Que ce soit sous forme de liquidités dans les comptes de banques ou d’avoirs financiers, le patrimoine des Québécois a fortement augmenté en pandémie, et ce, partout au Québec. Toutefois, notre analyse publiée cette semaine révèle certaines iniquités. Par exemple, si les locataires ont connu une plus forte augmentation de leur avoir net en pourcentage, les propriétaires sont ceux qui ont profité de la plus grande hausse en dollars. On a également noté une augmentation de l’avoir net plus faible auprès des jeunes.
Qui plus est, sur le plan de l’épargne, l’inflation est venue éroder une partie de l’accumulation de liquidités et les dépôts n’ont presque pas augmenté cette année, une fois ajustés pour l’inflation. Ces dépôts, en termes réels, restent au-dessus de la tendance prépandémique. Toutefois, si l’inflation devait se maintenir à des niveaux aussi élevés en 2022, on pourrait voir le niveau de ces liquidités revenir à la tendance. On pourrait alors moins bien argumenter que les consommateurs disposent d’importantes liquidités pouvant être redépensées.
Mais il n’y a pas que les liquidités : si la valeur des actifs financiers et immobiliers continuait d’augmenter, les ménages ne s’en trouveraient pas tant appauvris par l’inflation. Or, encore faudrait-il qu’ils soient investis dans ces actifs. L’augmentation de l’avoir net plus faible chez les individus de 29 ans et moins durant la pandémie est en bonne partie attribuable au fait que le taux de propriété immobilière est naturellement plus faible pour ces groupes d’âge. Avec également moins d’actifs financiers accumulés, ils sont ainsi moins bien protégés financièrement en situation de forte inflation. Cela peut avoir des conséquences, notamment pour les jeunes ménages qui désirent épargner pour l’achat d’une première propriété, et ce, d’autant plus qu’aux prix actuels, une mise de fonds plus substantielle est désormais requise.
Or, ceux qui disposent de plus d’actifs ne sont pas non plus à l’abri d’une correction de ces derniers. En 2022, il faudra notamment garder à l’œil l’effet du resserrement monétaire plus hâtif que prévu sur les marchés financiers. Après la forte appréciation des deux dernières années, une importante correction des prix des actifs pourrait avoir des effets déstabilisants sur les finances des ménages. Un scénario où l’inflation demeurerait très élevée, où les taux d’intérêt grimperaient et où la valeur des actifs fonderait serait sans doute l’un des plus néfastes pour les bilans des ménages. Ceux-ci devraient alors espérer qu’à tout le moins, leurs revenus puissent évoluer au rythme de l’inflation. Le problème est que souvent, par le passé, des banques centrales très déterminées à combattre l’inflation finissaient par provoquer une hausse du taux de chômage et une récession. C’est pourquoi depuis les années 2010, le mot d’ordre a été le gradualisme.
Il était toutefois facile d’être gradualiste durant le dernier cycle quand l’inflation ne représentait pas une menace quelconque. On sent que l’anxiété s’est emparée des dirigeants de certaines banques centrales, comme la Réserve fédérale (Fed), la Banque d’Angleterre et la Banque du Canada. Cette semaine, Jerome Powell a causé l’étonnement en déclarant que le terme « transitoire » serait retiré du lexique de la Fed. La même Fed qui s’est évertuée à défendre la thèse de pressions transitoires toute l’année. Le timing de ce changement de discours est d’autant plus étrange qu’il survient alors que le prix du pétrole est en plein recul. De toute évidence, Jerome Powell commence à être mal à l’aise avec le sentier atone des taux directeurs qui est escompté par le marché. Ce sentier contribue au fait que les taux obligataires ajustés pour l’inflation demeurent profondément en territoire négatif, fournissant du carburant à la demande dans un contexte où l’offre peine à suivre la cadence.
Qu’est-ce que cela implique? Pour le moment, il semble que la Fed pressera le pas concernant la réduction de ses achats. Il y a également un risque que la première hausse de taux survienne avant la réunion de juin (notre hypothèse actuelle) et qu’une hausse de taux supplémentaire soit décrétée en 2022, par rapport aux trois que nous avons envisagées jusqu’à maintenant. Jusqu’ici, tout va bien. Si, toutefois, la Fed se voit forcée d’amener son resserrement à la cinquième vitesse, le risque de choc des prix des actifs évoqué plus haut augmentera en flèche. Et il ne faut pas s’y méprendre : l’onde de choc se ferait également sentir au Canada.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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