Après les soubresauts du début de la pandémie, le marché du travail s’est rapidement retrouvé en état de surchauffe au Canada. Le taux de chômage a même atteint un plancher historique de 4,9 % cet été. La situation s’avère plus critique dans certaines provinces, notamment au Québec dont le taux de chômage avoisine 4 % depuis quelques mois, tout près d’un creux de 3,9 % franchi en avril dernier.
D’autres indicateurs confirment que la tension a monté d’un cran sur le marché du travail. D’abord, le taux de postes vacants au Canada a atteint un sommet de 5,9 % en juin dernier, ce qui correspond à plus de 1 000 000 de postes non comblés. Plus du quart de ceux-ci se retrouvent au Québec, soit une part plus grande que la taille relative de sa population au pays. La province affiche ainsi un taux de postes vacants de 6,7 % bien au-dessus de la moyenne nationale. Il s’agit du plus haut niveau jamais enregistré.
Le ratio chômeurs-postes vacants indique aussi que le marché du travail est particulièrement tendu au Québec. Le nombre de chercheurs d’emploi est moins élevé que celui des postes vacants, soit un ratio de 6 sur 10 en juin (0,6) le plus faible des provinces canadiennes. Le ratio chômeurs-postes vacants a aussi diminué à un creux de 1,0 au Canada.
Les signes de forte tension du marché du travail se reflètent sur les hausses salariales. L’augmentation sur un an de la rémunération horaire moyenne, qui avoisinait 2,5 % au Canada au début de 2022, dépasse les 5 % depuis cet été. L’accélération a été plus rapide au Québec, passant de 3,1 % en janvier à 8,1 % en juillet.
La vive progression des salaires au Québec s’explique en partie par la pénurie de main-d’œuvre qui s’avère plus criante que dans l’ensemble du Canada. Un taux de chômage plus faible, un taux de postes vacants élevé et un nombre de travailleurs disponibles nettement insuffisant pour les postes à pourvoir exercent une pression plus forte sur les salaires.
Bien que les augmentations soient généralisées parmi les différents secteurs d’activité, elles sont, dans la plupart d’entre eux, plus fortes au Québec. Les hausses salariales sont aussi inégales selon les industries.
La progression des salaires horaires sur un an tourne autour de 10 % dans plusieurs secteurs depuis quelques mois au Québec. L’industrie forestière et minière, la construction, le commerce de gros et de détail ainsi que le secteur de la santé affichent les plus fortes hausses. Dans tous ces secteurs, les augmentations sont nettement supérieures à celles qu’on observe pour l’ensemble du Canada. À l’inverse, les gains sont plus lents au Québec pour l’administration publique, les services publics ainsi que pour l’hébergement et la restauration.
Comme en témoigne la hausse plus rapide des salaires dans la plupart des secteurs au Québec, le marché du travail surchauffe davantage qu’au Canada. Dans les deux cas, il n’y a pas que la pénurie de main-d’œuvre qui explique la flambée des salaires. L’accélération de l’inflation depuis un an et demi et les anticipations élevées pour les prochains mois rehaussent également les attentes des employés.
En juillet, la variation annuelle de rémunération horaire s’est accélérée à 8,1 % au Québec et a plafonné autour de 5 % au Canada. Or, le rythme de l’inflation est semblable à celui du pays et avoisine de 7,5 % à 8,0 % depuis quelques mois. Le marché du travail plus tendu au Québec, qui favorise une progression plus rapide des salaires, atténue donc la baisse du pouvoir d’achat des ménages causée par l’inflation.
Cette situation complique toutefois les choses pour les entreprises. Celles-ci doivent à la fois affronter l’inflation qui gonfle les divers coûts de production et les coûts de maind’œuvre nettement plus élevés. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), les salaires entraînent des difficultés importantes pour environ 65 % des entreprises, un sommet depuis le début de l’enquête.
Les entreprises ont déjà commencé à transmettre les hausses des coûts, en partie ou en totalité, aux consommateurs. Cette situation pourrait prendre de l’ampleur à court terme. Selon la FCEI, la part des PME qui anticipent augmenter leurs prix d’au moins 5 % d’ici un an a grimpé depuis deux ans.
L’enjeu est crucial : même si l’inflation continue de ralentir graduellement au cours des prochains mois, la pénurie de main-d’œuvre continuera d’exercer une pression à la hausse sur les salaires, ce qui sera de plus en plus difficile à contenir pour les entreprises. La transmission par le canal du prix de vente aux consommateurs pourrait ainsi s’accélérer et entraîner une persistance des pressions inflationnistes.
Toutefois, étant donné que l’économie se dirige vers un important ralentissement au Canada et au Québec, la remontée attendue du taux de chômage l’an prochain pourrait temporairement mettre un couvercle sur la marmite. La pénurie de main-d’œuvre est toutefois structurelle en raison des tendances démographiques et les pressions salariales risquent de refaire surface rapidement dans le prochain cycle d’expansion.
Par Hélène Bégin, économiste principale
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