« La vie est faite de choix et de compromis »
– Audrey Dufour
Les jours se suivent et se ressemblent. Force est de constater que ce dicton est faux depuis quelques semaines. Le déconfinement et le retour à la vie nouvelle amènent un vent de fraîcheur à notre quotidien. Le fait que nos Glorieux soient en finale de la Coupe Stanley ajoute aussi à ce sentiment de bien-être collectif que nous ressentons actuellement. Loin de moi l’idée de vouloir élaborer sur le fait qu’il y a maintenant 28 ans que nous n’avons pas assister à une telle performance des Canadiens. Par contre, nous sommes tellement excités de leurs récents succès que nous sommes prêts à payer une somme importante pour voir un match au Centre Bell. Le fait que les places sont limitées à 3 500 et que les moments de réjouissance se sont faits plutôt rares dernièrement n’aide en rien à la flambée des prix sur le marché. Les prix sont élevés, mais la demande ne fléchit pas puisque la dernière finale remonte tout de même à presque trois décennies. À bien y penser, je trouve des ressemblances entre le prix des billets du Canadien et tout ce qui se passe actuellement au pays, en Amérique et un peu partout sur la planète. Depuis maintenant plusieurs semaines, un seul mot (mis à part les Canadiens) est sur toutes les lèvres : INFLATION.
Le mot fait peur et sème la confusion. Pour ceux qui ont connu la fin des années 1970 et le début des années 1980, l’inflation est synonyme de deux récessions en 12 mois et de taux hypothécaires au-dessus de 20 %. Prenons donc le temps d’étudier la question de l’inflation dans son contexte des années 70, et regardons s’il y a des similitudes avec ce que nous vivons aujourd’hui.
Poursuivant les politiques de Kennedy, le Président Johnson lance la « guerre à la pauvreté » et fait adopter une série de mesures connue sous le nom « Great Society » dont l’ampleur rivalise le « New Deal » de Roosevelt dans les années 30. Il s’enlise dans la guerre du Vietnam et il se lance dans l’exploration de l’espace. Globalement, ces mesures ont stimulé la croissance économique au-delà de son potentiel (par 2 % environ à la fin des années 60 et 4 % après la récession de 1970-71) et attisé les braises de l’inflation. L’implosion des Accords de Bretton Woods, un choc structurel pour le système financier, a également contribué à la croissance des prix dans les années 70. L’abandon de l’étalon-or par Nixon, en 1971, a causé une dépréciation d’environ 10 % du dollar américain pendant que le prix de l’or s’appréciait de 35 à 180 $US/once, causant une hausse généralisée des prix des biens libellés en $US. De fait, l’explosion des prix du pétrole durant les années 70 a contribué à accélérer la spirale inflationniste et à freiner l’économie. Condensée des mots stagnation économique et inflation importante, la « stagflation » est apparue au lexique économique et financier pour décrire ce phénomène. Pour atténuer l’incidence du pétrole sur l’économie en générale et sur le secteur manufacturier spécifiquement, la Fed a tenté de monétiser le choc par l’intermédiaire d’une politique monétaire souple, alors que l’inflation était déjà dans les deux chiffres. Cette erreur a propulsé l’inflation totale et l’inflation excluant les aliments et l’énergie à un sommet en 1980.
Voici maintenant les différences notables entre les 2 époques. Les États-Unis étaient essentiellement une économie fermée dans les années 1970 et les importations représentaient environ 3,5 % du PIB. Elles sont maintenant 4 fois plus importantes. Ces importations constituent une importante soupape de sécurité quand des pénuries apparaissent et que les prix montent; les importations augmentent pour soulager la pression. La fabrication représentait près d’un quart de l’économie; elle ne représente plus que 10 % aujourd’hui. Le monde est actuellement bien engagé dans la « quatrième révolution industrielle », dominée à la fois par les producteurs et les utilisateurs de technologies, et un déferlement rare d’innovations technologiques est en cours et s’accélérera au cours des prochaines années. La numérisation rapide de l’économie mondiale, la technologie robotique, l’intelligence artificielle et la communication 5G sont par nature déflationnistes, ce qui explique en grande partie pourquoi la Fed n’a pas été en mesure de faire monter l’inflation à sa cible pendant plus d’une décennie.
La question brûlante aujourd’hui est de savoir si une nouvelle grande poussée inflationniste pourrait se produire. À notre avis, cela est possible, mais très peu probable. Les ressources inutilisées dans l’économie sont encore importantes, contrairement au fait que la demande était de beaucoup supérieure à la capacité de production pendant le plus clair des années 1960 et 1970.
Une fois la chaîne de réapprovisionnement rétablie, la difficulté à bouger les marchandises d’un continent à l’autre (pénurie de conteneurs) réglée, et l’euphorie post-COVID derrière nous, il faudra toutefois voir si la Chine continuera à exporter de la désinflation ou si elle commencera à exporter de l’inflation. Une question qui prend tout son sens si l’on considère qu’elle a exporté de la désinflation dans le monde depuis le début des années 90 et qu’elle arrive à un point de maturité économique.
Répartition des actifs
Les risques inflationnistes nous amènent à être tout de même plus prudents dans notre approche à court terme, même si nous croyons que la plupart des sociétés sont en mesure de refiler les hausses de coûts et de protéger leur rentabilité. Nous estimons que le climat actuel vise une surpondération légère de l’encaisse, une sous-pondération des obligations et une position neutre en actions. Nous ne prévoyons pas de recul sévère à court terme, mais des périodes erratiques cet été pourraient nous amener à profiter de faiblesses (recul de 5 à 10 %) pour redéployer l’excédent d’encaisse vers les actions.
Au Canada, les attentes encore favorables à l’égard du secteur financier et celui de l’énergie, en plus d’un potentiel de rendement de près de 9 %, nous amènent à surpondérer légèrement la région en portefeuille.
Nous surpondérons aussi les titres de nos voisins du Sud. Bien que le taux de croissance post-COVID américain a déjà probablement passé son sommet, le rendement du marché risque d’être tout de même supérieur à celui du reste de la planète. Nous privilégions les secteurs défensifs aux secteurs cycliques, et les grandes capitalisations aux petites.
Nous continuons de sous-pondérer la zone européenne. La pandémie laissera les gouvernements et les sociétés avec des niveaux plus élevés d’endettement. Un des problèmes majeurs de l’Europe est que la majorité des investissements des entreprises est destinée à de la maintenance. En termes comptables : les dépenses de dépréciation excèdent celles des investissements totaux. Les entreprises n’investissent que le strict minimum. Sur une longue période, elles deviennent donc moins rentables que leurs concurrents.
La conjoncture nous a amenés à modifier notre comportement de consommateur. Malgré la pandémie, une large portion de la population s’est tout de même enrichie. Que l’on parle de placements ou encore de maisons, l’année 2020 et le début de 2021 a fait bondir la valeur des actifs. Les surplus de liquidités des premiers mois de la pandémie ont été par la suite utilisés pour acheter une panoplie de biens pour assouvir nos besoins. Que ce soit les rénovations de la maison ou encore l’achat d’un VTT, d’un bateau ou d’un vélo électrique, notre demande en biens de consommation a de loin excédé la capacité de production mondiale. Il est donc normal de voir une inflation s’installer à l’échelle planétaire. Nous croyons tout de même que le consommateur a un rôle important à jouer dans cette équation. Beaucoup d’entre nous achètent quand même un produit ou un service aujourd’hui, même si ce dernier est hors de prix et qu’il n’est pas essentiel pour l’instant. Notre comportement d’acheteur ne fait qu’augmenter la pression sur la chaîne d’approvisionnement qui est encore très fragile. Audrey nous mentionne souvent, en réunion, que la vie est faite de choix et de compromis. J’imagine qu’elle doit répéter cette phrase à l’occasion à ses enfants, car j’entends encore ma mère me dire exactement la même chose. La raison pour laquelle nous pensons que l’inflation sera sous contrôle à moyen terme est la suivante : avec le déconfinement, la réouverture des restos et la reprise des voyages, nous allons tous devoir commencer à refaire des compromis, ce que nous ne faisions plus depuis quelques mois.
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