Dans ses prévisions publiées cette semaine, l’OCDE a fait certaines distinctions entre l’environnement économique actuel et les épisodes de stagflation des années 1970. Elle a souligné que les économies d’aujourd’hui sont moins dépendantes de l’énergie qu’elles ne l’étaient il y a 50 ans. Depuis cette période, les banques centrales ont aussi acquis une indépendance et renforcé leur crédibilité en adoptant des cibles d’inflation. Ainsi, les anticipations d’inflation à long terme ne se sont pas trop envolées, malgré la persistance récente de l’inflation. Ces nuances sont valables, et il y a des raisons de croire que la réaction des politiques publiques à une récession serait entièrement différente aujourd’hui qu’à l’époque.
Il reste que certains refusent d’abandonner les parallèles aux années 1970 et 1980. Dans un article paru cette semaine, Larry Summers fait valoir qu’en tenant compte des biais méthodologiques dans la manière dont l’inflation était calculée dans les années 1970, l’inflation américaine n’est pas beaucoup plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque. ll conclut qu’un remède de cheval similaire à celui employé au début des années 1980 sera nécessaire pour calmer l’inflation. Le président de la Réserve fédérale de l’époque, Paul Volcker, avait relevé le taux des fonds fédéraux jusqu’à 20 % et une longue récession avait suivi.
Les banques centrales ne croient pas, pour l’instant, qu’une récession soit nécessaire pour reprendre le contrôle de l’inflation. Cependant, elles continuent de surprendre par leur ton agressif. Cette semaine, la Banque de réserve d’Australie a annoncé une hausse de taux de 50 points de base. Seulement 3 des 29 prévisionnistes sondés par Bloomberg avaient vu venir le coup. La Banque centrale européenne (BCE) a fait la préannonce d’un relèvement de 25 points de base en juillet, tout en ouvrant la porte à une autre hausse subséquente de 50 points de base. Certains membres du Conseil des gouverneurs adhèrent même à l’idée d’une augmentation de 50 points de base dès juillet. Devant la progression continue des prix de l’énergie et le sentiment d’urgence croissant à la BCE, nous avons ajouté une hausse à notre prévision pour cette année : nous nous attendons maintenant à ce que le taux de refinancement termine l’année à 1 %.
Plus près de nous, la Banque du Canada (BdC) a dû nuancer ses propos cette semaine. Le gouverneur Macklem évoque toujours la possibilité d’une action plus vigoureuse. Mais en même temps, dans sa Revue du système financier, la BdC n’a pas caché que les hausses feront mal à certains ménages. Ses simulations montrent que les paiements hypothécaires pourraient augmenter en moyenne de 30 % pour les emprunteurs qui ont contracté un prêt hypothécaire de 5 ans en 2020 ou en 2021. Pour les ménages qui ont le plus étiré l’élastique et qui se sont laissé attirer par de faibles taux variables, le bond serait plutôt de 45 %. Cela représenterait une augmentation de plus de 1 000 $ des versements hypothécaires mensuels, en supposant que les taux hypothécaires soient d’environ 4,5 % au moment du renouvellement. Inutile de dire que si Macklem suivait les conseils de Larry Summers, la situation pourrait s’envenimer assez rapidement.
Heureusement, la BdC tente toujours d’opérer un ralentissement contrôlé. L’expression « ralentissement contrôlé » résume aussi nos perspectives pour le marché de l’habitation que nous avons présenté dans notre Point de vue économique paru mercredi. Nous aborderons les conséquences du ralentissement de ce marché dans une analyse qui sera publiée la semaine prochaine. En fait, l’économie canadienne est plus que jamais liée aux taux et au marché de l’habitation. Cette situation devrait finir par persuader Macklem de ne pas porter le taux des fonds à un jour au-dessus de 3 % et encore moins de suivre les traces de Volcker.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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