellement, nous sommes d’avis que la Banque du Canada (BdC) décrétera une hausse de 75 points de base à sa prochaine réunion, en juin.
Deuxièmement, nous croyons que les banques centrales augmenteront leurs taux au-delà des niveaux sommets atteints lors du cycle précédent. Cela signifie un taux à un jour atteignant 2,25 % au Canada et un taux des fonds fédéraux passant à 3,25 % l’an prochain aux États‑Unis. Ainsi, nous nous attendons maintenant à ce que la Réserve fédérale relève ses taux davantage au-dessus du point neutre que ce que la prévision médiane de ses dirigeants suggérait dernièrement.
Malgré la modération progressive de l’inflation que nous prévoyons, celle-ci ne redescendra pas sous la barre des 3 % avant l’année prochaine. De plus, il y a de nombreuses raisons de penser que cela pourrait même être plus long. Tout d’abord, comme nous en avons discuté récemment dans un Commentaire hebdomadaire, les prix alimentaires sont l’un des principaux canaux par lesquels se manifestent les conséquences de la guerre en Ukraine sur le reste du monde. Le dernier rapport sur l’inflation au Canada a révélé la hausse la plus forte des prix à l’épicerie (8,7 %) depuis 2009. On peut toutefois supposer qu’il y en aura d’autres à l’avenir, au fur et à mesure que les effets des événements en Ukraine se propageront dans la chaîne de transformation des aliments.
La chaîne d’approvisionnement est une deuxième raison. On espérait que l’année 2022 serait celle où nous commencerions à voir un adoucissement progressif des frictions. Au lieu de cela, nous avons eu la guerre en Ukraine et de nouveaux confinements en Chine. La pénurie de semi-conducteurs est loin d’être résolue et il y a encore beaucoup de places vides dans les cours des concessionnaires automobiles. Augmenter les taux avec plus de vigueur ne résoudra pas directement ces problèmes, mais s’attaquera à l’une de leurs causes profondes, à savoir la forte demande.
La psychologie est une troisième raison. Compte tenu des facteurs qui sous-tendent la forte inflation, la campagne de normalisation des politiques est en partie un exercice de persuasion. Même si les mesures d’anticipations d’inflation à long terme demeurent ancrées, personne ne sait combien de temps les ménages et les entreprises conserveront leur confiance dans la capacité des banques centrales à maîtriser la situation. Au Canada, nous prévoyons que l’inflation aura dépassé la fourchette cible de la BdC pendant une période de 18 mois. On remarque déjà un changement dans les comportements, les entreprises osant davantage transmettre les augmentations de coûts à leurs clients sans craindre de perdre des parts de marché. Il s’agit d’un changement marqué par rapport à l’état d’esprit du cycle précédent. Plus l’inflation restera hors de contrôle longtemps, plus ce comportement s’enracinera.
Dans une économie où les travailleurs sont rares, cela signifie également qu’ils seront fortement incités à protéger leur pouvoir d’achat. Cela n’a pas nécessairement besoin de se traduire par des grèves. Il peut s’agir par exemple de changer d’emploi pour un autre mieux rémunéré, de demander à travailler moins pour le même salaire ou de refuser un poste qui ne paie pas assez. Les attentes en matière de prix et de salaires guideront ces comportements. C’est pourquoi les banques centrales font maintenant preuve d’autant d’empressement, elles qui doivent empêcher ces attentes de devenir démesurées. Le prix à payer sera un resserrement plus strict qu’au cours du dernier cycle. Ce faisant, il y a bel et bien un risque de raccourcir la durée du cycle d’expansion. C’est toutefois un risque que les banques centrales semblent maintenant prêtes à assumer.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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