« John peut supporter bien des choses, mais une baisse de marché de 2 %, cela, non. »
– Walter Bagehot
Depuis quelque temps, ma conscience me demande de faire de plus gros efforts au point de vue environnemental. J’essaie d’acheter le plus souvent possible des produits locaux, de manger des fruits et légumes de saison et de diminuer la quantité de viande que je consomme. Parfois je succombe et j’achète de beaux gros morceaux de viande rouge. Quand tous les enfants sont réunis, nous sommes six autour de la table. Quatre enfants âgés de 10 à 13 ans, et que des filles. Je sais, je sais, je mérite mon ciel! Mais ces quatre filles en pleine croissance ont parfois un plus grand appétit que le mien. Donc, quand je veux me faire plaisir, j’achète six morceaux de viande. Il y a neuf mois, le prix était fort acceptable. Aujourd’hui, ça n’a tout simplement plus de bon sens. La viande est rendue un produit de luxe… Mais le réel problème est que le panier d’épicerie a tellement augmenté que j’en viens à me demander si l’épicerie en général n’est pas rendue un luxe.
On parle beaucoup d’augmentation salariale depuis quelques mois. L’embauche de main-d’œuvre crée de bons maux de tête aux employeurs. La réalité est qu’une famille avec deux enfants, et un revenu familial de 70 000 $ (17 $/h chacun), n’y arrive plus. De plus, le balancier économique est maintenant du côté des travailleurs. Ils ont actuellement le gros bout du bâton et la plupart des employeurs sont pris au piège et doivent augmenter les salaires pour ne pas perdre d’employés et éviter les interruptions de production. Bien sûr, pour plusieurs, la fin de la PCU, la vaccination et la réouverture des écoles devraient contribuer à ramener les travailleurs sur le marché du travail. Ce retour attendu sera toutefois insuffisant pour rééquilibrer le marché du travail. Le déséquilibre entre les nouveaux travailleurs et le départ à la retraite des « boomers » (1945-1965) est structurel et va s’accélérer au cours des prochaines années. Pour être en mesure de demeurer compétitives sur les marchés mondiaux, les entreprises n’auront d’autres choix que d’innover et d’augmenter leur productivité. Il faudra que chaque travailleur, qui aura dorénavant un salaire plus élevé, soit en mesure d’être plus productif, sinon la rentabilité des entreprises en sera affectée. J’entends déjà plusieurs propriétaires dire que nous nous retrouverons dans un cercle vicieux, car si les salaires augmentent, ils augmenteront leurs prix à leur tour et, finalement, tout coûtera plus cher. Mais la réalité est qu’aujourd’hui, il y a plusieurs options disponibles. Si le poulet est trop cher à l’épicerie, il est fort probable que le consommateur ne l’achètera pas et lui préférera un substitut animal ou se tournera vers des repas de plus en plus végétariens. Si le prix des électroménagers augmente de façon trop importante, le consommateur a toujours le choix de faire réparer le sien. Actuellement, il ne le fait pas, car la différence entre faire réparer son frigo et en acheter un nouveau n’est pas si grande. À court terme, les entreprises vont augmenter les prix, mais cette tendance ne pourra pas tenir la route, car la population se tournera vers des produits de substitution. Pendant les 10 prochaines années, la situation de la main-d’œuvre au Québec va se détériorer. Il y aura plus de départs à la retraite que de nouveaux travailleurs. Notre économie ne pourra soutenir une inflation de 5 % sur 10 ans. La survie à moyen et long terme de nos PME va donc passer par l’innovation. Les propriétaires d’entreprises québécoises devront encore une fois user de leur ingéniosité et, par conséquent, nos gouvernements n’auront d’autre choix que de leur verser diverses subventions afin de les aider à bien fonctionner et à être moins dépendantes du manque de main-d’œuvre, et ce, en vue de conserver leur rentabilité.
L’inflation et les marchés
Cela étant dit, il ne faut pas être Nostradamus pour voir que l’inflation est là pour les deux prochaines années. La question est de savoir comment positionner nos portefeuilles pour être en mesure de combattre cette inflation à moyen terme, le but étant de conserver notre pouvoir d’achat. Si vous pensez que l’inflation sera de 4 % pour les années 2021 et 2022, quels changements devraient être apportés au portefeuille pour y arriver? Nous n’aimons pas être trop techniques dans nos lettres trimestrielles, mais allons-y avec un calcul simple. Prenons un portefeuille équilibré qui est investi à 50 % dans le marché boursier et à 50 % en obligations et en certificats de placement garanti. Une légère augmentation des taux d’intérêt pourrait entraîner un recul de l’ordre de 2 % de la portion obligataire du portefeuille. Le rendement à moyen long terme de la bourse étant de 12 %, nous utiliserons cette donnée dans nos calculs.
Dans le contexte mentionné auparavant, la portion sécuritaire du portefeuille connaît un rendement de -1 % (50 % de l’investissement ayant obtenu un rendement de -2 %) et la portion croissance connaît un rendement de 6 % (50 % de l’investissement ayant obtenu un rendement de 12 %). Ce portefeuille donne alors un rendement brut de 5 %. Les frais de gestion et l’impôt sur les comptes non enregistrés n’ont pas encore été déduits. Ce qu’il faut retenir de cet exercice, c’est qu’en période de hausse des taux d’intérêt et de l’inflation, plus notre compte est sécuritaire, moins il combat l’inflation –et il risque même d’avoir un rendement négatif–, alors qu’un compte plus dynamique aura beaucoup plus de chance de battre l’inflation, mais aura pour inconvénient d’augmenter la volatilité.
There is no alternative (TINA) (il n’y a pas d’alternative)
Un investisseur au profil dynamique avec un horizon de placement à long terme peut encore espérer obtenir plus de 10 % de rendement pour les prochaines années. Malgré ces nouveaux sommets, nous sommes encore d’avis que le marché boursier est le meilleur endroit actuellement pour faire fructifier son portefeuille de placement. Il n’y a pas, encore aujourd’hui, d’alternative à la bourse. Et comme il n’y en a pas, chaque repli boursier de bonne importance doit être vu comme une opportunité. Cependant, tous n’ont pas la même tolérance au risque et le même horizon de placement. Certains investisseurs ne sont pas en mesure de soutenir de grandes variations de leur portefeuille et d’autres n’ont tout simplement pas le temps devant eux pour faire face à une correction boursière et attendre que la situation se rétablisse. Nous avons tous notre propre réalité, mais nous désirons tous la même chose : voir notre patrimoine fructifier. Que faire si je fais partie des investisseurs plus prudents? : Tout simplement, accepter le fait de détenir plus de liquidités dans mon portefeuille. Nous savons que, pour la plupart d’entre vous, avoir des liquidités dans son compte est incompréhensible. Mais en période d’augmentation de taux, il s’agit de la seule façon de gérer la portion sécuritaire de votre portefeuille afin qu’elle demeure réellement sécuritaire.
Globalement, cette toile de fond est positive pour les actions en portefeuille, particulièrement pour le style valeur et les secteurs des ressources, des matériaux, de l’industrie et de la consommation discrétionnaire. Les États-Unis et le Canada sont positionnés pour en tirer avantage. Le marché obligataire s’ajustera en conséquence d’une diminution du degré de détente monétaire. La tendance des taux d’intérêt et du prix des ressources est à la hausse sur un horizon de 6 à 12 mois. Tactiquement, la stratégie d’investissement surpondère les actions et l’encaisse et sous-pondère les titres à revenu fixe et la durée. La répartition géographique est donc la suivante : on surpondère les États-Unis et le Canada et on sous-pondère l’Europe, le Japon et les pays émergents. L’incertitude relative à la Chine dans sa gestion financière du géant Evergrande Real Estate Group et à la spéculation brouille les perspectives d’investissement dans les pays émergents en Asie.
Il est tentant d’investir davantage actuellement dans les marchés boursiers, mais tous n’ont pas la même tolérance au risque. Connaître votre propre tolérance est très important. Les boules de cristal n’existent pas et une baisse de marché peut arriver à tout moment. Il se peut que, comme John, vous soyez capable de supporter bien des choses. Mais une baisse de 5 % de votre portefeuille? Peut-être que non. Il est de notre devoir de bien vous positionner pour éviter que vos émotions vous amènent à prendre de mauvaises décisions financières.
Merci de nous faire confiance.
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