Il s’agit probablement de l’un des environnements économiques et financiers les plus chaotiques auxquels nous sommes témoins. Il reste qu’une forte volatilité peut donner lieu à des occasions fort intéressantes pour quiconque peut vivre avec les fluctuations. Certains investisseurs commencent à se demander s’il est temps de se tourner vers les actions. À l’heure actuelle, le ratio coursbénéfice prospectif est d’environ 18, ce qui est encore supérieur à la moyenne de 15,5 sur 40 ans. Depuis qu’il a atteint un sommet historique en septembre 2020, cependant, le ratio coursbénéfice à terme du S&P 500 a maintenant franchi les deux-tiers du parcours vers sa moyenne à long terme. Si la débâcle se poursuit à un tel rythme, les actions pourraient bientôt sembler attrayantes.
Mais bien anticiper le creux d’un marché est un pari très risqué, et c’est encore plus véridique lorsque le mot stagflation est sur toutes les lèvres. Nos perspectives pour le reste de l’année prévoient une croissance plus lente, même si positive, avec une inflation qui demeurera trop élevée. Lorsque l’inflation est en grande partie attribuable à une forte demande, les ventes et les bénéfices des sociétés sont habituellement en bonne santé. Les marchés sont, à leur tour, optimistes quant aux perspectives et les actions prospèrent. Cependant, si l’inflation est davantage attribuable à la hausse des prix de l’énergie, de la main-d’œuvre et d’autres intrants, les bénéfices sont alors sous pression, sauf si les entreprises parviennent à accroître leur productivité ou à refiler la hausse des coûts aux consommateurs.
Sur ce dernier point, ils ne pourront transférer les hausses de coûts de manière durable, que si le revenu disponible suit l’inflation. Ce n’est pas le cas actuellement, comme nous l’avons mentionné dans un récent Point de vue économique. Pendant ce temps, la Fed doit continuer ses efforts de resserrement. Sa politique demeure trop accommodante et c’est sa crédibilité qui est en jeu. C’est de cette manière que s’ajoutent peu à peu les ingrédients d’une potentielle stagflation, ce qui serait l’un des pires scénarios pour les Bourses.
Qu’est-ce qui pourrait mettre fin à la débâcle? Des signaux rassurants quant à l’inflation. Le rapport de l’IPC aux États‑Unis de cette semaine a confirmé que l’inflation avait atteint un sommet en mars, mais il a également indiqué une remontée plus importante qu’attendu de l’inflation de base en avril. Tant que les perspectives de désinflation demeureront floues, il sera difficile d’argumenter que le temps est opportun pour surpondérer les actions.
« Ne combattez pas la Fed » signifiait auparavant qu’essayer de miser sur une contre-performance des obligations était un exercice futile. Aujourd’hui, cela veut plutôt dire qu’il est imprudent de s’exposer aux actifs risqués. Le président de la Fed, Jerome Powell, a de nouveau fermé la porte à une hausse de 75 points de base cette semaine. À notre avis, c’est peutêtre encore un peu tôt pour mettre de l’avant des indications prospectives de nature dovish. Même l’ancien président de la Réserve fédérale de New York, Bill Dudley, a conseillé à ses anciens collègues de hausser les taux d’intérêt dans une fourchette de 4 % à 5 % (ou plus) et de cesser d’essayer d’adoucir leur message. Notre hypothèse de base demeure que la Fed décrétera une hausse de 50 points de base à sa réunion du 15 juin. Toutefois, le rapport sur l’inflation de mai sera publié moins d’une semaine avant. Si l’inflation est encore plus forte que prévu, on ne pourra rien exclure. Bref, pour les investisseurs qui voudraient frapper un coup de circuit en identifiant le creux du marché, il est probablement un peu tôt.
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
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