Lettre financière, automne 2023, 65e édition

« Beaucoup plus d’argent se perd à anticiper les corrections que dans les corrections elles-mêmes. » (Peter Lynch)

L’année 2023 a été marquée par des turbulences dans le secteur bancaire, des espoirs déçus d’une relance de l’économie par la réouverture en Chine et des améliorations marginales de l’inflation sous-jacente dans plusieurs pays. La réaction des économies a été contrastée. Malgré les hausses de taux plus agressives de la Réserve fédérale américaine, l’optimisme a gagné les marchés financiers quant à la possibilité d’un atterrissage en douceur réussi aux États-Unis. À l’inverse, l’économie chinoise s’embourbe et les différents défis auxquels elle est confrontée semblent difficiles à résoudre à court terme. Quant à la zone euro, qui avait commencé l’année avec optimisme, elle est désormais confrontée à la perspective d’une contraction imminente de son PIB réel.

Indices

Niveau

3 mois

6 mois

1 an

S&P/TSX

19 541,27

-2,20 %

-1,07 %

9,62 %

S&P 500 ($ US)

4 288,05

-3,27 %

5,18 %

21,59 %

MSCI Pays émergents ($ US)

952,78

-2,85 %

-1,87 %

12,06 %

MSCI Monde ($ US)

2 853,24

-3,36 %

3,40 %

22,60 %

Taux de change $ CAN/$ US

0,74$

0,76$

0,74$

0,75 %

FTSE/TMX INDICE COURT TERME

739,38

-0,12 %

-0,92 %

1,56 %

FTSE/TMX INDICE MOY. TERME

1 136,81

-3,74 %

-5,60 %

-1,63 %

Pétrole ($ US)

90,79$

70,64$

75,67$

11,77 %

Or ($ US)

1 848,63$

1 919,35$

1 969,28$

11,33 %

Dans cet environnement complexe, un facteur constant continue d’influencer nos hypothèses : les taux d’intérêt élevés continueront d’avoir un effet restrictif sur l’économie mondiale. Cela vaut pour les États-Unis où la réserve d’épargne excédentaire qui soutient les dépenses de consommation est presque épuisée. Si l’on ajoute à cela d’autres pressions telles que des taux d’intérêt réels élevés, la reprise du remboursement des prêts étudiants, le resserrement des conditions de crédit et le ralentissement des embauches, on ne peut pas encore parier trop fortement sur un scénario d’atterrissage en douceur. Nous maintenons notre scénario de base, à savoir une légère récession.

Au Canada et au Québec, le vent semble tourner rapidement. On entre dans la période où les effets du resserrement sont les plus importants, puisque le début du cycle de resserrement date maintenant de plus de 18 mois. La faiblesse de l’économie est indéniable, surtout si l’on considère l’accélération de la croissance démographique : le PIB réel par habitant s’inscrit à -2 % en variation annuelle, en date du deuxième trimestre. En parallèle, le taux de chômage est en hausse depuis le mois de mai, et compte tenu du relâchement des tensions sur le marché du travail, nous prévoyons de nouvelles augmentations.

Si l’on ajoute le frein persistant que constitue l’effet des renouvellements de prêts hypothécaires, nous prévoyons que le Canada entrera dans une légère récession au tournant de l’année. Cela signifie que les taux d’intérêt ne resteront pas élevés pour encore très longtemps. D’ici mars prochain, nous pensons que la Banque du Canada estimera que le processus de rééquilibrage de l’offre et de la demande est suffisamment enraciné pour justifier un certain assouplissement de la politique monétaire. Toutefois, l’objectif d’une inflation à 2 % ne sera probablement pas atteint avant la fin de l’année 2024, ce qui empêchera la Banque du Canada, comme la plupart des banques centrales, d’injecter des mesures de relance monétaire substantielles, comme ce fut le cas lors des précédents ralentissements.

TAUX D’INTÉRÊT

Les banquiers centraux au Canada et aux États-Unis croient que les taux d’intérêt devront être plus élevés pendant plus longtemps. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’ils les relèveront de nouveau, mais qu’ils pourraient plutôt attendre un certain temps avant de décréter des baisses de taux. Nous prévoyons toujours que la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine maintiendront les taux directeurs inchangés pour le reste de l’année.

RÉPARTITION D’ACTIFS

Nous sommes devenus progressivement et modestement plus défensifs dernièrement. Nous demeurons d’avis que le resserrement de la politique monétaire finira par engendrer une récession mondiale et que, bien que le moment où la récession commencera soit incertain, les investisseurs prudents feraient bien de conserver une attitude défensive dans leur portefeuille. Nous n’avons pas changé d’opinion.

Alors que la faiblesse généralisée des taux d’intérêt a forcé les investisseurs en quête de rendement absolu à prendre plus de risque depuis plus de dix ans, voilà que la remontée spectaculaire des taux fait renaître l’attrait du marché obligataire et ajoute une pression directe sur les titres de croissance. De 2008 à 2022, le rendement des bénéfices (earning yield) du S&P500 a largement dépassé le rendement des obligations gouvernementales. Or, la remontée récente des taux obligataires vient effacer la prime de risque des actions, les rendant dispendieuses relativement au marché obligataire.

La voie vers un atterrissage en douceur (inflation en baisse, mais croissance résiliente) est très étroite. Dans sa conférence de presse à l’issue de la plus récente réunion du FOMC, le président de la Fed, Jay Powell, a dit ceci : « Il est possible que nous puissions continuer d’assister à un refroidissement du marché du travail sans la forte augmentation du chômage des épisodes antérieurs ». Mais, a-t-il reconnu, « cela serait contraire à l’histoire ». Les risques restent trop élevés. Nous recommandons aux investisseurs de rester sur la défensive, de sous-pondérer modestement les actions et de garder une surpondération en liquidités.

REVENU FIXE | SOUS-PONDÉRATION

Au début 2022, nous mentionnions que les faibles taux d’intérêt allaient non seulement miner le rendement des portefeuilles équilibrés, mais qu’en plus ils allaient limiter le potentiel de protection face à une cassure des actions. Avec l’ensemble de la structure des taux d’intérêt à des sommets des dix dernières années, le rapport risque-récompense de la possession des obligations s’est nettement amélioré.

Avec une obligation 10 ans à 5,0 %, une hausse de 0,5 % des taux entraînerait un rendement de 2,5 %. En revanche, une baisse sur les 10 ans à 3 % – ce qui serait tout à fait plausible dans un scénario de récession – entraînerait un gain de 15,8 %!

Nous maintenons notre recommandation de légèrement sous-pondérer des obligations gouvernementales comme refuge le plus sûr en cas de récession. Nous restons sous-pondérés, car nous privilégions les liquidités dans une période où l’incertitude reste présente face à l’inflation. De plus, compte tenu du fait que les obligations de courte durée sont plus attrayantes que ceux de longue durée, nous ne sommes pas assez récompensés pour prendre un risque de longue durée. Lorsque des indices plus clairs de détérioration du marché du travail feront surface, alors il sera pertinent de prolonger la durée des portefeuilles. La durée de notre portefeuille de revenu fixe est présentement de quatre ans.

ACTIONS | SOUS-PONDÉRATION

Les actions ont atteint un sommet en moyenne six mois avant le début d’une récession. Si une récession débute dans la seconde moitié de 2024 aux États-Unis, ce qui est notre scénario de référence, cela donne un court laps de temps pour que les actions augmentent.

Compte tenu de la progression récente des bourses et de l’atteinte de la plupart de nos cibles fixées en début d’année, d’autant plus qu’il ne nous apparaît pas justifié de revoir à ce moment nos bénéfices anticipés et multiples appliqués, alors l’exposition passive aux actions pourrait décevoir en seconde moitié d’année. Toutefois, puisque la performance s’est avérée très concentrée et qu’une panoplie d’entreprises de qualité ont moins bien performé que les indices globaux, alors les prochains mois devraient être plus propices à la gestion active.

À la lumière des perspectives économiques, la répartition géographique s’articule de la façon suivante :

  • États-Unis : surpondération
  • Canada : sous-pondération
  • Europe : neutre
  • Pays émergents : sous-pondération

EN CONCLUSION

Notre scénario de base demeure que nos économies basculeront en récession au cours des 12 à 18 prochains mois. Face à un tel pivot, des forces déflationnistes s’élèveront et paveront la voix à ce que les banques centrales passent d’un mode de resserrement à un mode d’assouplissement! L’actuel environnement de taux d’intérêt élevé réduit considérablement l’attrait des actions relativement aux obligations quoique l’adoption d’un mode de prudence excessive puisse aussi avoir un coût non négligeable.

Peu importe le scénario économique, il est primordial de respecter sa répartition d’actifs et non de changer celle-ci pour tenter de prédire le marché. La répartition d’actifs de chaque investisseur a été bâtie en fonction de son âge, de sa tolérance au risque, de son horizon de placement, et de sa situation financière et personnelle.

Nous espérons que ces informations vous aideront à mieux comprendre les marchés et nous demeurons à votre entière disposition pour discuter plus longuement de nos stratégies d’investissement. Nous vous réitérons notre engagement à travailler toujours plus fort pour dénicher les bonnes occasions qu’offrent les marchés financiers, de manière à vous aider à réaliser vos objectifs à long terme.

Chacun des conseillers de Valeurs mobilières Desjardins (VMD) dont le nom est publié en page frontispice du présent document ou au début de toute rubrique de ce même document atteste par la présente que les recommandations et les opinions exprimées aux présentes reflètent avec exactitude les points de vue personnels des conseillers à l’égard de la société et des titres faisant l’objet du présent document ainsi que de toute autre société ou tout autre titre mentionné au sein du présent document dont le conseiller suit l’évolution. Il est possible que VMD ait déjà publié des opinions différentes ou même contraires à ce qui est ici exprimé. Ces opinions sont le reflet des différents points de vue, hypothèses et méthodes d’analyse des conseillers qui les ont rédigées. Avant de prendre une décision de placement fondée sur les recommandations fournies au présent document, il est conseillé au receveur du document d’évaluer dans quelle mesure celles-ci lui conviennent, au regard de sa situation financière personnelle ainsi que de ses objectifs et besoins de placement.

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