Le rapport sur l’indice américain des prix à la consommation (IPC) de cette semaine a montré une fois de plus que l’inflation élevée est largement concentrée dans les biens. Il y a encore des raisons de penser que l’inflation des biens va se modérer, mais pour cela il faut croire que les prix des matières premières se maintiendront dans leur fourchette récente, que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement s’atténueront progressivement et que les stocks de biens durables et d’intrants à la production se rétabliront.
La grande différence entre aujourd’hui et il y a un an c’est que ces hypothèses ne sont plus autant des valeurs sûres à court terme. Comme pour la COVID‑19, les problèmes de la chaîne d’approvisionnement mondiale ont muté en plusieurs variantes. L’une des dernières sources d’incertitude concerne les mesures que prendra la Chine pour contenir le variant Omicron. Mercredi, plus de 20 millions de personnes dans cinq villes chinoises étaient confinées chez elles. Dans un scénario pessimiste, nous pourrions voir plus de villes confinées et d’usines et de ports fermés. Cela signifierait davantage de pénuries et de retards de livraison ce qui, au final, alimenterait la hausse des coûts et des prix à la consommation. Cela signifierait également une plus longue période d’inflation élevée. Si l’on considère que l’inflation américaine a atteint 7 % en décembre1 , cela n’a rien de rassurant.
Du côté des services, les coûts élevés des entreprises font également pencher les risques d’inflation vers le haut. Là aussi, Omicron aggrave les problèmes. Une complication récente est l’obligation vaccinale qu’impose le Canada envers les camionneurs américains, ce qui pourrait entraîner des pénuries et des retards au niveau national. Les pressions sur les coûts pourraient rapidement se transmettre à l’IPC, d’autant plus que le pouvoir de fixation des prix est actuellement élevé chez les entreprises; selon la Banque du Canada (BdC), au troisième trimestre de 2021, 37 % des entreprises prévoyaient augmenter leurs prix de manière significative sur une période de 12 mois, contre seulement 11 % à la fin de 2019.
L’intensification de ce type de psychologie inflationniste impliquerait une persistance plus importante de l’inflation, mais de là à une spirale inflationniste, il faudrait qu’il y ait un laxisme persistant des banques centrales. Or, nous avons vu les responsables de la Réserve fédérale (Fed) se succéder cette semaine pour signaler une hausse des taux dès mars, et les marchés financiers sont dans un état d’esprit complètement différent de celui de celui qui régnait il y a quelques mois. En novembre dernier, les marchés avaient été surpris par l’annonce de la réduction des achats quantitatifs par la Fed (quoique nous l’avions prévu). En outre, les marchés étaient alors positionnés pour seulement deux hausses en 2022. Pendant ce temps, le resserrement quantitatif était pratiquement absent de la conversation. Aujourd’hui, le marché s’attend plutôt à quatre hausses et certains spéculent sur une possible hausse initiale de 50 points de base. Entretemps, la thèse d’un début d’un resserrement quantitatif en 2022 est rapidement devenue consensuelle.
La situation est légèrement différente au Canada, compte tenu du recul attendu de l’emploi et du PIB à la suite des récentes restrictions en Ontario, au Québec et au Nouveau‑Brunswick. Nous réduisons de deux dixièmes de point notre prévision de croissance du PIB canadien pour 2022. Si la BdC fait de même, elle pourrait avoir du mal à faire valoir que l’écart de production s’est refermé. Au début décembre, alors que la vague Omicron n’en était qu’à ses débuts, la BdC soutenait que l’économie canadienne avait encore besoin d’une détente monétaire considérable. Cela signifie qu’à moins d’une surprise majeure dans le rapport sur l’IPC de mercredi prochain, la probabilité d’environ 50 % d’une hausse en janvier qui est actuellement escomptée par les marchés nous semble un peu exagérée.
Cela étant dit, nous voyons les premiers signes que la vague Omicron atteint son sommet. La réouverture entraînera un rebond de la demande, mais si l’histoire se répète, l’offre sera plus lente à rebondir, ce qui renforcera les pressions inflationnistes. Notre mise à jour des prévisions qui sera publiée la semaine prochaine inclura un sommet plus élevé pour l’inflation canadienne en 2022. C’est pourquoi nous continuons de penser que la BdC commencera à normaliser sa politique monétaire au printemps, avec un total de trois hausses de taux cette année. Cela correspondrait aux ajustements des taux directeurs que nous attendons de la Fed. Néanmoins, en ce qui concerne la réduction de son bilan, la BdC serait sans doute mieux avisée de considérer l’impact qu’aura le resserrement quantitatif de la Fed de ce côté-ci de la frontière. Nous savons qu’il entraînera une hausse des coûts d’emprunt au Canada, mais il n’y a aucune garantie que le rythme du resserrement sera adapté aux circonstances canadiennes.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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