Lettre financière, printemps 2022, 59e édition

La toile de fond géopolitique est en transformation.

Phare sur l'horizon, les marchés financiers ont projeté que l'invasion de l'Ukraine ne provoquerait pas une guerre mondiale et une récession mondiale. Aussi ciblées soient-elles, les sanctions économiques contre la Russie perturbent néanmoins la chaine d'approvisionnement (dont le pétrole, le gaz naturel, le néon, le krypton, le xénon, les microprocesseurs…) et font grimper l'inflation. Aux États-Unis, elle a atteint 7,9 % en février, un niveau inégalé depuis 1981. Au Canada elle s'est hissée à 5,7 %, du jamais-vu depuis le début des années 90 1990.

La politique de tolérance zéro de la Chine au Covid, la sixième vague pandémique, la guerre en Ukraine, les sanctions économiques contre la Russie, la rareté de certaines composantes pour produire de composantes électroniques, la capacité de production, de transformation et de livraison des entreprises, la démographie et la pénurie de main-d'œuvre perturbent la chaine d'approvisionnement. À moins d'un dysfonctionnement structurel, le capitalisme s'ajustera et se transformera dans l'optique d'optimiser la profitabilité. Selon Adam Smith, la « main invisible » permettra d'atteindre une situation d'équilibre naturel entre l'offre et la demande, mais demandera du temps.

Indices

Niveau

3 mois

6 mois

1 an

S&P/TSX

21 890,16

3,84 %

10,60 %

20,27 %

S&P 500 ($ US)

4 530,41

-4,60 %

5,91 %

15,63 %

MSCI Pays émergents ($ US)

1 141,79

-6,99 %

-8,11 %

-11,13 %

MSCI Monde ($ US)

3 053,07

-5,04 %

2,43 %

10,62 %

Taux de change $ CAN/$ US

0,80

0,79

0,78

0,43 %

FTSE/TMX Obligations court terme

741,12

-2,98 %

-3,45 %

-3,31 %

FTSE/TMX Obligations moyen terme

1 204,27

-6,83 %

-6,53 %

-5,04 %

Or ($ US)

1 937,44

1 829,20

1 726,37

13,45 %

Inflation

Globalement, les perturbations des chaines d'approvisionnement, l'effet de politiques monétaires et budgétaires expansionnistes et la pression des salaires et des prix des ressources feront croître l'inflation au-dessus des cibles des grandes banques centrales en 2022. D'ici l'été, il est même possible que l'effet d'entraînement des sanctions contre la Russie et la poussée du prix des ressources amènent l'inflation annuelle à, momentanément, friser les 7 % au Canada et les 10 % aux États-Unis.

Politique monétaire

Déjà amorcé dans plusieurs pays (dont en Australie, au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni), le cycle de normalisation monétaire s'accélérera dans les prochains mois, surpassant les attentes du marché obligataire.

Le Mouvement Desjardins prévoit six hausses de son taux directeur en 2022, suivies de trois en 2023, respectivement 2 % et 2,75 % en fin d'année. Il n'est pas exclu que la Fed (Réserve fédérale des États-Unis) doive en faire davantage si la croissance des prix continuait à dépasser ses attente.
Au Canada, la BDC (Banque du Canada) a relevé son taux directeur d'un demi-point de pourcentage, à 1 % le 13 avril dernier. Tiff Macklem (Gouverneur) rappelait que l'économie était solide et que l'inflation dépassait largement sa fourchette cible de 1 à 3 % depuis le printemps.

Selon lui, l'inflation se caractérise par trois grands phénomènes : « Le premier est la tendance, partout dans le monde, à privilégier les biens au détriment des services pendant la pandémie, conjuguée aux perturbations de la production et de la livraison des biens causées par la pandémie. Le deuxième est la généralisation de la hausse des prix des produits de consommation courante comme les aliments et l'énergie : il est donc devenu plus difficile pour les consommateurs d'éviter de payer plus cher. Et le troisième phénomène est la vigueur de la reprise au Canada et l'équilibre global entre la demande et l'offre. » Ajoutant que cette généralisation des pressions sur les prix est « extrêmement préoccupante ».
Selon la Bank of America, la BDC enchainera trois hausses consécutives d'un demi-point de pourcentage en avril, juin et juillet, puis elle ajustera son taux directeur à coup d'un quart de point jusqu'à ce qu'il atteigne 3,25 % en mars 2023. À ce rythme, l'économie canadienne risque de basculer en récession avant la fin de l'année. Cette enflure dans les prévisions nous semble démesurée et non réaliste.

À lui seul, le taux d'endettement des ménages invite à une mouvance graduelle du taux directeur et l'acceptation par ceux qui la gouvernent que la gouvernance monétaire est une science inexacte. Certes, l'inflation est élevée, la pénurie de main-d'œuvre fait augmenter les salaires et les goulots d'étranglement dans la chaine d'approvisionnement mettent en déséquilibre l'offre et la demande, mais resserrer les conditions monétaires jusqu'à faire basculer l'économie en récession après tous les efforts qu'ont déployés les autorités publiques pour la garder à flot depuis 2020 n'est pas un scénario réaliste. Le Mouvement Desjardins prévoit que le taux directeur se situera à 1,50 % en fin 2022 puis à 2,00 % en fin 2023.

La réserve fédérale prédit une croissance le PIB nominal de 7,1 % en 2022 et de 4,6 % en 2023, respectivement. Les modèles de la Fed de New York et de Cleveland donnent une probabilité de 6,1 % et de 4,7 % qu'une récession arrive dans les douze prochains mois. Pourtant, à la mi-mars, le tiers des répondants à un sondage CNBC prévoyaient une récession. Possiblement que la guerre en Ukraine, la montée du prix des ressources et de l'inflation et la courbe de rendement ont pesé dans la balance.
À moins que la Fed appuie fermement sur les freins et cela trop rapidement, une récession est improbable sur un horizon de 12 à 18 mois. Le Mouvement Desjardins prévoit une croissance du PIB réel de 3 % en 2022 et de 2,4 % en 2023.
Au Canada, le PIB réel a augmenté de 0,2 % en janvier et de 3,5 % sur un an, dépassant le sommet prépandémique de février 2020. Les industries de biens, avec la construction en tête de peloton suivie de près par les services publics, ont connu une progression importante. Le Mouvement Desjardins s'attend à ce que le PIB croisse de 3,5 % en 2022 puis de 2,5 % en 2023.

Perspectives des taux d'intérêt

Mondialement, le marché obligataire a effacé quelque 2 600 milliards en valorisation au premier trimestre. Une telle baisse est inégalée depuis que les données ont commencé à être compilées en 1990 par le « Bloomberg Global Aggregate Index ». En 2008, le recul avait été de quelque 2000milliards. La force persistante de l'inflation et le changement d'orientation adopté par les grandes banques centrales pour faire tendre l'inflation à sa cible expliquent l'essentiel de la hausse des taux d'intérêt. Aux États-Unis, le « Bloomberg US Aggregate Bond Index » a enregistré un recul de 5,93 % au premier trimestre. Au Canada, l'indice des obligations universelles FTSE Canada a baissé de 6,97 % pour les trois premiers mois.

L'entêtement de l'inflation à ne pas descendre et l'action des banques centrales continueront à peser sur le secteur obligataire en 2022. Selon les prévisions du Mouvement Desjardins, le taux des obligations fédérales échéant dans 2 et 10 ans seront de 2,70 % et 2,80 % aux États-Unis et de 2,35 % et 2,55 % au Canada. Fait à noter, la pente de la courbe de rendement sera positive.

Pour ces raisons, notre stratégie est de sous-pondérer la classe d'actif des obligations selon nos cibles et également d'avoir une durée moyenne courte (2,25 ans), car plus la durée est courte, plus la volatilité est limitée.

Répartition d'actifs

Après le premier trimestre de 2022, nous maintenons un biais neutre à l'égard de l'encaisse, une sous-pondération du marché obligataire et une légère surpondération du marché des actions. Bien que ce positionnement puisse sembler plein d'optimisme, il s'agit surtout d'un positionnement relatif alors que plusieurs classes d'actifs sont actuellement dispendieuses et que les aubaines se font rares. L'humilité et la gestion des attentes demeurent des incontournables du moment, surtout compte tenu des multiples sources d'inquiétudes présentes pour le moment.

Si l'impact des hausses de taux d'intérêt est indiscutable sur les valeurs obligataires, la relation avec les cours boursiers demande plus de nuances. Primo, les compagnies ne présentent pas des revenus en dollars réels (ajustés pour l'inflation), mais bien en terme nominal. Ainsi, un monde où l'économie carbure à une inflation soutenue, mais pas excessive pourrait être bienvenu pour les résultats à venir des entreprises.

Par surcroît, au cours des dix dernières années, les bénéfices anticipés des douze prochains mois ont affiché une très forte corrélation avec les chiffres d'inflation. Ainsi, est-ce que les investisseurs devraient réellement craindre l'inflation?

À la lumière des perspectives économiques, la répartition géographique s'articule de la façon suivante :

  • États-Unis : surpondération
  • Canada : surpondération
  • Europe : sous-pondération
  • Pays émergents : sous-pondération

En conclusion…

Nous maintenons un positionnement marginalement pro-risque sans toutefois trop déroger de nos cibles. En vue d'un rendement total projeté de 5 %, la stratégie d'investissement pour un portefeuille équilibré (encaisse : 10 %; revenu fixe : 35 %; actions : 55 %).

Si l'inflation courante accapare une dose importante des inquiétudes des investisseurs, elle ne s'y limite pas. La normalisation accélérée de la politique monétaire, alors que la croissance économique devrait déjà ralentir, devra être suivie. Comment les marchés réagiront-ils à la hausse des taux? Est-ce que cette pression à la hausse sur l'inflation et à la baisse sur l'activité économique pourrait faire naître un scénario de stagflation? La Chine réussira-t-elle à dompter ses géants technologiques dans l'optique d'une prospérité commune tout en permettant un rebond des titres? L'OPEP+ pourra-t-elle conserver sa discipline exemplaire et faire la sourde oreille aux demandes répétées de rehaussement de la production? Et la Russie… Si tout accord de cessez-le-feu ou de fin du conflit était une excellente nouvelle, les sanctions imposées à la Russie devraient assurément demeurer en place bien plus longtemps.

Enfin, face à un lot d'incertitudes, l'adoption d'une approche balisée, mesurée et équilibrée est de mise. C'est face à de multiples défis et lors de périodes plus volatiles que la vraie valeur du conseil prend toute sa signification.

D'emblée, admettons que les réponses à cet énigmatique contexte seront imparfaites et incomplètes. Pour maintenir le cap sur les objectifs à long terme, la stratégie d'investissement s'appuie sur des piliers cardinaux : rigueur d'analyse, gestion du risque, diversification, optimisation du rendement ajusté pour le risque et précision d'exécution. Maintenir le cap implique aussi de faire abstraction des manchettes et des émotions.

Nous espérons que ces informations vous aideront à mieux comprendre les marchés et nous demeurons à votre entière disposition pour discuter plus longuement de nos stratégies d'investissement. Nous vous réitérons notre engagement à travailler toujours plus fort pour dénicher les bonnes occasions qu'offrent les marchés financiers, de manière à vous aider à réaliser vos objectifs à long terme.

Chacun des conseillers de Valeurs mobilières Desjardins (VMD) dont le nom est publié en page frontispice du présent document ou au début de toute rubrique de ce même document atteste par la présente que les recommandations et les opinions exprimées aux présentes reflètent avec exactitude les points de vue personnels des conseillers à l’égard de la société et des titres faisant l’objet du présent document ainsi que de toute autre société ou tout autre titre mentionné au sein du présent document dont le conseiller suit l’évolution. Il est possible que VMD ait déjà publié des opinions différentes ou même contraires à ce qui est ici exprimé. Ces opinions sont le reflet des différents points de vue, hypothèses et méthodes d’analyse des conseillers qui les ont rédigées. Avant de prendre une décision de placement fondée sur les recommandations fournies au présent document, il est conseillé au receveur du document d’évaluer dans quelle mesure celles-ci lui conviennent, au regard de sa situation financière personnelle ainsi que de ses objectifs et besoins de placement.

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