Les relations entre la Russie et l’Ukraine se sont détériorées depuis que le président russe Vladimir Poutine a annexé la Crimée en 2014. Cette semaine, ces tensions ont finalement conduit à un véritable conflit armé. Certains pensent qu’il s’agit de la pire crise sécuritaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. On ne sait toujours pas comment ni quand elle se terminera.
Comme nous l’avons indiqué dans un Point de vue économique cette semaine, c’est en Europe de l’Est que les conséquences sont les plus importantes. La Russie pourrait avoir les yeux rivés sur un certain nombre d’anciens États soviétiques, ce qui dissuaderait les investissements étrangers dans ces pays. Pendant ce temps, l’Europe de l’Ouest verra les prix de l’énergie monter en flèche, la confiance des entreprises et des consommateurs diminuer et subira les conséquences de sa forte dépendance au gaz naturel russe. Les sanctions et les mesures de rétorsion affaibliront encore davantage les perspectives européennes.
S’il est peu probable que l’Occident intervienne militairement, les pays répondent par des sanctions économiques. Celles-ci sont plus élargies et plus punitives que celles imposées après l’annexion de la Crimée. Au moment d’écrire ces lignes, elles comprennent l’inscription sur une liste noire des principales banques et l’interdiction au gouvernement et aux entreprises russes de se financer sur plusieurs marchés étrangers. Des sanctions technologiques rappelant celles imposées à l’entreprise chinoise Huawei sont aussi de la partie. La coupure de l’accès au système SWIFT reste une option, bien que plus controversée. Bien sûr, la Russie peut riposter. Sa meilleure arme est l’approvisionnement de l’Europe en gaz naturel. Jeudi, nous avons vu les contrats à terme sur le gaz naturel européen grimper en flèche en raison des craintes entourant ce scénario. Une telle mesure de la part de la Russie ne serait probablement qu’un dernier recours. Elle nuirait encore davantage à son économie, qui sera déjà ébranlée par les sanctions occidentales.
Les économies nord-américaines ont moins de liens directs avec la Russie, de sorte que les sanctions auront moins d’impact sur l’activité économique d’ensemble. L’année dernière, la Russie et l’Ukraine n’ont représenté qu’un maigre 0,3 % des échanges commerciaux du Canada. La hausse des prix du pétrole a traditionnellement été un élément positif net pour l’économie canadienne. Toutefois, comme nous l’avons indiqué mardi dans un Point de vue économique, le dollar canadien n’est plus stimulé par les prix élevés du pétrole. Les dépenses d’investissement du secteur de l’énergie sont beaucoup moins réactives qu’auparavant. L’Alberta vient tout de même de projeter son premier excédent budgétaire depuis 2014, preuve que la conjoncture économique canadienne est encore sensible aux prix du pétrole. Par ailleurs, il faut tenir compte du contexte. Comme nous l’avons observé la semaine dernière, le Canada assouplit davantage les restrictions en matière de santé publique aujourd’hui qu’à n’importe quel autre moment depuis le début de la pandémie. À moins d’une catastrophe imprévue, le secteur des services devrait bénéficier des vents de dos plus importants que les vents contraires de la crise ukrainienne.
Cela dit, l’inflation nord-américaine est affectée de manière significative, et ce, d’au moins trois façons. Premièrement, la montée en flèche des prix du pétrole brut et de l’essence cette année est due en grande partie à la montée des tensions géopolitiques. Deuxièmement, la flambée des prix du gaz naturel rend les engrais – et par extension les produits agricoles – plus chers. Troisièmement, l’industrie mondiale des semi-conducteurs est fortement tributaire de la Russie et de l’Ukraine pour le néon, le palladium et d’autres matériaux essentiels. Cela pourrait signifier des perturbations continues de l’approvisionnement pour les industries de l’automobile et de la technologie qui dépendent des semi-conducteurs, de même qu’une accumulation des stocks plus faible que prévu et un répit limité des prix de certains biens. Par conséquent, les risques à l’inflation demeurent orientés à la hausse.
Que signifie tout cela pour la politique monétaire? Compte tenu du risque accru de contraction de l’activité économique dans la zone euro, nous pensons que la Banque centrale européenne s’abstiendra de fixer un calendrier ferme pour la fin de son programme d’achat d’actifs, malgré l’inflation élevée. Les chances de voir des hausses de taux cette année sont également minces. La Banque d’Angleterre relèvera probablement ses taux en mars, mais en utilisant un ton beaucoup plus prudent concernant les prochaines étapes. Nous continuons toutefois de penser que la Réserve fédérale et la Banque du Canada annonceront des hausses initiales de 25 points de base le mois prochain. Même si l’on peut s’attendre à ce que ces banques centrales suivent de près l’évolution de la situation, la réalité est que les points de départ de l’inflation et des taux directeurs leur donnent peu de marge de manœuvre pour ne serait-ce que retarder la normalisation.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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