Retour quatrième trimestre 2017

L'année 2017 s'est déroulée en trois temps. De janvier à juin, nous assistions à un début d'année digne de mention, marqué par une hausse des marchés boursiers et par une faible volatilité. Fin juin, changement de ton de la Banque du Canada à l'égard de la vigueur de l'économie canadienne. Une bonne nouvelle en soi, mais deux hausses de taux sont décrétées (en juillet et en septembre), provoquant du coup un recul du secteur obligataire et une poussée du dollar canadien. Puis, en octobre, novembre et décembre, recul des taux canadiens, remontée du dollar américain et reprise des marchés boursiers avec, pour couronner le tout, la fameuse réforme fiscale américaine. De quoi terminer l'année sur les chapeaux de roues !

Bref, 2017 a connu son lot d'événements marquants sur les plans financier et économique. En voici quelques-uns :

  • Après un lent début d'année, le S&P/TSX affiche tout de même une progression de 922 points (9,08 %). Cette performance correcte en termes absolus est néanmoins inférieure à celle de la plupart des Bourses étrangères. Dix des 11 secteurs canadiens ont contribué positivement à cette croissance. Seul secteur négatif : l'énergie, qui a amputé l'indice de 340 points. Parmi les 15 pires performances du TSX, une seule ne provenait ni de l'énergie ni des matières premières.
  • Les déboires des titres pétroliers surprennent, alors que le WTI a progressé de 12,5 % en 2017 et de 42,1 % depuis son creux de juin, et culminait même à un sommet de 60 $ le 29 décembre dernier. Alors que le pétrole à court terme a progressé, les contrats à terme dont l'échéance est 2025 ont fléchi de 4,60 $, passant à 52 $. Cet inversement de la courbe des contrats à terme pétroliers accélère néanmoins l'élimination des stocks excédentaires. L'once d'or, quant à elle, est demeurée relativement stable voyant son prix fluctuer de plus ou moins 100 $ entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017.
  • Même si le raffermissement du huard à l'été 2017 a nui aux gains étrangers, le S&P 500, l'indice le plus représentatif du côté américain, a progressé de 13,5 %.
  • Malgré la remontée de 94 points de base des taux des obligations du Canada de deux ans et celle de 33 points de base des taux des obligations de dix ans, l'appétit des investisseurs canadiens pour le rendement n'a pas diminué. Les entreprises ont profité de cette manne pour émettre un volume record d'obligations de sociétés. Cette émission de plus de 115,4 milliards a fait en sorte que l'ancien sommet de 107,4 milliards (2013) a facilement été dépassé. Il s'agit là d'un signe supplémentaire justifiant notre scénario de hausse de taux à venir pour 2018.
  • Au sein du marché obligataire américain, les taux de deux ans et de dix ans prennent des directions inverses : alors que les taux à courte échéance remontaient de 69 points de base, ceux de dix ans baissaient de trois points. Cet aplatissement de la courbe porte certains adeptes du marché obligataire à se méfier d'une récession qui semble approcher. Bien que l'historique du marché obligataire mérite le plus grand des respects, cette évolution est vraisemblablement davantage attribuable aux flux de capitaux étrangers plutôt qu'à une détérioration du contexte économique aux États-Unis.

 

Un début d'année solide

Il y a 18 ans déjà, nous célébrions l'arrivée du nouveau millénaire. Au passage, nous fêtions un sommet historique pour les marchés boursiers américains de l'époque, propulsés en majeure partie par le boom (lire « bulle ») technologique. Le réveil fut cependant plutôt brutal pour nombre d'investisseurs, qui étaient convaincus que la hausse allait durer encore longtemps. Cette « exubérance irrationnelle «  (terme popularisé en 1996 par Alan Greenspan, alors président de la Réserve fédérale américaine) toucha beaucoup d'épargnants en quête de rendement « à tout prix », les poussant du coup à prendre des risques injustifiés, un peu comme le font souvent les jeunes enfants et les adolescents en quête de sensations fortes. Cette année, les enfants nés en 2000 atteindront leur majorité. Or, « majorité » ne signifie pas nécessairement « maturité ». Parmi les définitions du mot « maturité », le Larousse donne celle-ci : « Sûreté dans le domaine du jugement, de la réflexion (en particulier en fonction de l'âge) ».

Après quelques années passées à voir les portefeuilles afficher des rendements qui dépassent toute attente raisonnable, les investisseurs seront-ils enclins à aller contre nature et à devenir plus audacieux ? Feront-ils preuve de trop de « prudence » dans leur prise de décision ?

Chose certaine, l'année 2018 débute sur une toile de fond relativement solide du point de vue économique, au cœur de la deuxième phase d'expansion la plus longue de l'histoire moderne. À l'échelle mondiale, la croissance se généralise et rien n'indique, pour le moment, qu'un repli de l'économie se produira. Particulièrement positive depuis la crise, la robustesse des données économiques est soutenue. Fort heureusement, les évaluations sont encore loin des multiples atteints au début de l'an 2000, période où prit fin la plus longue phase d'expansion économique de l'ère moderne.

Comme notre rôle consiste, encore et toujours, à préserver le capital à long terme, nous nous devons parfois de tempérer les attentes de nos clients, et surtout d'éviter toute complaisance dans nos choix d'investissements. Cela nous amène donc – encore une fois – à bien identifier les différents thèmes qui retiendront notre attention au cours des prochains trimestres.

Comme nous l'avons fait il y a un an, voici un résumé de ces thèmes :

  1. Normalisation des taux, devise et inflation

    Après avoir vu la Banque du Canada emboîter le pas à la Réserve fédérale américaine en décrétant deux hausses de taux successives, il sera intéressant de surveiller quel ton adopteront nos grands banquiers. Il y a fort à parier que ceux-ci seront en mode plus attentiste et observeront du coin de l'œil ce que nos voisins américains feront au cours des prochains mois. La montée du dollar canadien qui a suivi les hausses du troisième trimestre de 2017 a quelque peu ralenti les ardeurs des autorités canadiennes. Si le pétrole, soutenu par des données économiques solides, continuait sur sa lancée des dernières semaines, une pression à la hausse pourrait s'exercer sur notre devise. La hausse attendue en ce début d'année 2018 (la troisième depuis juillet 2017) semble déjà prise en compte par le marché. Nous croyons toutefois que pour les trimestres à venir la Banque du Canada fera preuve de prudence dans sa politique de normalisation des taux, regardant d'un œil attentif ce que fera la Réserve fédérale américaine.

    Augmenter de nouveau les taux avant que les Américains ne le fassent mettrait davantage de pression sur notre monnaie, une stratégie audacieuse dans un contexte d'incertitude à l'égard de l'ALENA. Rappelons que, dans un contexte de hausse de taux, la portion obligataire (revenu fixe) des portefeuilles connaît certains ajustements. Cette situation rend donc beaucoup plus modestes les rendements attendus de cette catégorie d'actif. La composante obligataire des portefeuilles limite les rendements espérés en raison de taux d'intérêt qui sont déjà excessivement bas. La faiblesse actuelle des taux d'intérêt fait courir un risque imminent aux portefeuilles à forte teneur obligataire. Reste maintenant à savoir quelles seront l'amplitude et la fréquence des augmentations de taux décrétées par les banques centrales. C'est dans la vitesse à laquelle se manifesteront les pressions inflationnistes que se trouvent possiblement les réponses à ces questions d'importance majeure.

  2. Réforme fiscale et croissance des bénéfices des entreprises

    Attendue en grande pompe, la réforme fiscale américaine peut être une arme à double tranchant pour les marchés boursiers. L'allègement fiscal proposé aux entreprises devrait alimenter la croissance de leurs bénéfices. Comme la hausse des derniers trimestres découle en bonne partie de l'augmentation des ratios cours-bénéfice (soutenue par la chute des taux d'intérêt, la faiblesse de l'inflation ou encore l'absence de volatilité sur les marchés), il est primordial que la croissance des bénéfices des entreprises occupe le devant de la scène dans un avenir rapproché. Puisque les ratios cours-bénéfice dépassent actuellement leur moyenne historique à long terme dans certaines régions, il est fort improbable que la croissance des valorisations suffise à elle seule à soutenir une hausse du marché des actions.

    À l'heure actuelle, l'évolution des perspectives en matière d'économie intérieure de plusieurs régions du monde est propice à la croissance des bénéfices (hausse des dépenses publiques, assouplissement de la réglementation, reprise de l'inflation, rapatriement, par des sociétés américaines, des liquidités détenues à l'étranger, etc.). Compte tenu des valorisations actuelles, nous demeurons conscients que les marchés pourraient subir une correction si les bénéfices décevaient les attentes. Ce risque est suffisamment important pour que nous en tenions compte dans cette lettre de début d'année.

  3. Les enjeux canadiens

    L'ALENA
    De nombreux observateurs canadiens ont vu d'un bon œil l'acceptation de la réforme fiscale proposée par le président américain. Pour l'administration Trump, cette acceptation tombe à point, non pas parce que l'économie américaine en avait vraiment besoin, mais bien parce que le nouveau résident de la Maison-Blanche peut enfin afficher une réalisation digne de ce nom. Dans un tel contexte, pourrions-nous bénéficier de plus de souplesse dans les renégociations de l'Accord de libre-échange nord-américain ? Se lancer dans le jeu des prédictions n'est pas chose facile. Nous suivrons de près ce dossier, qui mérite toute notre attention. Les discussions entourant l'ALENA risquent de jeter un peu d'ombre sur la toile de fond canadienne.

    Le secteur immobilier et l'endettement des ménages au Canada
    Dans son rapport trimestriel de mi-année, la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) affirmait que le marché immobilier canadien présentait toujours des « signes élevés de conditions problématiques ». Tant le marché de la location et de la revente que celui des maisons neuves affichent un écart entre l'offre et la demande. Cette situation suffit pour que se produisent une accélération des prix, une surévaluation et une surchauffe dans cet important secteur. La montée graduelle des taux pourrait bien être l'élément manquant pour que cesse cette période d'« exubérance irrationnelle ». La prudence est de mise.

    Que dire, maintenant, de l'endettement des ménages canadiens ? Dans une entrevue donnée en septembre dernier, Laura Cooper, économiste à la Banque Royale, déclarait : « Un déclin de la valeur nette des ménages – même modeste – jumelé à une forte augmentation de la croissance du crédit à la consommation est notable, puisqu'il suggère que la capacité des ménages à absorber une hausse de taux d'intérêt continue de se détériorer ».

    La hausse des taux directeurs décrétée en juillet 2017 par la Banque du Canada aura eu pour conséquence d'inciter les grandes banques canadiennes à hausser leurs taux préférentiels, qui servent à fixer les taux pour les hypothèques à taux variables et pour les autres formes de prêts. Par bonheur, le marché du travail se porte bien. Les ménages peuvent donc toujours compter sur une rémunération et sur une sécurité d'emploi. Fort heureusement, tant que le Canada affichera un faible taux de chômage, que la Banque centrale procédera à une normalisation graduelle des taux et que le marché immobilier évitera l'éclatement d'une bulle, nous pourrons éviter un scénario à l'américaine. Pour ce qui est du reste, l'avenir nous le dira.

    Les tensions géopolitiques
    « Que pouvons-nous ajouter sur ce point ? Tabler sur une diminution des tensions entre les principaux acteurs économiques et politiques mondiaux relève à ce stade-ci de l'utopie. La première étape vers un allègement du climat serait possiblement la mise en place d'une interdiction à tout président élu d'utiliser “Twitter” pour étaler ses états d'âme. N'est-ce pas ? »

    Extraites de notre lettre financière de janvier 2017, ces dernières lignes sont toujours d'actualité. Il sera intéressant de voir les rapprochements possibles à l'approche des Jeux olympiques de 2018 en Corée du Sud, et il serait étonnant que cessent les tensions entre Trump et son homologue de la Corée du Nord. Après tout, ces deux personnages nous ont habitués depuis longtemps à des comportements erratiques. Nous ne bâtissons pas nos portefeuilles en faisant le pari qu'une guerre éclatera. Si telle était notre prédiction, l'ensemble des positions serait liquidé et le seul actif détenu dans nos portefeuilles serait de l'encaisse. Par contre, il faut admettre et accepter que la volatilité pourrait être de retour si un dérapage diplomatique se produisait. Le feuilleton se poursuit.

    Le passage au nouveau millénaire et les 18 années qui ont suivi ont connu de nombreux rebondissements et des événements hauts en couleur. Un tel contexte ne facilite pas la tâche des investisseurs, mais s'avère toutefois très formateur pour des jeunes à peine sortis de l'université à qui le monde de la finance ouvre grand ses portes. Mon collègue Frédéric Gingras et moi-même avons appris et grandi dans cet environnement. Au fil des ans, des gens compétents et passionnés se sont greffés à notre équipe pour en faire ce qu'elle est aujourd'hui : le Groupe Gingras-Barrette. Nous sommes très fiers de participer tous ensemble à la gestion de votre patrimoine financier et souhaitons le faire pendant encore très longtemps. Cette marque de confiance à notre égard, nous la reconnaissons, nous l'apprécions énormément et nous vous en remercions.

En cette nouvelle année qui débute, permettez-nous de vous souhaiter, à vous et à vos proches, une année 2018 à la hauteur de vos aspirations !

Chacun des conseillers de Valeurs mobilières Desjardins (VMD) dont le nom est publié en page frontispice du présent document ou au début de toute rubrique de ce même document atteste par la présente que les recommandations et les opinions exprimées aux présentes reflètent avec exactitude les points de vue personnels des conseillers à l’égard de la société et des titres faisant l’objet du présent document ainsi que de toute autre société ou tout autre titre mentionné au sein du présent document dont le conseiller suit l’évolution. Il est possible que VMD ait déjà publié des opinions différentes ou même contraires à ce qui est ici exprimé. Ces opinions sont le reflet des différents points de vue, hypothèses et méthodes d’analyse des conseillers qui les ont rédigées. Avant de prendre une décision de placement fondée sur les recommandations fournies au présent document, il est conseillé au receveur du document d’évaluer dans quelle mesure celles-ci lui conviennent, au regard de sa situation financière personnelle ainsi que de ses objectifs et besoins de placement.

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