Des mesures budgétaires restrictives qui passent sous le radar
À l’annonce du premier budget du gouvernement Trudeau, le 22 mars dernier, beaucoup de médias ont fait état du déficit de 29,4 milliards de dollars et de ceux à venir, débattant de la nécessité de faire tourner à plein régime la planche à billets. D’autres ont critiqué le manque de mesures pour stimuler l’entrepreneuriat et aider les petites entreprises. Cependant, une mesure qui touche les épargnants est passée inaperçue des médias, même si elle est lourde de conséquences en ce qui a trait à l’application de certaines stratégies d’investissement : il s’agit de la modification des règles concernant les fonds communs de placement en catégorie de société.
Contrairement aux fonds communs de placement traditionnels, où chaque portefeuille est constitué en fiducie et où tous les revenus sont directement attribués au bénéficiaire (l’investisseur), les fonds en catégorie de société, ou fonds en catégorie, sont structurés sous forme de sociétés dans laquelle l’investisseur achète des parts. Il s’agit en fait d’une sorte de « coquille » dans laquelle divers portefeuilles d’actifs sont gérés selon différents mandats, et qui est traitée comme une seule entité sur le plan fiscal. Les revenus et les dépenses peuvent être mis en commun, ce qui confère à l’investisseur divers avantages, notamment :
En appliquant les frais de gestion et les pertes en capital contre les revenus et les gains réalisés à l’intérieur de la société, celle-ci est en mesure de réduire le montant des distributions imposables qui devrait normalement être attribué à l’investisseur dans une fiducie de fonds commun de placement traditionnelle.
D’autre part, par le même mécanisme, les intérêts et les dividendes étrangers – pleinement imposables – sont utilisés en premier lieu pour contrebalancer les dépenses de la société. Puisque celle-ci ne peut verser aux investisseurs que des dividendes canadiens et du gain en capital imposés à un taux moindre, les distributions de la société ont tendance à être plus avantageuses sur le plan fiscal.
Puisque l’investisseur détient des parts de la société, il peut librement passer d’un fonds à l’autre à l’intérieur de la catégorie sans avoir à s’imposer à chaque fois. Ce mécanisme facilite donc le rééquilibrage de son portefeuille, un atout certain en gestion de patrimoine.
Ces particularités permettent donc de reporter dans le temps le paiement de l’impôt et de maximiser la puissance de l’intérêt composé, ce qui donne nécessairement un résultat appréciable au fil du temps. De plus, comme nous le soulignons depuis longtemps dans cette publication, le rééquilibrage entre les catégories d’actifs permet de tirer avantage du principe « acheter bas et vendre haut », tout en s’assurant d’un meilleur contrôle du risque, deux éléments qui améliorent la relation risque-rendement et favorisent l’investisseur. C’est cependant la mesure concernant le rééquilibrage sans impact fiscal qui est touchée par le dernier budget fédéral et qui sera, selon toute vraisemblance, abolie à partir du 1er octobre 2016.
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement modifie la structure des fonds en catégorie. En 2013, on a aboli une clause qui permettait aux sociétés de fonds de convertir le revenu d’intérêt en gain en capital par le biais de produits dérivés. Il est donc clair que le gouvernement cherche à recouvrer les revenus dont il est privé sur les actifs placés dans les fonds en catégorie. On peut donc se demander pendant combien de temps ce type de véhicule restera sur le marché. Une chose est certaine, cependant : l’investisseur bien nanti qui souhaite structurer son patrimoine afin de minimiser ses impôts a encore bon nombre d’avantages à récolter s’il utilise intelligemment les fonds en catégorie. Mais encore faut-il que son conseiller financier connaisse et comprenne l’ensemble des subtilités de ce type de produit d’investissement spécialisé, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.
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