Cette semaine, les banques centrales nord-américaines ont probablement été soulagées d’avoir récemment mis au rancart la thèse d’inflation transitoire. Le prix du baril de pétrole brut WTI (West Texas Intermediate) s’est envolé de 40 % au cours des deux derniers mois. Cette semaine, il a dépassé les 90 $ US pour la première fois depuis 2014. Sa hausse spectaculaire s’explique en grande partie par une réaction plus lente que prévu de l’offre à la hausse des prix. Elle a également été alimentée par une augmentation de la mobilité à la suite de la vague Omicron qui entraîne une reprise de la demande.
Aux États‑Unis, le prix de l’essence s’affiche en hausse de 41 % par rapport à l’année dernière, ce qui remet en question l’hypothèse d’une diminution rapide de l’inflation dans la composante énergétique. La semaine dernière, la Banque du Canada (BdC) a revu à la hausse sa prévision d’inflation pour 2022, la faisant passer de 3,4 % à 4,2 %, mais elle a supposé que les prix du pétrole resteraient stables à 85 $ US. Si elle faisait les calculs aujourd’hui, elle reverrait cette prévision d’inflation davantage à la hausse.
Entre-temps, la Banque d’Angleterre (BoE) s’attend maintenant à ce que l’inflation au Royaume‑Uni atteigne un sommet de 7,25 % en avril. Les trois quarts de cette révision à la hausse sont dus à l’augmentation prévue des prix des biens et de l’énergie. Si ce scénario se réalise, cela impliquera une pression accrue sur les revenus et les dépenses réels. En conséquence, la BoE a revu à la baisse ses prévisions de croissance du PIB réel, s’attendant à ce que l’économie passe d’une situation de demande légèrement excédentaire à une situation d’offre légèrement excédentaire au cours de l’année prochaine.
Selon nous, les mesures prises cette semaine par la BoE témoignent du changement dans les fonctions de réaction des banques centrales. Les banques centrales augmentent rarement les taux lorsqu’elles publient une prévision montrant une détérioration de l’écart de production. Or, non seulement la BoE a relevé ses taux cette semaine, mais il ne manquait qu’un vote pour qu’une augmentation de 50 points de base soit décrétée. Ceux qui se demandaient si un environnement affichant certaines tendances de type « stagflation » pourrait remettre en question le début de la normalisation monétaire ont obtenu leur réponse : les taux sont tout simplement trop bas à l’heure actuelle. C’est pourquoi nous pensons que la Réserve fédérale relèvera ses taux lors de chacune de ses trois prochaines réunions, en mars, en mai et en juin, tandis que la BdC fera de même lors de ses deux prochaines réunions, en mars et en avril.
La faiblesse des chiffres de l’emploi au Canada, annoncée aujourd’hui, ne change pas vraiment notre point de vue, surtout si l’on tient compte de ce que le gouverneur de la BdC, Tiff Macklem, a déclaré cette semaine. Lorsqu’on lui a demandé si l’inflation due à la persistance des contraintes d’approvisionnement ne nécessitait pas une approche plus tolérante, Tiff Macklem a clairement semblé favoriser la modération de la demande, même si les problèmes d’approvisionnement persistent. Il a évoqué le coût plus élevé de ramener l’inflation à sa cible si les prévisions d’inflation à long terme n’étaient plus ancrées.
À notre avis, l’importance accordée par les banques centrales aux prévisions d’inflation fait en sorte qu’elles sont désormais moins susceptibles de minimiser les prix élevés de l’énergie. Lorsque l’inflation reste élevée et que les marchés du travail sont tendus, l’heure n’est pas de faire dans la dentelle.
S’il va de soi qu’il faut sortir la politique monétaire du mode « urgence », nous ne pouvons pas perdre de vue les dangers d’en faire trop et de court-circuiter la reprise. C’est particulièrement vrai dans des pays comme le Canada, où l’accommodation prolongée a entraîné l’accumulation de vulnérabilités financières importantes. Ainsi, après deux premières hausses rapides des taux, nous nous attendons à ce que la BdC adopte un rythme de normalisation monétaire qui ressemble à la trajectoire de 2017 et de 2018.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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