La flambée de l’inflation alimentaire est l’une des conséquences mondiales les plus importantes de la guerre en Ukraine. Les prix des contrats à terme sur le blé à Chicago ont bondi à leur plus haut niveau depuis 2008. Depuis le début de mars, le prix du pain a grimpé de 70 % au Liban, qui importe plus de 70 % de son blé de l’Ukraine. L’Égypte a imposé un plafond au prix du blé cette semaine, les manifestations meurtrières de 2008 en réaction aux prix des aliments étant fraîches dans les mémoires des dirigeants.
Certains pays se sont également tournés vers le protectionnisme. L’Égypte, l’Argentine et l’Indonésie figurent parmi ceux qui ont mis en place des mesures visant à restreindre leurs exportations de produits agricoles. Bien entendu, ces mesures ne font qu’aggraver la situation d’un point de vue mondial. Les pays développés ne sont pas aussi durement touchés que les pays émergents, mais certains réfléchissent néanmoins aux moyens de se protéger. Cette semaine, la France a évoqué l’idée de distribuer des coupons alimentaires aux ménages à revenu faible et moyen.
De toute évidence, la guerre signifie que nous devons nous attendre à des pressions inflationnistes élevées et particulièrement persistantes dans le secteur alimentaire. Il y a actuellement peu d’espoir que le vide dans l’approvisionnement en blé laissé par la guerre soit comblé rapidement. Premièrement, la saison du blé d’hiver est déjà loin derrière et les quantités qui arriveront à court terme sont fixes. Même si la saison des semences pour le blé de printemps débutera dans quelques semaines, la récolte ne commencera qu’à la fin de l’été. Un deuxième problème est celui du coût. La guerre a non seulement fait grimper en flèche le prix du carburant, mais aussi celui des engrais, dont la Russie est un important fournisseur. Cela rend les producteurs hésitants, étant donné la difficulté de prévoir ce qui va baisser en premier. S’agira-t-il du coût de leurs intrants ou du prix qu’ils obtiendront pour leur production? Un troisième enjeu est lié aux perturbations qui ont caractérisé les 18 derniers mois dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Cette situation a entraîné des retards dans la livraison de la machinerie et de l’équipement agricole qui est essentiel à la production. Par conséquent, de nombreux agriculteurs ne pourraient même pas semer davantage même s’ils le voulaient.
Dans ce contexte, nous pensons que le réflexe par certains gouvernements de vouloir protéger les segments les plus vulnérables de la population est approprié. Toutefois, le recours à une aide ponctuelle semble supposer que les récentes flambées de prix seront rapidement renversées, alors qu’il n’existe aucune garantie à cet effet.
De plus, comme nous l’avons commenté dans notre Analyse budgétaire pour le Québec, des mesures plus progressives sont préférables. Une alternative au crédit d’impôt quasi universel de 500 $ aurait été de donner la priorité aux ménages dans des situations financières plus précaires, par exemple les familles monoparentales ou les personnes âgées à faible revenu. C’était d’ailleurs l’approche qui avait été prise lors de la mise à jour de l’automne dernier, alors que le gouvernement avait opté pour une bonification du crédit d’impôt pour solidarité.
Les ménages disposant d’un coussin de dépenses discrétionnaires plus important peuvent plus facilement faire les choix de consommation nécessaires pour s’adapter à la hausse du coût de la vie. Ne perdons pas de vue le fait que les ménages à revenu moyen et élevé disposent encore d’un important excédent d’épargne. Ils ont ainsi des options à leur disposition et n’ont pas besoin de l’aide du gouvernement.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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