Les données d’inflation américaine de janvier ont été encore plus élevées que nos prévisions, qui étaient supérieures au consensus et, par conséquent, l’issue de la prochaine réunion de la Réserve fédérale (Fed), le 16 mars, sera très serrée. Les marchés escomptent une probabilité élevée d’une hausse des taux de 50 points de base. Et jeudi, le président de la Fed de Saint‑Louis, James Bullard, a rajouté de l’huile sur le feu en réclamant des hausses de taux plus musclées lors de réunions à venir.
L’économie américaine est robuste. Le PIB a augmenté à un rythme soutenu de 6,9 % en variation annualisée au quatrième trimestre. Près de deux fois plus d’emplois ont été créés en janvier que ce que prévoyaient les prévisionnistes les plus optimistes. Et avec une inflation de 7,5 %, l’idée que les attentes d’inflation à long terme resteront maîtrisées ressemble de plus en plus à un vœu pieux. Par contre, nous continuons de penser que la Fed augmentera les taux d’intérêt de 25 points de base en mars et qu’elle procédera à des hausses lors de réunions successives plutôt que de concentrer les hausses en début de resserrement. Nous croyons qu’une hausse-surprise pourrait compromettre la crédibilité du régime de ciblage de l’inflation en moyenne qu’elle a adoptée en août 2020. Une hausse de 50 points de base entre les réunions ne contribuerait pas non plus à atténuer les pressions inflationnistes actuelles.
Le compte rendu de la réunion de la Fed du 26 janvier sera publié mercredi. Lors de la conférence de presse qui a suivi cette réunion, le président Jerome Powell, n’a pas exclu une hausse de 50 points de base, affirmant que la banque centrale resterait agile. Nous ne nous attendons pas à ce que le compte rendu fasse état d’un soutien important en faveur d’une hausse de 50 points de base, mais les marchés seront attentifs à toute délibération sur le sujet.
Plus près de nous, la manifestation des camionneurs, qui s’est étendue au pont Ambassador à Windsor, a commencé à avoir des répercussions économiques. Il s’agit d’un autre de ces « variants préoccupants de la chaîne d’approvisionnement » auxquels nous faisions allusion dans un récent Communiqué hebdomadaire. Au moment où nous écrivons ces lignes, trois grands constructeurs automobiles et plusieurs fournisseurs de pièces ont ralenti leur production en raison des blocages. On estime que le pont traite quotidiennement environ 500 M$ en échanges commerciaux. Si l’impasse se prolonge, elle pourrait affecter le commerce et le PIB. Lors des barrages ferroviaires qui avaient duré 21 jours en février 2020. Le PIB du transport ferroviaire a été amputé de 2,3 %, mais le PIB total a tout de même augmenté de 0,2 % lors de ce mois. Toutefois, les barrages actuels ont davantage de répercussions sur la chaîne d’approvisionnement en biens que l’épisode de février 2020, qui ne concernait pas le commerce transfrontalier. Avec la réouverture ce mois-ci des services durement touchés par la vague Omicron, l’effet des barrages pourrait être compensé par des facteurs plus favorables ailleurs. Il faudra cependant espérer que ces embûches soient résolues relativement rapidement.
Par ailleurs, rien ne garantit que les événements actuels n’auront pas d’effets économiques à plus long terme. La réputation du Canada pourrait souffrir si les entreprises mondiales commençaient à le considérer comme un endroit moins stable où investir et opérer. Pourtant, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a semblé optimiste quant aux perspectives d’investissement des entreprises dans son discours de cette semaine.
Tiff Macklem a raison de dire que les intentions d’investissement sont actuellement élevées. Mais il y a une raison pour laquelle son prédécesseur en est venu à qualifier l’investissement au Canada de « déception en série » : les entreprises ne mettent pas toujours en pratique leurs intentions. Ces dernières années, elles ont été confrontées à des obstacles tels que le manque de travailleurs qualifiés ainsi que l’incertitude mondiale.
Un niveau sain d’investissement par travailleur est nécessaire pour une forte croissance de la productivité. En l’absence de cet investissement, le Canada s’en remet de manière effective à la croissance démographique. Statistique Canada a révélé cette semaine qu’entre 2016 et 2021, la population du Canada a augmenté à des taux comparables à ceux de l’Inde et du Mexique. C’est en partie la raison pour laquelle le logement représente actuellement 48 % des investissements nominaux des entreprises au Canada, contre seulement 26 % aux États‑Unis.
Une population croissante contribue à renforcer la demande agrégée ainsi que l’offre de main-d’œuvre. Mais la capacité de l’économie doit également augmenter par l’entremise d’une offre accrue de capital si l’on veut maintenir les pressions inflationnistes à distance. Au cours des dernières années, le stock de capital non résidentiel du Canada a augmenté à un rythme de plus en plus lent. Pour renverser cette tendance, le Canada devrait s’efforcer d’attirer plutôt que de décourager l’investissement. Le Canada fait les manchettes mondialement ces jours-ci, mais c’est une situation dont on aurait pu se passer.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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