Lettre financière, hiver 2023, 62e édition

Un mauvais millésime

L’année a été pénible pour de nombreux ménages et investisseurs canadiens. Les emplois abondent et la croissance des salaires atteint presque un sommet en dix ans. Il est toutefois difficile de s’en réjouir lorsque l’on considère que l’inflation a augmenté encore plus rapidement et qu’elle a entraîné une baisse des salaires réels. Il y a aussi les hausses de taux d’intérêt décrétées par la Banque du Canada (BdC) dans l’espoir de ramener la croissance des prix au pays près de la cible – faible, stable et prévisible – de 2 %. Ces augmentations ont eu pour effet de faire battre en retraite la valeur des actifs et les secteurs de l’économie sensibles aux taux d’intérêt. Comme l’actif principal de la plupart des ménages canadiens est leur maison, nombreux sont ceux qui ont vu la valeur de leur pécule fondre tout en devant assumer des paiements hypothécaires de plus en plus élevés. Par conséquent, les dépenses de consommation ont ralenti, et elles s’affaibliront probablement davantage tandis que les Canadiens feront tout ce qu’ils peuvent pour conserver leur propriété.

Un scénario d’inflation élevée soutenue ne signifierait qu’une chose : des taux plus élevés pendant plus longtemps.

Indices

Niveau

3 mois

6 mois

1 an

S&P/TSX

19 384,92

5,97 %

4,54 %

-5,75 %

S&P 500 ($ US)

3 839,50

7,55 %

2,30 %

-18,13 %

MSCI Pays émergents ($ US)

1 943,93

9,63 %

-2,92 %

-19,94 %

MSCI Monde ($ US)

2 602,69

9,89 %

3,22 %

-17,71 %

Taux de change $ CAN/$ US

0,74$

0,72$

0,78$

-6,75 %

Rend. oblig. Canada 2 ans

732,95

0,67 %

0,36 %

-4,04 %

Rend. oblig. Canada 10 ans

1 159,58

0,34 %

1,19 %

-10,29 %

Pétrole ($ US)

80,26$

79,49$

105,76$

6,71 %

Or ($ US)

1 824,02$

1 660,81$

1 807,27$

-0,28 %

 

La récession mondiale à nos portes

Certains des problèmes d’approvisionnement qui ont fragilisé la croissance économique et amplifié l’inflation semblent s’apaiser. Toutefois, plusieurs facteurs suggèrent tout de même que l’économie mondiale devrait connaître une récession en 2023. On s’attend à des contractions du PIB réel de la zone euro dès le dernier trimestre de 2022, alors que la situation énergétique demeure précaire et qu’elle continue d’alimenter l’inflation.

Aux États‑Unis, la situation devrait être de plus en plus difficile en 2023 alors que les effets des hausses de taux d’intérêt et d’autres facteurs négatifs se feront davantage sentir. L’économie américaine pourrait connaître une récession avec trois trimestres de contraction, des pertes d’emplois et une hausse du taux de chômage.

En ce qui concerne le Canada, nous prévoyons toujours une récession courte et modérée, une récession qui pourrait néanmoins s’étirer jusqu’au troisième trimestre. Les risques liés à nos perspectives demeurent orientés à la baisse, car les ménages sont de plus en plus confrontés à la réalité des coûts plus élevés de leurs dettes hypothécaires.

La hausse de taux décrétée par la BdC le 7 décembre devrait être la dernière du cycle de resserrement et nous prévoyons des baisses à compter de la fin de 2023. Aux États-Unis, nous prévoyons que la Réserve fédérale augmentera encore les taux au premier trimestre de 2023 avant d’arrêter ces augmentations.

Répartition d’actifs

Les investisseurs et les épargnants souhaitent probablement oublier l’année 2022. Parmi les classes d’actifs considérées, seuls l’encaisse et le dollar américain offriront des rendements positifs. La valeur des propriétés, qui est l’une des principales sources d’épargne pour bien des ménages, devrait aussi continuer de se corriger. Pire encore, lorsqu’on prend en compte l’inflation, qui devrait atteindre 6,4 % pour l’ensemble de l’année, les rendements réels des classes d’actifs sont encore plus faibles. Après deux années de forte croissance de la valeur des actifs, c’est le prix à payer pour maîtriser l’inflation. Un rebond des rendements pourrait être observé en 2023, mais la très forte probabilité d’un passage en récession vient limiter les attentes. Non seulement les bénéfices auront du mal à progresser, mais les multiples d’évaluation seront limités par l’incertitude et le retour d’alternatives aux actions.

Pour l’année 2023, nous maintenons une bonne dose de prudence dans la répartition d’actifs recommandée. Nous recommandons une surpondération de l’encaisse, une position variant de neutre à modestement sous-pondérée en obligations ainsi qu’une pondération neutre en actions.

Revenus fixes

La lutte contre l’inflation par les banques centrales a bouleversé les marchés obligataires mondiaux. Si les rendements de la classe d’actifs en 2022 sont bien en deçà des attentes, les rendements espérés se sont particulièrement améliorés. Même après un nouveau recul des taux, certains segments du marché obligataire affichent leurs meilleurs rendements espérés des dix ou quinze dernières années.

Non seulement les rendements à échéance sont supérieurs, mais l’efficacité fiscale s’est aussi améliorée. Puisque bien des obligations ont été émises dans un régime de taux plus bas, plusieurs cours se retrouvent à escompte par rapport aux valeurs nominales. Ainsi, non seulement les obligations promettent de générer des rendements courants plus élevés, mais ceux-ci incorporeront en plus une composante de gain en capital qui en améliorera implicitement l’efficacité fiscale. Par surcroît, la capacité de protection des obligations est aussi améliorée. Lorsque les taux étaient très bas, les gains de valeur potentielle des obligations, advenant une baisse des bourses, étaient très limités. La remontée des taux fait en sorte que si une mauvaise surprise devait frapper le marché des actions, alors les gains potentiels du marché obligataire seraient désormais plus favorables! Évidemment, si l’inflation devait se montrer plus persistante, la lutte à celle-ci pourrait durer plus longtemps et infliger de nouvelles baisses aux détenteurs d’obligations. Or, les signes de décélération économique s’accumulent, particulièrement au Canada, laissant croire que le cycle de resserrement monétaire tire à sa fin. Aux États-Unis, il pourrait toutefois durer encore quelques mois et inclure quelques hausses additionnelles.

Si les taux d’intérêt devaient revisiter leurs récents sommets, alors il pourrait s’avérer pertinent de surpondérer les obligations et d’opter pour une durée plus longue que celle de notre indice de référence.

Actions

Bien qu’inconfortables, les replis affichés par les principales bourses en 2022 n’ont rien d’exceptionnel. Certes, des replis de 25 %, voire davantage, secouent assurément les investisseurs, même les plus aguerris. Le S&P 500 affichait même un recul de 28 % en cours d’année. Pour les investisseurs dont l’horizon est suffisamment long, de tels replis représentent de bons points d’entrée.

Les marchés financiers étant considérés comme des vases communicants, les actions ne peuvent pas être évaluées en vase clos. Non seulement la venue possible d’une récession limite le potentiel de croissance des bénéfices, mais la remontée des taux d’intérêt réduit l’attrait relatif des actions. Des rendements espérés, somme toute modestes pour les douze prochains mois, militent pour un maintien des actions à une position neutre.

À la lumière des perspectives économiques, la répartition géographique s’articule de la façon suivante :

  • États-Unis : surpondération
  • Canada : surpondération
  • Europe : sous-pondération
  • Pays émergents : sous-pondération

En début d’année, nous appelions à faire preuve d’une grande humilité à l’égard des rendements des récentes années et à une gestion sereine des attentes à l’égard des rendements futurs. D’abord, la plupart des marchés avaient été plutôt cléments malgré le choc pandémique. Ensuite, le niveau en absolu très bas des taux d’intérêt et les multiples d’évaluation des actions supérieurs aux moyennes prépandémiques limitaient les rendements pouvant raisonnablement être espérés. La situation actuelle est nettement plus prometteuse. Selon une étude récemment publiée par J.P.Morgan Asset Management, les rendements espérés pour les prochaines années sont à un sommet par rapport aux dix dernières années! Malgré toute l’incertitude à court terme, le potentiel pour l’investisseur dont l’horizon est suffisamment lointain s’avère nettement plus attrayant qu’à l’aube de 2022!

En conclusion

Une nouvelle année s’amène généralement avec une bonne dose d’espoir de jours meilleurs et de saines résolutions. Or, toutes les meilleures intentions du monde n’auront pas le dessus sur l’inflation. Mais les banquiers centraux promettent de mener cette lutte à terme, coûte que coûte. Si le prix de cette épopée semble bien élevé à court terme, celui de laisser l’inflation galoper librement au risque de désancrer les attentes inflationnistes des ménages est bien plus grand : il est prohibitif! Néanmoins, les signes déjà bien sentis de la décélération de l’économie canadienne laissent croire que le resserrement monétaire tire à sa fin. Il restera à voir combien de temps les taux devront demeurer aux niveaux actuels et combien de temps les ménages pourront tenir le coup. Si une récession apporte généralement l’éveil de forces déflationnistes, l’ultime énigme émane possiblement du marché du travail. Pour l’investisseur, la meilleure nouvelle potentielle des prochains mois pourrait ironiquement être des pertes d’emplois! À l’opposé, un marché du travail résilient avec des embauches nombreuses et des hausses de salaire soutenues pourraient bien inciter les banques centrales à maintenir la pression plus fortement, et plus longtemps.

Malgré un contexte volatil et incertain, plusieurs classes d’actifs affichent des rendements espérés en nette amélioration comparativement à la même période l’an dernier. Évidemment, le contexte volatil a le potentiel d’ébranler les convictions de bien des investisseurs. Mais c’est face à des périodes incertaines que la valeur du bon conseil prend tout son sens.

Nous espérons que ces informations vous aideront à mieux comprendre les marchés et nous demeurons à votre entière disposition pour discuter plus longuement de nos stratégies d’investissement. Nous vous réitérons notre engagement à travailler toujours plus fort pour dénicher les bonnes occasions qu’offrent les marchés financiers, de manière à vous aider à réaliser vos objectifs à long terme.

 

Louis Vazzoler
Gestionnaire de portefeuille

Chacun des conseillers de Valeurs mobilières Desjardins (VMD) dont le nom est publié en page frontispice du présent document ou au début de toute rubrique de ce même document atteste par la présente que les recommandations et les opinions exprimées aux présentes reflètent avec exactitude les points de vue personnels des conseillers à l’égard de la société et des titres faisant l’objet du présent document ainsi que de toute autre société ou tout autre titre mentionné au sein du présent document dont le conseiller suit l’évolution. Il est possible que VMD ait déjà publié des opinions différentes ou même contraires à ce qui est ici exprimé. Ces opinions sont le reflet des différents points de vue, hypothèses et méthodes d’analyse des conseillers qui les ont rédigées. Avant de prendre une décision de placement fondée sur les recommandations fournies au présent document, il est conseillé au receveur du document d’évaluer dans quelle mesure celles-ci lui conviennent, au regard de sa situation financière personnelle ainsi que de ses objectifs et besoins de placement.

Haut de page