Cette semaine, les prix du gaz naturel ont atteint de nouveaux sommets en Europe, le continent étant confronté à une importante pénurie à l’approche de l’hiver. Combiné avec la décision de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et de ses partenaires (OPEP+) de ne pas augmenter sa production, les prix du pétrole ont grimpé à des niveaux jamais vus depuis 2014. Cela s’explique par le fait que les producteurs d’électricité européens et asiatiques se tournent de plus en plus vers le pétrole au lieu du gaz naturel. Cette mesure a eu tendance à n’être prise que temporairement dans les dernières années, vers la fin des hivers rigoureux. Le fait qu’on en soit déjà à cette étape témoigne du niveau d’anxiété des producteurs d’électricité à l’approche de la saison hivernale. Entre autres, la Chine a récemment ordonné aux producteurs de se procurer suffisamment de carburant avant l’hiver, quel qu’en soit le coût. L’Europe est dans une situation similaire et espère, contre tout espoir, que la Russie augmentera ses exportations. Le président russe Vladimir Poutine s’est montré ouvert à cette possibilité cette semaine, mais les tensions restent élevées entre la Russie et l’Europe autour du gazoduc Nord Stream 2, qui doit encore obtenir l’approbation des autorités allemandes. Ce gazoduc est également un sujet géopolitique brûlant.
La pénurie d’énergie est un autre exemple des effets de second tour de la pandémie. Sur fond de confinements et de mesures de relance monétaire et budgétaire agressives, la demande de biens a grimpé en flèche. Par exemple, au Canada, la consommation de biens était environ 4 % au-dessus de son niveau prépandémique au deuxième trimestre. Une dynamique similaire dans l’ensemble du monde développé a conduit à un boom de la production, la production industrielle mondiale ayant bondi de près de 18 % par rapport à son creux d’avril 2020 pour dépasser aujourd’hui de 3 % son niveau prépandémique. La demande de biens exerce une pression intense sur les industries à forte consommation d’électricité telles que l’industrie manufacturière. Cet été, certains gouvernements locaux en Chine ont été contraints de rationner l’électricité, les récentes augmentations de capacité n’ayant pas suffi à répondre à la forte demande. Du côté de l’offre, les principaux producteurs de gaz naturel liquéfié fonctionnent à plein régime ou presque. Comble de malheur, très peu de capacités supplémentaires devraient être mises en service cette année alors que la pandémie a perturbé la construction d’infrastructures en Russie, en Indonésie et ailleurs. Les inquiétudes croissantes concernant le changement climatique font également en sorte que les producteurs hésitent à accroître leur capacité, craignant pour la rentabilité de ces investissements alors que la pression pour l’internalisation des coûts des émissions de carbone ne fait que s’intensifier.
Ainsi, à moins que la Russie n’apporte un soulagement majeur à court terme, les pressions récentes sur les prix du gaz naturel ne vont probablement pas s’atténuer de sitôt. Les sceptiques de la thèse de l’inflation transitoire s’en trouveront probablement confortés, car les prix élevés de l’énergie auront probablement des répercussions sur les prix des denrées alimentaires (qui ont déjà augmenté de 40 % pendant la pandémie). Le gaz naturel est un intrant clé dans la production d’engrais azotés, et la pénurie d’approvisionnement a également fait grimper les prix dans ce secteur. Compte tenu des cycles de culture, l’inflation des prix alimentaires pourrait bien rester élevée en 2022.
Par conséquent, les banques centrales devront rester vigilantes. Certains travaux montrent que les biens de consommation courante tels que l’alimentation et l’énergie sont les plus susceptibles d’influencer les perceptions et les attentes en matière d’inflation. La pénurie d’énergie comporte toutefois des risques plus larges. Dans le pire des scénarios, à savoir un hiver froid et un approvisionnement limité, il existe un risque majeur de pannes de courant généralisées dans les pays dépendant du gaz naturel. Cela entraînerait encore plus de perturbations et d’incertitudes dans les chaînes d’approvisionnement déjà sous pression.
L’hiver vient. Et ça pourrait être un hiver froid.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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