Le dernier budget fédéral a beaucoup insisté sur l’abordabilité du logement, un enjeu social majeur. Le rêve d’accession à la propriété est de plus en plus difficile à réaliser pour bon nombre de ménages à travers le Canada. Les faibles taux d’intérêt, la forte croissance démographique, la crainte de devoir acheter à des prix encore plus élevés et des spéculateurs de plus en plus actifs ont collectivement stimulé la demande.
L’offre n’a pas été en mesure de suivre le rythme, malgré un niveau élevé de mises en chantier ces dernières années. C’est ainsi que la quantité de logements disponibles a atteint un plancher record sur le marché de l’accession à la propriété. À l’échelle nationale, l’indice MLS® des prix des propriétés de l’Association canadienne de l’immeuble a augmenté en moyenne de 15 % au cours des deux dernières années. L’Indice d’abordabilité Desjardins pour le Canada a atteint son niveau le plus bas en près de 15 ans, ce qui illustre l’écart grandissant entre la croissance des prix et celle des revenus.
C’est pourquoi nous nous attendions à un budget fédéral de 2022 contenant beaucoup de mesures d’impact pour accroître la construction de logements. Le budget a fait une lecture très juste de la situation en soulignant que pour répondre à la demande de logements pendant la majeure partie de la prochaine décennie, il faudrait presque doubler la cadence de la construction domiciliaire actuelle. À titre de référence, au cours des cinq dernières années, les mises en chantier au Canada se sont établies en moyenne à près de 230 000.
La stratégie pour arriver à atteindre cet objectif semble toutefois incomplète. Le gouvernement a annoncé la création du Fonds pour accélérer la construction de logements, qui vise à compléter 100 000 logements sur cinq ans (soit 20 000 par année). Un financement est aussi prévu pour bâtir 6 000 logements abordables sur deux ans. Le budget mentionnait également la construction de 4 300 logements pour les personnes vulnérables et de 6 000 logements coopératifs, mais le financement lié à ces programmes était déjà assuré par des initiatives antérieures. Autrement dit, ce n’est pas du nouvel argent. En gros, il y a un écart important entre le rythme actuel de construction résidentielle et ce qui sera nécessaire chaque année. Selon nos calculs, ce qui a été annoncé dans le budget pourrait combler moins de 20 % de l’écart annuel et, encore là, seulement au cours des premières années de la projection. Une partie de l’écart restant pourrait être comblée par les unités promises dans la stratégie nationale du logement de 2017, mais cette initiative a connu un succès plutôt mitigé.
Il faut aussi tenir compte de la demande. En plus de l’offre de logements supplémentaires relativement modeste qui a émané du budget, la demande pourrait augmenter, avec le doublement du crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation et de l’introduction du compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété, qui sera lancé l’an prochain. Même si le gouvernement a aussi interdit les achats par des étrangers pendant deux ans, les données disponibles indiquent une influence marginale des non-résidents sur le marché du logement. La mesure fiscale pour décourager les ventes précipitées (flips) est bienvenue, mais on ne sait pas combien de logements supplémentaires cette mesure permettra de libérer.
Ultimement, le resserrement monétaire agressif de la Banque du Canada, dont on a été témoins cette semaine, freinera la demande de logements. Malheureusement, la politique monétaire ne construira pas les logements manquants. En fait, les taux plus élevés pourraient nuire quelque peu à l’investissement résidentiel. Même chose pour les pénuries de main-d’œuvre, alors que le nombre de postes vacants dans le secteur de la construction a presque triplé en un an. Compte tenu de l’importance de pouvoir miser sur un marché du logement suffisamment approvisionné, nous devrons espérer des mesures un peu plus ambitieuses à l’avenir. On peut à tout le moins dire que les mesures du budget sont un léger pas dans la bonne direction.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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