« Investir avec succès implique la capacité à identifier et à dépasser les faiblesses de son propre esprit »
On dit souvent que le passé n’est pas garant du futur. Certains événements récents laissent toutefois à penser que l’histoire semble vouloir se répéter. Une histoire pas si lointaine; 2008 pour être plus précis. Avant de sauter aux conclusions, il serait sage de prendre quelques pas de recul.
Au-delà des chiffres voici quelques faits « d’économie comportementale ». En 2002, Daniel Kahneman, psychologue reconnu, recevait le prestigieux prix Nobel d’Économie pour ses travaux portant sur l’application de la psychologie au monde de la finance. La finance comportementale recevait enfin ses lettres de noblesses. Maintenant on reconnaissait la présence de biais cognitifs sur les marchés boursiers et l’impact de ceux-ci sur les résultats financiers. Défini comme étant une distorsion dans le traitement d'une information, les biais cognitifs altèrent le raisonnement et la prise de décisions. Parmi ceux-ci on retrouve le biais de rétrospection. Ce « travers » de comportement se défini comme étant la tendance à croire à tort, après les faits, que les récents événements auraient pu être prédit. La fin d’année chaotique était-elle prévisible?
Lors d’une publication de mi-année nous affirmions que l’année 2018 ne passerait possiblement pas à l’histoire par ses rendements mais bien par les rebondissements qui l’auront caractérisée. Sur fond de tension géopolitique avec la Corée du Nord, de réouverture de l’ALENA, d’élection de mi-mandat, de resserrement de la politique monétaire, du Brexit et de la guerre commerciale, 2018 aura tout de même été l’ année où le présent cycle haussier devint le plus long jamais enregistré (figure 1).
Nous voilà en fin d’année 2018. Du côté américain, jamais le mois de décembre n’aura été aussi tumultueux. Entraînant dans son sillage le marché canadien. Était-ce prévisible ? Croire à l’évidence d’un recul aussi marqué sur les marchés boursiers relève de l’utopie, voire d’un biais cognitif.
Jamais dans l’histoire moderne la journée du 24 décembre n’aura été sujette à une baisse aussi marquée sur les marchés boursiers américain. Signe qu’il fallait vendre la veille ? Jamais la journée du 26 décembre n’aura offert une poussée à la hausse aussi remarquable sur ces mêmes marchés américains. Signe qu’il fallait acheter le 24 décembre?
D’un certain point de vue, il est vrai que le portrait de la situation est contrasté. D’une part la Réserve Fédérale qui devrait continuer à relever sa cible de taux d’intérêt pendant que d’importantes préoccupations géopolitiques entrent en ligne de compte; guerre commerciale sino-américaine, l’orientation des politiques économiques nationales de la Chine, le Brexit et la viabilité de la trajectoire budgétaire du gouvernement italien. La tendance à accorder une oreille plus attentive aux éléments plus négatifs ne devrait pas détourner notre attention d’éléments forts positifs. Jamais n’a-t-on vu un marché du travail aussi robuste. Avec un taux de chômage à des creux historiques et des banques centrales relativement conciliantes, le pouvoir d’achat des consommateurs demeure solide. Les récentes mesures de relance budgétaires chez nos voisins américains devrait stimuler l’économie pendant un certain temps encore, la croissance des bénéfices des sociétés reste solide et les conditions du marché du travail sont positives dans de nombreux pays. Les données fondamentales servant de bases à évaluer si un marché est abordable démontre qu’il n’est pas exagérément surévalué et continue d’être porté par la faiblesse des taux d’intérêt et une croissance encore robuste des ventes et des bénéfices.
Comme le rappelait M. Michel Doucet, vice-président, Gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Valeurs mobilières et collaborateur au Groupe Gingras-Barrette « Quelqu’un pourrait rappeler aux investisseurs au doigt pesant sur le bouton vente que les États-Unis sont au plein emploi, qu’il y a pénurie de main-d’œuvre, que les salaires sont en hausse, que le taux d’épargne des ménages est de 6,2%, que la politique monétaire est encore accommodante, que la consommation représente environ 70% du PIB dont 68% sont des services, que l’essence à la pompe est abordable et qu’une hypothèque 30 ans fixe à 5% n’est pas une catastrophe! »
Les investisseurs se souviendront de 2018 comme une année marquée par le retour de la volatilité et son effet sur les rendements des portefeuilles. Un rendement nettement en dessous de la moyenne observée depuis 10 ans. En fait, pour la première fois depuis l’ère Nixon, aucune catégorie d’actifs n’aura réussi à franchir le cap des 5 % de rendement. En ce qui concerne les pertes, les investisseurs ont connu pire, mais généralement lorsqu’une catégorie d’actifs recule, une autre monte. En 1974, les ressources naturelles s’étaient distinguées du lot; en 2002, c’étaient les fonds de placement immobilier et en 2008, les obligations gouvernementales de plusieurs grands pays. En 2018, aucune des catégories d’actifs ne s’est réellement distinguée. Le tableau ci-joint montre à quel points la diversification joue un rôle important dans la construction d’un portefeuille. Il montre également dans quelle mesure il peut s’avérer difficile de prédire quel sera la classe d’actifs qui se démarquera sur une année donnée. La figure suivante permet d’observer quels furent les meilleurs et les pires « performeurs » pour chacune des 10 dernières années ainsi que le rendement généré lors de chacune des années civiles.
À quelques reprises nous avons mentionné que les marchés haussiers ne meurent pas de vieillesse mais bien d’une suite de politiques économiques inappropriées. Pourrions-nous ajouter à cela l’imprévisibilité d’un Président américain aux méthodes peu orthodoxes, voire totalement déstabilisante? Il est vrai que la volatilité des derniers mois coïncide avec les virulentes sorties de Trump à l’encontre du « partenaire » chinois ou encore de son acharnement à discréditer le travail de M. Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine, sur sa politique monétaire. Mais Trump accepterait ‘il d’être identifié comme le président ayant mis un terme à cette période de croissance économique historique?
Premier temps…
Les États-Unis, dont l’économie est quasi-autosuffisante devraient continuer à se distinguer du reste du monde qui cherchera tant bien que mal à trouver son équilibre. Pour le reste du monde, le protectionnisme, le commerce international et la Chine seront les principaux facteurs à l’œuvre.
En remettant de l’argent dans les poches des contribuables et des entreprises, le président Trump a répondu aux attentes populistes de sa base électorale. Il a du coup ajouté au carburant économique déjà riche, compliquant la tâche de la Fed et, par le fait même, alimentant sur les bases du protectionnisme.
Sommes toute l’économie américaine devrait poursuivre sa course en 2019 quoi qu’à un rythme moins rapide. Reste à voir comment se dessinera le feuilleton Trump-Powell. Ce dernier sera-t’il toujours aux commandes de la Fed en fin d’année. Chaque hausse du taux directeur à venir provoquant une montée des taux d’intérêt suivis d’une période de stabilisation. Le marché boursier poursuivra son chemin en 2019 en dépit de pointes de volatilité.
Deuxième temps…
Une escarmouche/guerre commerciale n’est avantageuse pour personne, surtout dans un contexte économique mondial où la production est intégrée. Pour la Chine, elle arrive au moment où la demande intérieure ralentit. Ultimement, cela mènera à une accélération des réformes structurelles et à l’adoption d’un nouveau plan de relance. Un contexte favorable pour la Chine et le monde à moyen terme, mais aussi pour les bourses des pays émergents. En Europe, les perspectives économiques sont brouillées par la politique (Italie et Brexit), la déconnexion politico-sociale apparente (France) Les consommateurs et les entreprises sont une force dont il faut tenir compte pour l’économie.
Au Canada, la baisse de la demande intérieure porte à réfléchir. L’endettement des ménages, le taux d’épargne anémique et la normalisation monétaire sont autant de boulets pour la consommation. Certes, la pénurie de main-d’œuvre entraînera une amélioration des conditions de travail. Mais les hausses salariales seront-elles englouties par la hausse des taux d’emprunt ? En fin de cycle, les entreprises pourraient préférer l’attentisme à l’investissement. Pour le TSX, la direction des taux d’intérêt et du prix du pétrole donnera le ton en 2019. Et les deux devraient augmenter graduellement dans la prochaine année.
Globalement, nous tablons sur une continuité du cycle d’investissement. Une version en apparence audacieuse après une année 2018 éprouvante pour les investisseurs. Les craintes d’une récession mondiale peuvent causer une pression à la vente intense comme on l’a vu plus tôt dans ce cycle en 2011-2012, et à nouveau en 2015-2016, mais pas mettre fin à un marché haussier cyclique à moins que la récession se matérialise effectivement.
2018 nous rappelle que la volatilité occupe un rôle déterminant dans un cycle d’investissement. Il faut faire avec et, surtout, en tirer avantage dans des mouvements extrêmes et irrationnels. Au cours du dernier trimestre nous avons volontairement augmenter l’encaisse de nos portefeuilles modèles en réduisant notre exposition autant du côté du revenus fixes que du côté des titres de participations. Ce niveau d’encaisse constitue un luxe dont il faut tirer parti. Les premières semaines de janvier devraient nous donner l’occasion de remettre au travail les sommes mises de côté en prévision des périodes de volatilité extrême. D’ici là nous devrons accepter de voir les marchés évolués en dent de scies, malheureusement au gré des communications (tweets) du locataire de la Maison-Blanche.
L’évaluation de sa propre tolérance aux risques est un processus en continue. Les mouvements du dernier trimestre ont sans aucun doute poussé plusieurs investisseurs à remettre en question leur positionnement de portefeuille, voire à déroger du plan de match. « Investir avec succès implique la capacité à identifier et à dépasser les faiblesses de son propre esprit ». Les 5 convictions (voir ci-bas) sur lesquelles reposent les fondements du Groupe Gingras-Barrette prennent plus que jamais tout leur sens.
Au plaisir d’en discuter avec vous.
Bonne année 2019 et encore merci pour votre confiance.
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