Pour le trimestre clos le 31 mars dernier, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque du Canada ont toutes deux opté pour la passivité en ce qui a trait à leur politique monétaire respective. En effet, les taux cibles canadien et américain sont restés inchangés pour les trois premiers mois de l’année, et les marchés prévoient maintenant une première baisse de taux en septembre. La courbe des rendements obligataires demeure d’ailleurs inversée, dépassant ainsi l’inversion record de 624 jours enregistrée aux États-Unis en 1978.
La trajectoire des taux d’intérêt a suscité bien des interrogations et des préoccupations ces derniers mois sur les marchés financiers. En effet, beaucoup tentent de prédire à quel moment et de quelle manière surviendra le premier relâchement de ce qui s’est révélé être l’un des cycles de resserrement monétaire les plus vigoureux de notre histoire. Aux États-Unis, le taux cible se situe actuellement entre 5,25 % et 5,50 %; il s’agit là d’un sommet depuis 2008. Au Canada, le taux cible s’établit toujours à 5 %, point culminant également. En janvier, les investisseurs s’attendaient au début d’une lente descente des taux américains en mars et anticipaient jusqu’à six baisses consécutives en 2024 pour fixer de nouveau le taux cible entre 3,75 % et 4,00 %. Toutefois, les données de janvier et de février sur l’inflation, plus tenace que prévu aux États-Unis, sont venues calmer les ardeurs des boursicoteurs. Les marchés prévoient désormais une première baisse des taux en septembre. Voilà tout un contraste avec le Canada, où la banque centrale anticipe que l’inflation avoisinera les 3 % au premier semestre de 2024. L’inflation a augmenté de 2,9 % en mars, soit un niveau dans la fourchette cible de la banque du Canada de 1 à 3 %. Notons que les prix du pétrole, en réaction aux vives incertitudes géopolitiques actuelles, ont contribué à induire une pression non négligeable sur l’inflation depuis février.
Le marché des actions américaines s’est apprécié de 10,2 % lors des trois derniers mois. Il s’agit du meilleur premier trimestre aux États-Unis depuis 2019. Le marché obligataire américain (U.S. Core Bond Index), pour sa part, s’est contracté de 0,8 % au premier trimestre. Les rendements obligataires se sont appréciés en général, tandis que les prix des obligations se sont contractés, les obligations à long terme ayant été les plus durement touchées.
Les faits saillants suivants ont retenu notre attention ces trois derniers mois sur les principales places financières de la planète :
Après un début d’année intéressant, le marché boursier américain s’est totalement remis du contexte baissier de 2022, enregistrant le premier d’une série de sommets historiques le 24 janvier, et ce, malgré des données peu concluantes sur l’inflation. Le marché des actions américain s’est apprécié de près de 30 % depuis les creux d’octobre 2023.
Le titre de Nvidia, entreprise de technologie et actuelle coqueluche des investisseurs, s’est apprécié de plus de 80 % au premier trimestre uniquement, contribuant à lui seul à 21 % de la hausse du marché global qui, rappelons-le, transige les actions de milliers d’entreprises.
Lorsque nous sommes confrontés à de telles irrationalités, nous nous rappelons les paroles du regretté Lou Simpson (collègue de Warren Buffett) qui affirmait qu’il fallait « être discipliné quant au prix payé pour acquérir les actions d’une entreprise, et ce, même dans le cas d’une entreprise exceptionnelle, car même la meilleure entreprise au monde est un piètre investissement si le prix payé pour s’en porter acquéreur est trop élevé ».
Sur les marchés obligataires, les obligations à long terme ont été malmenées, ces dernières étant plus sensibles aux anticipations de fluctuations des taux d’intérêt. L’indice Long-Term Treasury Bond Index a perdu 3 % au premier trimestre; il s’agit là de tout un contraste avec la hausse de 12 % enregistrée au dernier trimestre de 2023. Notons au passage que la volatilité demeure élevée sur les marchés obligataires, bien au-deçà de la moyenne observée sur cinq ans.
Finalement, mentionnons l’approbation par les autorités réglementaires de la détention de bitcoins par les fonds négociés en bourse (FNB) et la hausse fulgurante du prix du bitcoin qui en a découlé. La cryptomonnaie la plus populaire s’est appréciée de plus de 60 % au premier trimestre et elle a atteint un sommet historique au cours de la même période. Nous croyons que cette décision des organismes de réglementation vise uniquement à refléter la conjoncture des marchés, et notre opinion sur les cryptomonnaies demeure inchangée : nous préférons les actifs générateurs de flux de trésorerie récurrents.
Malgré la bonne performance des actions au cours des six derniers mois, notre stratégie de portefeuille demeure inchangée; il n’est pas avisé de partir à la chasse aux rendements. Nous préférons rester prudents, notamment en raison des risques de récession et de l’évaluation boursière relativement élevée des entreprises américaines. Nous n’hésiterons pas à prendre des profits sur les titres des entreprises que nous jugeons pleinement évaluées afin de redéployer les liquidités ainsi engendrées vers des entreprises de grande qualité que nous jugeons sous-évaluées par les marchés.
Sur le plan obligataire, en ce qui a trait à nos comptes en gestion discrétionnaire, nous pensons avoir réussi un bon coup pour nos clients au premier trimestre. Au début du mois de janvier, nous jugions que le marché anticipait trop de baisses de taux d’intérêt. Nous avons donc attendu que ces anticipations diminuent et que les taux obligataires augmentent avant de déployer les liquidités des cotisations CELI. Ainsi, nous avons fait l’achat d’obligations offrant de meilleurs rendements que si nous en avions fait l’acquisition dès le début du mois.
Du côté des actions, nous sommes d’avis que le marché haussier n’a probablement pas encore terminé sa progression, bien que celle-ci soit manifestement dopée par une frénésie collective concernant les actions d’une poignée d’entreprises dont les évaluations sont dorénavant inadéquates. Comme vous serez à même de le constater en consultant le tableau en mortaise, les marchés ont connu, depuis 1950, 14 occasions durant lesquelles les marchés ont été haussiers pour les quatre mois consécutifs de novembre, décembre, janvier et février. Lors de ces 14 occasions, le S&P 500 a affiché un rendement moyen de 21,2 % pour l’année civile en question. Bien que tout à fait probable, nous considérons qu’un tel rendement risque peu de se matérialiser pour l’année à venir. Le passé n’est pas toujours garant de l’avenir, mais l’histoire, elle, se répète souvent.
Au cours du premier trimestre de 2024, nous avons vendu le fonds Fidelity Innovations mondiales (+47 % en 2023) afin de réaliser une prise de profits sur les titres d’entreprises de technologie et d’intelligence artificielle détenus par le fonds, que nous estimions surévaluées. Nous avons déployé les liquidités engendrées par cette vente dans les fonds suivants, que nous jugions sous-évaluées par les marchés financiers : Vanguard FNB indiciel américain de croissance de dividendes, qui fournit une exposition aux actions de sociétés dont les données révèlent une augmentation de la distribution de dividendes au fil du temps, et le Fonds de moyennes sociétés américaines TD, qui offre une exposition aux titres de sociétés américaines de moyennes capitalisations boursières. Nous avons également disposé de nos actions de Canadian Pacific Kansas City, réalisant un rendement de 23 % sur cinq mois, et bonifié notre position dans The North West Company et Premium Brands Holdings, deux entreprises du secteur de la consommation de base avec des caractéristiques défensives.
Le positionnement tactique de notre répartition d’actifs, axé sur une sous-pondération des actions au bénéfice d’une surpondération de l’encaisse et des obligations, est demeuré intact au premier trimestre. Selon l’évolution de l’économie et des marchés financiers, la sous-pondération en actions pourrait être bonifiée. Toutefois, nous jugeons que notre positionnement actuel est encore adéquat au vu du contexte actuel; l’élan des bourses pourrait très bien se poursuivre. Au cours du dernier trimestre, notre biais de prudence s’est davantage matérialisé par la réduction de notre exposition dans des secteurs surévalués et par une préférence pour des secteurs traditionnellement défensifs.
À cet effet, d’autres secteurs nous semblent porteurs, dont ceux des soins de santé et des services publics. Pour les prochains trimestres, nous sommes d’avis qu’un positionnement défensif pourrait se révéler salutaire.
Pour terminer, veuillez noter qu’une modification a été apportée à notre indice de référence des titres de croissance pour nos mandats de gestion discrétionnaire. L’indice de référence antérieur se composait à 33 % de l’indice canadien composé S&P/TSX et à 67 % de l’indice MSCI Monde. Il sera dorénavant composé à 33 % de l’indice canadien composé S&P/TSX et à 67 % de l’indice MSCI Monde tous pays (ACWI). Cette substitution de l’indice MSCI Monde par l’indice MSCI ACWI vise à obtenir un indice de référence plus représentatif de notre univers de placement.
Permettez-nous de vous souhaiter un agréable printemps 2024. Nous vous remercions pour votre confiance renouvelée et demeurons disponibles si vous en ressentez le besoin.
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