Les dépenses de consommation des ménages ont maintenu une bonne croissance jusqu’à la mi-2022. Est-ce le dernier souffle avant une période de faiblesse? La réouverture à pleine capacité des restaurants, des bars et des salles de spectacle a entraîné un rebond des dépenses en services depuis le printemps. La période de récupération a été complétée au deuxième trimestre de 2022, soit près de deux ans après celle des achats en biens. Maintenant que le rattrapage est terminé et que les aléas des mesures sanitaires liées à la COVID-19 semblent enfin derrière nous, une hausse plus modérée des achats en biens et services est attendue au cours des prochains trimestres.
Les dépenses de consommation ont un poids de 60 % dans le PIB québécois. La résilience des consommateurs sera-t-elle suffisante pour maintenir l’économie à flot? Un bref retour sur le passé permet d’y voir plus clair. La dernière récession au Québec remonte à 2008-2009 lorsque les dépenses des ménages ont subi une baisse trimestrielle annualisée d’environ 2 % pendant deux trimestres consécutifs. L’inflation était pourtant sous contrôle à ce moment et la crise financière mondiale a entraîné une baisse rapide des taux d’intérêt. Le taux cible des fonds à un jour de la Banque du Canada a atteint pour la première fois le niveau plancher de 0,25 % au printemps 2009 par rapport au sommet cyclique de 4,50 % à l’été 2007. Qu’est-ce qui a ébranlé les consommateurs lors de cette période? Le scénario risque-t-il de se répéter?
À l’époque, la confiance des ménages a chuté abruptement et celle-ci s’est retrouvée bien en deçà du niveau actuel. Les pertes d’emplois ont été importantes et le taux de chômage est passé d’un creux cyclique de 6,9 % à un sommet de 9,0 % en juillet 2009. Le marché du travail était alors loin d’une pénurie de main-d’œuvre et les difficultés de l’économie se sont rapidement répercutées sur le marché du travail. Même si celui-ci demeure tendu présentement, les gains d’emplois successifs ont fait place à une certaine hésitation depuis le printemps dernier.
Le taux de chômage de 4,5 % en août demeure faible, mais il a remonté après avoir atteint un creux historique de 3,9 % en avril dernier. La période de faiblesse de l’économie du Québec, qui atténuera la demande de travailleurs, devrait entraîner le taux de chômage à près de 6 % d’ici un an. Les dégâts seront plus limités qu’en 2008-2009 compte tenu du nombre élevé de postes vacants et du manque de personnes pour les combler. Les hausses de salaire sont aussi plus rapides, mais la forte inflation se traduit par une baisse du pouvoir d’achat des ménages dans le cycle actuel.
Les revenus réels après impôts et transferts des gouvernements sont d’ailleurs en baisse depuis quelques trimestres malgré les allégements fiscaux aux particuliers du gouvernement du Québec, qui ont totalisé 740 M$ en janvier 2022 et 3,2 G$ au printemps dernier. Ces sommes sont l’équivalent de 0,7 % du PIB nominal de la province, un montant de soutien colossal. À titre comparatif, les mesures récemment annoncées par le gouvernement fédéral représentent 0,1 % du PIB nominal au pays. Ces allégements, et d’autres possiblement à venir au niveau provincial, visent à aider les ménages à affronter la hausse du coût de la vie. La forte inflation qui empêche l’augmentation, en termes réels, du revenu disponible des particuliers est toutefois très contraignante pour les ménages.
Certains puiseront aussi dans leurs économies, puisque le taux d’épargne particulièrement élevé des Québécois, de 10,2 % au deuxième trimestre de 2022, procure une marge de manœuvre à plusieurs d’entre eux. Ce niveau est nettement supérieur à celui de 2008-2009, qui tournait autour de 4 à 5 %. Cela devrait en principe permettre à de nombreux consommateurs de tenir le coup.
Toutefois, le nombre de cas d’insolvabilité, qui avait été maintenu artificiellement bas par les soutiens gouvernementaux temporaires au plus fort de la pandémie, affiche maintenant une remontée (graphique 2). L’augmentation rapide des taux d’intérêt, la forte inflation et le coût élevé des logements entraînent des difficultés financières importantes pour plusieurs. Pour l’instant, le niveau des faillites et des propositions de redressement aux créanciers est loin du niveau prépandémique, mais il pourrait s’en approcher au cours des prochains trimestres.
Outre les revenus et l’épargne des ménages ainsi que leur capacité de rembourser leurs dettes, la valeur du patrimoine doit être aussi considérée. Les prix des propriétés résidentielles diminuent depuis le printemps dernier et la correction n’est pas terminée. Rappelons qu’en 2008-2009, les prix avaient bien résisté à la tourmente, du moins au Québec. Dans le cycle actuel, la baisse de la valeur des actifs immobiliers s’ajoute à la diminution de celle des actifs financiers, en raison de la chute des marchés boursiers et obligataires. Les secousses sont toutefois moins violentes que lors de la crise financière mondiale de la fin des années 2000.
Bref, les ménages sont mis à rude épreuve sur plusieurs plans encore cette fois-ci. La confiance des Québécois qui se détériore et la remontée des taux d’intérêt qui se poursuit devraient ralentir la croissance des dépenses de consommation. Le seuil de résistance des ménages sera assurément testé et une période de recul des dépenses ne peut être complètement exclue. Le marché immobilier a été le premier touché et la consommation pourrait à son tour être entraînée vers le bas. La résilience des consommateurs est nécessaire pour maintenir l’économie à flot, mais celle-ci est loin d’être assurée. Le contexte de pénurie de main-d’œuvre et l’importance de l’épargne accumulée par les Québécois pourraient toutefois faire la différence par rapport aux cycles passés.
Par Hélène Bégin, économiste principale
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