Le rapport sur l’IPC américain de cette semaine a provoqué une onde de choc sur les marchés. Le résultat de 6,2 % n’était pas seulement supérieur à notre estimation, mais aussi à la prévision la plus optimiste de l’enquête menée par Bloomberg auprès de 52 économistes internationaux. Le résultat principal n’a pas été la seule surprise. La généralisation de la hausse des prix l’a été aussi. La mesure médiane de l’IPC calculée par la Réserve fédérale de Cleveland a atteint un niveau record de 0,57 % d’un mois sur l’autre, et sa mesure de moyenne tronquée a atteint un niveau record de 0,71 %. Comme nous l’avons indiqué dans un récent Point de vue économique, les prix des composantes représentant près de 40 % du panier de l’IPC américain augmentent à un rythme annuel de 4 % ou plus. La Réserve fédérale (Fed) a déclaré qu’elle serait patiente, surtout maintenant qu’elle est passée au ciblage de l’inflation en moyenne, ce qui permet des dépassements modérés. Elle est toutefois restée muette sur la fenêtre temporelle qu’elle utilise pour calculer cette moyenne. En supposant qu’il s’agisse d’une période de trois ans, la mesure de l’inflation moyenne serait de 2,3 %. Elle serait également de 2,3 % pour une période de cinq ans. Bref, quelle que soit la façon dont on examine la question, les objectifs d’inflation de la Fed ont été atteints.
La pression s’accentue donc sur la Fed pour qu’elle réagisse plus rapidement qu’elle ne l’a indiqué. Sur la courbe obligataire, cela s’est traduit par un important mouvement d’aplatissement. À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’écart de taux entre les obligations du Trésor américain à 30 et à 5 ans est passé sous la barre des 70 points de base. Il y a six mois, il était supérieur à 150 points. Certes, la pente de la courbe atteint généralement un pic avant un cycle de resserrement de la Fed, mais lors des cycles d’expansion précédents, elle avait atteint des niveaux bien plus élevés. L’écart très surveillé des taux d’intérêt à 10 ans et à 2 ans avait atteint un sommet de près de 275 points de base dans le cycle des années 2000 et un sommet de 291 points de base dans le cycle des années 2010.
À moins que la courbe ne s’accentue à nouveau de manière spectaculaire, nous pourrions avoir déjà atteint le pic de mars dernier, à 158 points de base seulement. Cela s’explique par le fait que les marchés s’attendent à un faible taux terminal des fonds fédéraux pour ce cycle. Les contrats à terme sur les fonds fédéraux ne prévoient que six hausses de taux au cours des trois prochaines années. Une autre raison est que les taux réels restent à des creux. La poussée des anticipations d’inflation s’est traduite par une baisse des taux réels, atténuant ainsi l’effet sur les taux nominaux. Dans la partie longue de la courbe, le rendement nominal a augmenté d’un maigre 25 points de base au cours de l’année dernière.
La faiblesse des taux nominaux implique toutefois que les conditions financières restent obstinément accommodantes. Dans un récent éditorial, l’ancien président de la Fed de New York, Bill Dudley, a fait valoir que les marchés sous-évaluent probablement les taux terminaux, prédisant que si l’inflation reste durablement élevée, la Fed pourrait se voir forcée d’accélérer les hausses de taux pour resserrer les conditions financières.
Nous doutons que cela se produise, pour autant que l’inflation commence enfin à se modérer. Toutefois, si Bill Dudley devait avoir raison et que ce scénario se réalisait, le marché semble être enclin à croire que la Fed ferait une erreur de politique qui conduirait l’économie à une récession. Cela pousserait alors les taux réels encore plus bas, aplatissant davantage la courbe. Avec un maintien de cette tendance, la courbe pourrait s’inverser, ce qui constitue un signe avant-coureur d’une récession. Cette situation pourrait survenir assez rapidement, car nous sommes beaucoup plus proches d’une courbe inversée aujourd’hui que lors des cycles précédents.
Il est vrai qu’au cours du dernier cycle, la courbe inversée avait peu de signification puisque la Fed maintenait les taux en dessous du niveau neutre. Toutefois, ce ne serait vraisemblablement pas le cas dans le scénario hawkish de Dudley. Même si un nouveau président dovish est nommé, cette personne devra intervenir pour préserver la crédibilité de la Fed si l’inflation continue de dépasser les anticipations. Et si cela se produit, les marchés auraient raison de se demander combien de temps le cycle actuel va durer. Inutile de dire que beaucoup de choses reposent sur l’évolution de l’inflation.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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