Alors que l’économie du Québec montrait des signes de faiblesse depuis le printemps, la chute de 0,5 % du PIB réel encaissée en juillet est venue enfoncer le clou dans le cercueil. Il s’agit non seulement de la quatrième baisse mensuelle d’affilée, mais aussi du recul le plus important depuis août 2017 (si on exclut l’effet montagnes russes des périodes de confinement de la pandémie). De nombreux indicateurs annonçaient une récession à venir au Québec, mais celle-ci pourrait même déjà avoir débuté!
À moins d’un rebond du PIB réel en août, suivi d’une bonne croissance en septembre ou encore d’une révision à la hausse des chiffres publiés jusqu’à maintenant, le troisième trimestre de 2022 affichera une contraction. Par conséquent, le Québec semble déjà avoir un pied dans la récession, selon la définition couramment utilisée, soit une diminution du PIB réel pendant au moins deux trimestres consécutifs. Lorsque le recul de l’activité est de faible ampleur et que les autres indicateurs économiques, tels que le taux de chômage, sont peu affectés, il s’agit d’une récession qualifiée de technique.
Une véritable récession, de type classique, se caractérise par une forte baisse du PIB réel qui s’échelonne sur plusieurs trimestres consécutifs, dont un minimum de deux. Par le passé, les véritables récessions au Québec ont fait l’objet d’une contraction du PIB réel d’environ 1 % ou plus. Une récession classique s’accompagne aussi habituellement de pertes d’emplois massives, d’un recul prononcé des ventes au détail ou, encore, d’une chute des prix immobiliers résidentiels. Une récession classique se distingue donc par l’amplitude et la durée de la contraction du PIB réel, ainsi que par des répercussions importantes dans plusieurs secteurs de l’économie.
À quoi peut-on s’attendre cette fois-ci ? Plusieurs morceaux du puzzle sont déjà en place. L’activité économique semble avoir atteint un sommet en mars et le recul continu du PIB réel jusqu’en juillet se chiffre à 1,2 %. Ce n’est qu’un début, de sorte que l’amplitude sera suffisante pour parler d’une récession classique. Bien que le secteur résidentiel ait été le premier touché, la plupart des principales industries sont en repli depuis mars, selon une récente Nouvelle économique. L’industrie de la construction a déjà encaissé une baisse d’environ 10 % et les autres secteurs de production de biens se sont tous affaiblis. Les services ont mieux résisté jusqu’ici, mais le commerce de gros et de détail commence à se refroidir. La remontée rapide des taux d’intérêt et la forte inflation qui affectent à la fois les ménages et les entreprises pèsent de plus en plus sur l’économie.
La contraction du PIB réel du Québec s’avère assez généralisée aux différentes industries, mais le marché du travail résiste plutôt bien jusqu’à maintenant. Le taux de chômage de 4,4 % en septembre s’avère tout de même en hausse depuis le creux de 3,9 % d’avril dernier. Le nombre de travailleurs n’augmente plus continuellement, alors que les gains et les pertes se succèdent depuis le printemps. De plus, le total des heures travaillées semble commencer à fléchir. Le contexte de pénurie de main-d’œuvre, qui s’explique principalement par des facteurs démographiques structurels, devrait toutefois empêcher une détérioration importante du marché de l’emploi. Le nombre de postes vacants reste près d’un niveau record et le ratio chômeurs‑postes vacants demeure faible, même s’il a légèrement remonté à 1,0 en août au Québec.
Par conséquent, il pourrait s’agir d’une nouvelle variante de récession classique avec des pertes d’emplois limitées et une légère remontée du taux de chômage, soit jusqu’à un niveau de 6 % d’ici un an. Chacune des récessions a ses particularités et celle-ci pourrait bien être la moins grande vulnérabilité du marché du travail. Le Québec, qui affiche l’un des plus bas taux de chômage des provinces canadiennes, semble en bonne position pour affronter les vents contraires. Le contexte de pénurie de main-d’œuvre et l’importance de l’épargne accumulée par les Québécois pourraient faire la différence par rapport aux récessions passées, du moins du côté des consommateurs.
Le début d’une période de contraction économique peut être décelé plus rapidement au Québec. La diffusion du PIB réel sur une base mensuelle, par l’Institut de la statistique du Québec, est unique parmi les provinces et permet d’établir les changements de cap de l’économie dans un court délai. Même si le virage apparaît maintenant clair, certaines provinces sont probablement dans la même situation alors que d’autres s’en tirent mieux.
Le signal de récession pour le Québec n’a pas à lui seul fait pencher la balance pour la Banque du Canada (BdC), mais il a peut-être été pris en considération lors de l’annonce du 26 octobre. Malgré la forte inflation, la décision d’augmenter les taux directeurs de 50 points de base, plutôt que 75 points de base, survient dans un contexte où les dommages à l’économie sont de plus en plus sérieux et que les hausses appliquées depuis le mois de mars n’ont pas encore produit leur plein effet restrictif sur les ménages et les entreprises à travers le pays. Avec plusieurs vents contraires, autant à l’échelle internationale que canadienne, l’économie du Québec pourrait avoir du mal à rebondir. Et cela pourrait n’être qu’un avant-goût de ce qu’on pourrait observer dans les autres provinces.
Par Hélène Bégin, économiste principale
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