Après des performances spectaculaires depuis un peu plus de douze mois, il est tout à fait raisonnable de se poser des questions, à savoir si la tendance peut se poursuivre.
Le graphique 1 de l’indice S&P 500 illustre que les marchés fortement baissiers (20 %+, bandes rouges) coïncident généralement avec des épisodes de récession (bandes grises).
Quant au graphique 2, il montre les bénéfices d’exploitation de l’indice et les épisodes de récession (bandes grises). Il apparaît assez clairement que la plupart des baisses de profits se produisent pendant les périodes de reculs économiques. Ainsi, si les autorités monétaires parviennent à orchestrer un atterrissage en douceur (soft landing), les bénéfices pourraient poursuivre leur ascension ; possiblement à un rythme moindre, mais en progressant tout de même.
Dans un monde où les bénéfices continuent de croître, tant que l’humeur des investisseurs ne flanche pas et que le ratio cours-bénéfice demeure stable, les bourses pourraient très bien progresser au rythme de la croissance des bénéfices. La cadence pourrait être inférieure à celle des douze derniers mois, mais demeurer positive.
L’économie mondiale est au confluent de multiples courants qui devraient continuer d’influencer les attentes du marché et les prévisions économiques dans les mois à venir. Les problèmes économiques de la Chine ont été mis en évidence par la chute de ses taux obligataires, qui ont atteint des creux records, même si la banque centrale du pays a vendu ses obligations pour juguler la baisse. La faiblesse des prix des exportations chinoises a soutenu ces dernières, mais l’économie de la Chine demeure freinée par les conséquences du désendettement continu de son marché immobilier et par l’effet de richesse négatif qui en découle. L’intensification du protectionnisme occidental posera des défis supplémentaires pour les exportations à l’avenir. L’Europe a connu une croissance modeste malgré des conditions de financement toujours restrictives, en partie grâce aux grands événements sportifs de l’été. La Banque centrale européenne devrait tout de même continuer d’agir avec prudence dans la normalisation de sa politique en raison de la persistance des pressions sur les salaires et de l’inflation des services.
En revanche, un sentiment d’urgence s’est installé du côté des banques centrales nord-américaines. La Réserve fédérale (Fed), qui a commencé à assouplir sa politique plus tard que d’autres, est en mode rattrapage avec une première réduction de 50 points de base lors de sa décision du 18 septembre. La Banque du Canada (BdC) a amorcé les réductions de taux un trimestre plus tôt, faisant fi, à juste titre, des craintes exagérées liées à une divergence des politiques monétaires. En effet, les motivations de la Fed et celles de la BdC diffèrent légèrement : la première tente de rattraper son retard, tandis que la seconde cherche à protéger son économie des importants vents contraires attendus au cours de la prochaine année, notamment le ralentissement marqué de la croissance démographique et le poids des renouvellements hypothécaires.
Malgré ces différences, les économies américaine et canadienne partagent une tendance commune : le refroidissement de leur marché de l’emploi. Pour le moment, ce repli semble se faire dans l’ordre. La hausse du taux de chômage est essentiellement attribuable à la croissance démographique, tandis que les mises à pied demeurent près des creux cycliques. L’embauche a ralenti, mais c’était attendu compte tenu de la baisse du nombre de postes disponibles. Les deux économies ont affiché une croissance respectable au premier semestre, et nous prévoyons une expansion modeste mais soutenue dans les prochains mois, ce qui est peu susceptible de déclencher des mises à pied comme on en voit typiquement lors d’une récession.
Deux facteurs importants influenceront tout de même fortement ces perspectives. Le premier est le résultat des élections américaines. Comme il s’appuie fortement sur les tarifs universels, le programme de Donald Trump aurait des effets nets négatifs sur la croissance et ferait grimper l’inflation aux États‑Unis et possiblement ailleurs. Le deuxième facteur réside dans la manière dont les banques centrales géreront la normalisation des taux, dans un contexte où leurs décisions refléteront le difficile arbitrage entre les risques liés à la croissance et ceux liés à l’inflation.
Au Canada, ce défi est accentué par l’évolution et la mise en œuvre des politiques gouvernementales en matière d’immigration. Les dernières prévisions de la BdC évoquent une forte croissance démographique au cours des deux prochaines années, ce qui laisse transparaître un certain scepticisme quant à la capacité du gouvernement à atteindre pleinement ses objectifs. Mais les prévisions de la BdC ont souvent été trop optimistes dernièrement. Si le gouvernement dévoilait un plan de mise en œuvre détaillé et convaincant lors de la révision de ses objectifs d’immigration cet automne, les perspectives économiques pourraient être revues à la baisse. Cela ouvrirait possiblement la porte à une trajectoire de réduction plus audacieuse des taux au Canada comparativement à ce que les marchés prévoient actuellement.
Donald Trump 2.0
Après plusieurs mois de campagne, Donald Trump a su regagner la Maison-Blanche avec une majorité d’électeurs. Sur les marchés, la réaction est essentiellement celle à laquelle on pouvait s’attendre dans le cas de sa victoire, c’est-à-dire que les actions américaines s’apprécient et augmentent leur avance sur le reste du monde. De plus, les taux obligataires ont suivi la trajectoire à la hausse des actions. Ajoutons à cela un dollar américain qui continue de grimper et la paire USD/CAD qui se négocie actuellement à son plus haut niveau depuis 2020. La politique américaine peut être un sujet émotif toutefois pour les marchés boursiers, c’est le volet économique qui prime.
À la base, Trump est considéré comme un président favorable au milieu des affaires, ce qui explique la réaction positive des marchés boursiers américains. Une de ses promesses de campagne est de réduire le taux d’imposition des entreprises, le faisant passer de 21 % à 15 % pour les entreprises fabriquant leurs produits aux États-Unis, et à 20 % pour les autres. Cette politique contribuera à bonifier les profits des entreprises du S&P 500.
En ce qui concerne la politique commerciale du pays, il veut imposer un tarif universel de 10 % et de 60 % sur la Chine. Cette mesure viendra quelque peu réduire la croissance économique et augmenter l’inflation aux États-Unis.
Le contexte économique et budgétaire actuel est différent et plus contraignant qu’il y a huit ans. La dette a atteint un sommet et les déficits budgétaires font les manchettes régulièrement. Le spectre d’une reprise de l’inflation est une variable fort importante à laquelle les marchés vont porter attention.
Pour l’investisseur, l’important est de faire fi du bruit à court terme et de garder le cap sur sa stratégie à moyen et long terme, peu importe les manchettes et le parti au pouvoir.
L’environnement actuel semble pointer vers un atterrissage en douceur. Le marché de l’emploi se refroidit, mais la création d’emplois se poursuit à un rythme modéré. Les bénéfices des entreprises et la richesse des ménages sont favorables.
Voici un autre point important à considérer au moment où nous nous apprêtons à adopter un positionnement défensif : en moyenne, à long terme, les marchés haussiers durent plus longtemps et ont une plus forte amplitude que les épisodes baissiers (graphique suivant).
Ainsi, dans le doute, il est en général nettement plus bénéfique de conserver un biais d’optimisme plutôt que de pessimisme… même si le pessimiste peut avoir l’air bien brillant à court terme. Le succès, en investissement, c’est à long terme qu’il se mesure !
Comme le disait Peter Lynch, les investisseurs ont perdu beaucoup plus d’argent en se préparant à des corrections boursières ou en les anticipant que pendant les corrections elles-mêmes !
Investir dans un contexte de décélération économique exige une certaine dose de prudence : on maintient un positionnement stratégique sur nos cibles afin d’être en mesure de saisir les occasions lorsqu’elles se présenteront.
Tactiquement, nous recommandons un positionnement neutre en encaisse, en actions et en obligations.
Le défi des valorisations
En septembre, l’indice MSCI Monde est resté stable à son 93e centile, ce qui représente son niveau le plus élevé depuis la fin de 2021. Le défi des valorisations nous a amenés à investir dans un indice équipondéré du S&P 500 pour bénéficier de la croissance économique soutenue des États-Unis, mais dont la valorisation est plus basse et plus intéressante. De plus, l’indice équipondéré présente un meilleur potentiel de gain dans l’optique d’une reprise manufacturière, comme le style « valeur » au Canada.
Le marché canadien continue d’être de plus en plus dispendieux, passant du 83e au 87e centile en septembre. Cela dit, l’évaluation relative entre le Canada et les États-Unis demeure à un niveau très attrayant.
Le centile du S&P 500 a augmenté d’un rang, passant du 96e au 97e centile. Le marché américain demeure cher par rapport à toutes les autres régions du monde.
Nous maintenons un équilibre prudent entre les stratégies défensives et offensives pour ainsi tenter de profiter des occasions lors de corrections du marché dès que les indicateurs de sentiment seront favorables.
Après avoir touché un sommet l’automne dernier, les taux canadiens 5 ans sont passés de près de 4,50 % à un peu moins de 3,00 %. Si le taux directeur canadien devait être abaissé à 2,25 % à la fin de 2025, comme nous le prévoyons, les taux 5 ans semblent donc déjà pleinement prendre en compte le scénario selon lequel le taux directeur poursuivra sa baisse, mais les taux à moyen et long terme devraient demeurer beaucoup plus stables.
Jusqu’à présent, le taux de chômage élevé reflète une croissance démographique et un ralentissement du rythme des embauches plutôt qu’une accélération du rythme des licenciements, ce qui laisse une certaine place à l’optimisme. Il est clair toutefois que la Fed doit agir rapidement pour avoir une chance de réaliser un atterrissage en douceur.
Pour observer des mouvements plus forts du marché obligataire canadien, l’un ou l’autre de deux scénarios devra se produire. D’un côté, l’économie fera preuve d’une résilience telle que l’inflation demeurera stable, forçant la BdC à prendre une ou plusieurs pauses dans son assouplissement, ce qui entraînera, du coup, des taux plus élevés et des performances obligataires modestes. À l’inverse, si les baisses de taux ne suffisent pas à freiner la perte de vitesse de l’économie et que les données décevantes devaient s’accumuler, la BdC pourrait donc accélérer la cadence des baisses et même porter son taux directeur plus bas. Un tel scénario serait particulièrement porteur pour le marché obligataire, mais un peu moins pour la devise !
Le marché se trouve à une croisée des chemins particulièrement intéressante. La conjoncture économique demeure nébuleuse, mais les taux d’intérêt diminuent rapidement. Un tel contexte devrait tôt ou tard soutenir l’économie et donner lieu à des occasions d’investissement attrayantes.
Contrairement aux économies canadienne et européenne, l’économie américaine a résisté au resserrement monétaire jusqu’ici, mais la demande n’est pas à l’abri des hausses de taux d’intérêt freinant l’activité aux États-Unis. En attendant, force est de constater que la croissance défie tous les pronostics.
En fait, le consensus des prévisionnistes tient toujours compte du scénario de ralentissement américain, mais il l’a reporté à 2025. Or, ces perspectives sont assez cohérentes avec un délai plus long, mais pas anormal, entre le début des hausses de taux d’intérêt et leur plein effet sur l’activité économique.
Même avec les meilleurs modèles, établir des prévisions économiques est une activité périlleuse. Le scénario pris en compte sur le marché boursier actuellement ne laisse que très peu de place aux déceptions. Au 95e centile de sa distribution historique, l’évaluation du MSCI Monde ne reflète rien de moins que des perspectives grandioses. La cherté n’est plus limitée à quelques titres américains de sociétés à forte capitalisation au solide bilan financier. Au fil des mois, elle s’est étendue à d’autres régions et segments de marché qui prévoyaient, il y a quelques trimestres, un ralentissement important.
En conclusion, les dernières données tracent un portrait positif de l’économie américaine. Le marché de l’emploi se stabilise, les consommateurs montrent peu de signes de fatigue, et les bénéfices des entreprises sont en croissance. L’addition de bonnes nouvelles vient monter la barre pour les bourses qui ont livré d’excellents rendements au cours des douze derniers mois. Il est important de noter que l’appétit pour le risque est toujours très présent, tant chez les grands investisseurs institutionnels que chez les petits spéculateurs. L’histoire nous apprend que ces périodes d’euphorie peuvent durer plusieurs trimestres. Ainsi, la patience est de mise.
Nous espérons que ces informations vous aideront à mieux comprendre les marchés et nous demeurons à votre entière disposition pour discuter plus longuement de nos stratégies d’investissement. Nous réitérons notre engagement à travailler toujours plus fort pour dénicher les bonnes occasions qu’offrent les marchés financiers, de manière à vous aider à réaliser vos objectifs à long terme.
Indices |
Niveau |
3 mois |
6 mois |
1 an |
|
S&P/TSX |
24 156,87 |
5,30 % |
12,94 % |
32,06 % |
|
S&P 500 ($ US) |
5 705,45 |
3,66 % |
14,07 % |
37,99 % |
|
MSCI Pays émergents ($ US) |
1 119,52 |
3,77 % |
8,96 % |
25,88 % |
|
MSCI Monde ($ US) |
3 647,14 |
2,55 % |
11,36 % |
34,31 % |
|
Taux de change $ CAN/$ US |
0,72 $ |
0,72 $ |
0,73 $ |
-0,42 % |
|
FTSE/TMX INDICE COURT TERME |
805,95 |
1,52 % |
4,78 % |
8,16 % |
|
FTSE/TMX INDICE MOY. TERME |
1 274,66 |
1,02 % |
6,84 % |
11,72 % |
|
Pétrole ($ US) |
69,26 $ |
77,91 $ |
81,93 $ |
-14,51 % |
|
Or ($ US) |
2 743,97 $ |
2 658,24 $ |
2 286,25 $ |
38,31 % |
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