Lettre financière – Octobre 2023

Selon Warren Buffett « notre période de détention préférée est l’éternité. »

Si je vous prédisais une hausse de 35 % du S&P 500 d’ici 18 mois, comment réagiriez-vous? J’ose espérer que vous seriez incrédule face à une telle prévision et que vous auriez pris cette projection avec un énorme grain de sel. En investissement, l’excès de positivisme est aussi néfaste qu’un débordement de pessimisme. Rassurez-vous, je ne projette pas une hausse de 35 % du S&P 500 en 2025.

Pourtant, la semaine dernière, les propos de François Trahan ont été pour vous source d’inquiétude. Voici quelques citations tirées de son entretien avec Richard Dufour à La Presse : « À son creux, l’indice S&P 500 descendra autour des 2 800 points. On a tout pour avoir une récession sévère. Je ne sais pas s’il y aura une crise financière, mais le risque est très élevé à un moment où les investisseurs ne croient plus à cela. L’histoire ne fait que commencer. Le pire est devant nous. Si les taux ont atteint leur sommet, l’économie sera au pire au troisième trimestre de 2025. Pour les indices précurseurs, comme la Bourse, c’est 18 mois après le sommet des taux d’intérêt, donc six mois avant le creux d’une récession. Si on suppose que les taux sont présentement à leur plus haut niveau, le creux en Bourse sera donc atteint en mars 2025. » Après avoir tambouriné l’apocalypse économique pour 2023 et 2024 en novembre dernier, il ajoute qu’elle mènera « probablement à une crise financière; peut-être plus qu’une. »

Comment arrive-t-il à projeter une baisse de 35 % du S&P 500? « Si auparavant une majorité de mes clients croyaient à une récession, une majorité d’entre eux croient aujourd’hui à un ralentissement et estiment qu’on est sur le point d’en sortir. Ils croient à l’histoire poussée par la Fed d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine. » Bref, ils seraient pris à contre-courant, faisant bouger l’aiguille des humeurs d’un extrême (monde des licornes à lunettes roses) à l’autre (fosse des Mariannes). « Les taux ont commencé à monter au début de 2022, alors la récession a toujours été une question de 2024. Au troisième trimestre de 2025, l’économie sera encore dans le pétrin. Quand les taux commenceront à descendre de façon soutenue, on pourra commencer à parler d’une reprise éventuelle. L’impact économique de ce que la Fed vient de faire est devant nous. C’est vraiment l’histoire de 2024 et 2025. »

Tenons-le-nous pour dit, François Trahan est un brillant stratège d’investissement et ses analyses sont rigoureuses. Il a d’ailleurs été intronisé au panthéon des investisseurs institutionnels à titre de stratège en 2016. Selon lui, « environ 55 % des économistes ne peuvent pas identifier une récession qui est à six mois de débuter. Beaucoup ne peuvent le faire même lorsque la récession est commencée. » Comment peut-il prétendre savoir où le S&P 500 se situera en 2025?

Les débâcles et les crises financières ont une chose en commun : l’excès de conviction et de levier financier! Je le répète, François Trahan est un brillant stratège. Ses analyses sont rigoureuses et intéressantes. Elles me font parfois réfléchir à des scénarios potentiels. Pourquoi Trahan est-il sur ma liste de lecture? Principalement pour ses projections baissières!

Outre ces déclarations à l’emporte-pièce (dont celles de l’apocalypse économique et de la baisse projetée de 35 % du S&P 500 en 2025), les projections baissières de Trahan servent à alimenter ma réflexion sur la toile de fond économique et financière. MRB Partners, BCA Research, Bloomberg, Goldman Sachs, J.P. Morgan, Morgan Stanley et Desjardins, Études économiques font également partie de mes lectures du week-end, nourrissent ma réflexion et définissent mon cadre analytique.

Ce cadre analytique repose sur trois grands scénarios : optimiste (lunettes rose clair), réaliste (lunettes vertes) et pessimiste (lunettes gris foncé). Chaque composante et sous-composante qui en fait partie se voit attribuer une probabilité de réalisation. La fin du monde, une guerre nucléaire et une apocalypse économique ou financière sont des variables auxquelles j’attribue une très faible probabilité sur un horizon de 12 mois. D’ailleurs, si la fin du monde survenait, nous ne serions plus là pour en parler! La pandémie aurait pu prendre l’allure d’une apocalypse économique, n’eût été la réaction des autorités publiques à travers le monde. Suis-je inquiet d’une apocalypse économique? Pas vraiment, non! Pourquoi? Les autorités publiques savent quoi faire, notamment augmenter la masse monétaire, inonder d’argent le système monétaire ainsi que financier et accroître les dépenses budgétaires. Bref, la recette est connue!

Autre chose, prédire la direction de l’économie et des marchés financiers sur un horizon de 18 à 24 mois est très difficile, voire impossible. La prédiction d’une correction ou d’une expansion du S&P 500 de 35 % d’ici 18 mois est à prendre avec un énorme grain de sel. Certes, cela fait jaser et craindre au pire pour notre épargne. Vous savez ce qui me fait vraiment peur? La couleuvre noir, jaune et vert dans mon jardin, la grenouille vert fluo dans mes rosiers, les araignées géantes dans la haie et les souris brunes dans ma remise. Chaque fois que je les aperçois, mon cœur fait trois tours et je me sauve en courant dans la direction opposée. Ma réaction est-elle rationnelle? Pas du tout! Juste à l’écrire, je me sens ridicule! Quelle est la probabilité que l’une de ces bestioles ose m’approcher? L’araignée géante peut-être, qui sait… Bref, la peur d’avoir peur est puissante et fait craindre au pire.

Selon Warren Buffett, la qualité la plus importante d’un investisseur est son tempérament, non pas son intellect. Les prévisions extrêmement négatives de François Trahan vous en apprennent donc davantage sur lui que sur l’avenir du marché. Pourquoi pensez-vous que la diversification de portefeuille a été inventée? Que les opérations d’équilibrage à cible sont recommandées? Qu’il faut mettre ses émotions de côté quand on investit et baliser ses convictions dans une politique de placement?

Warren Buffett a déjà dit que le risque provient de ne pas savoir ce que l’on fait en ajoutant que sa période de détention préférée est l’éternité. La hausse des taux d’intérêt a encore amené la valeur des obligations dans vos portefeuilles à diminuer au cours des derniers mois. Mais il faut se souvenir qu’une obligation est un véhicule de placement garanti à l’échéance. Contrairement à un CPG ou à un dépôt à terme, elle est liquide et peut être vendue en tout temps. Dites-vous qu’une obligation censée vous rapporter 4 % en 2023, et qui jusqu’à présent ne vous procure aucun revenu, générera ce même 4 % dans le futur. Elle pourrait donc facilement connaître un rendement de 8 % une année donnée. La récente hausse des taux a un effet pervers sur le rendement de vos portefeuilles, mais le temps et la patience amènera cette portion de votre portefeuille à offrir un excellent rendement.

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